Renewing America’s Nuclear Arsenal, Options for the 21st Century

Observatoire de la dissuasion n°48
novembre 2017

  Projet actuel Option 1 Option 2 Option 3
Bombardiers /missiles de croisière 100 B-21 / 1000 LRSO 100 B-21 / 1000 LRSO 80 B-21 / 0 LRSO 80 B-21 / 0 LRSO
ICBM 400 GBSD 300 GBSD 0 0
SNLE/SLBM 12 Columbia / 16 SLBM 8 Columbia / 16 SLBM 10 Columbia / 16 SLBM 6 Columbia / 16 SLBM + 8 Virginia et 4 SLBM
Armes non-stratégiques B61-12 (OTAN) B61-12 (OTAN) B61-12 non-déployées (OTAN) B61-12 non-déployées (OTAN)
Nombre de têtes (critères New Start) 1550 1100-1500 <1100 750

Toujours dans un contexte de réflexion de grande ampleur aux Etats-Unis, en amont de la publication de la future NPR, James Doyle, ancien expert de la division de la non-prolifération à Los Alamos National Laboratory, a publié en octobre 2017 un rapport avec l’IISS où il propose des scénarios alternatifs pour la structuration de l’arsenal nucléaire américain. Son objectif affiché : inciter les Etats-Unis à sortir de la mentalité de guerre froide et reconsidérer globalement leur politique nucléaire pour améliorer la stabilité stratégique, favoriser la sécurité nucléaire, mieux lutter contre la prolifération et in fine économiser des milliards de dollars pouvant être réinvestis dans d’autres priorités militaires ou gouvernementales.

Dans une première partie, James Doyle décrit les différentes composantes du plan de modernisation actuel, ainsi que les coûts associés à chaque système. Le calendrier de modernisation des armes est également rappelé ainsi que les programmes de renouvellement des infrastructures liées. Il décrit ensuite la stratégie associée à ce plan de modernisation de la Triade. Les arguments officiels en faveur de chaque segment sont notamment repris.

Dans un second temps, l’auteur propose trois scénarios alternatifs. Le premier s’appuie sur le programme actuel mais en réduit légèrement la voilure, en passant de 12 à 8 Columbia, et 300 au lieu de 400 ICBM, entrainant une réduction du nombre de têtes déployées d’environ 500. Pour lui, ce scénario ne modifierait pas les capacités américaines à infliger des dommages ou à survivre à une frappe adverse.

Le second scénario réduit légèrement les capacités sous-marines (10 Columbia) et aériennes (80 bombardiers au lieu des 100 prévus), élimine le missile de croisière LRSO pour ne s’appuyer que sur les B61-12 mais surtout se débarrasse des ICBM à partir de 2030. Il induirait une légère déperdition en termes de capacité de survie mais renforcerait la stabilité stratégique en désincitant les adversaires potentiels à lancer une première frappe.

Le troisième et dernier scénario envisage également une dyade avec une composante océanique mixte plus importante (Columbia et Virginia) et 80 B-21. Ainsi, la capacité de survie serait accrue et les plateformes pourraient avoir une double capacité. Ce scénario permettrait également de réduire le nombre de types de têtes requis.

L’auteur estime que le programme de modernisation actuelle de la Triade va au-delà des exigences en matière de dissuasion et réduit la stabilité stratégique en cas de crise et en matière de courses aux armements. En particulier, il incrimine le déploiement des B61-12 en Europe, qui pourrait conduire la Russie à déployer ses Iskander-M à Kaliningrad. La production du LRSO est aussi contestée car elle traduirait la volonté américaine de se préparer à un usage tactique d’armes nucléaires dans un conflit et pousserait les autorités russes à perfectionner leurs propres missiles de croisière à capacité duale, y compris en violation du Traité FNI. Enfin, la combinaison têtes adaptées aux cibles endurcies, frappes conventionnelles globales et défense antimissile est également déstabilisatrice, car elle fait redouter à la Russie et la Chine une première frappe américaine et les pousse à améliorer leurs capacités et repousser vers le haut leur posture d’alerte.

James Doyle juge que seuls les scénarios 2 et 3 permettraient d’améliorer la stabilité stratégique. Par ailleurs, ces deux options sont également celles qui offrent le plus d’opportunités en termes de maîtrise des armements, notamment avec la Russie, permettant d’envisager de réduire conjointement le nombre de têtes et de vecteurs tactiques et stratégiques. De fait, il considère opportun de concevoir dès à présent des vecteurs pouvant être utilisés dans une fonction conventionnelle si des progrès en matière de désarmement venaient à être accomplis dans les décennies à venir, ou dont le démantèlement serait aisément vérifiable. L’objectif serait ainsi selon l’auteur d’adopter une nouvelle approche visant à concevoir des armes dans l’optique de la dénucléarisation, en tant que capacité « de couverture » (hedging).

De même, il estime que les choix réalisés doivent prendre en compte la nécessité de réduire le risque en termes de sécurité nucléaire, que ce soit aux Etats-Unis (limiter les zones de déploiement et de stockage ou les transports) ou à l’étranger (éviter par exemple que des adversaires répondent par le déploiement d’armes tactiques plus vulnérables au terrorisme nucléaire). Ces choix devraient également à ses yeux permettre un financement adéquat des programmes liés à la non-prolifération et à la sécurité nucléaire, et en particulier à la prévention du terrorisme nucléaire. Ces objectifs ne sont pour lui pas remplis par le programme actuel, qui ne lui semble pas cohérent non plus avec les engagements pris dans le plan d’actions de la conférence d’examen de 2010 du TNP. Ce manque de progrès en matière de désarmement pourrait nuire à la capacité américaine à faire avancer ses propres objectifs en termes de non-prolifération. Par ailleurs, la conception d’une nouvelle tête interopérable pourrait remettre en cause le moratorium sur les essais si elle s’avérait plus complexe que prévu et donc nuire fortement au régime de non-prolifération.

Enfin, James Doyle estime que le coût d’opportunité induit par le programme de modernisation actuel est trop élevé et nuira aux capacités conventionnelles américaines

En conclusion, l’auteur indique que le contexte stratégique et notamment les tensions avec la Russie nécessite justement de réfléchir à l’amélioration de la stabilité et à la poursuite des efforts de non-prolifération, tout comme l’économie de ressources budgétaires pour les programmes conventionnels.

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