Une vision stratégique des relations franco-italiennes : vers un traité bilatéral ?
Les relations entre la France et l’Italie représentent un angle mort de la politique étrangère française alors qu’en Italie elles suscitent une sensibilité extrême. Depuis longtemps nous constatons la non-correspondance des perceptions croisées, c’est-à-dire la façon dont les deux pays projettent leurs visions l’un sur l’autre, des représentations qui, la plupart du temps, ne se syntonisent pasJean-Pierre Darnis, « France, Italie et Europe, une relation fragile ? », Le Grand Continent, 12 avril 2018.. C’est d’autant plus dommage que l’on peut constater l’importance de la structure des coopérations et des échanges entre les deux pays. Les secteurs industriels, depuis le spatial jusqu’aux assurances en passant par l’automobile, illustrent l’intensité de ces échanges, qui, derrière l’importance des flux économiques, se caractérisent par un maillage des interactions entre deux modèles d’interventionnisme étatique fort. Alors que depuis les années 1990 le cadre européen a permis un saut en avant dans l’intégration des marchés, nous avons observé combien ces intégrations sectorielles pouvaient provoquer des frictions dans le contexte franco-italien. La relation bilatérale pèche également par manque de profondeur stratégique : c’est vrai en ce qui concerne la politique industrielle et de technologie, mais cela l’est également en matière sécuritaire, alors que la question libyenne a longtemps représenté une pierre d’achoppement entre les deux pays. La séquence d’interventions militaires communes de la décennie 1990 avait créé les termes d’une convergence opérationnelle qui semblait pouvoir constituer les bases pour une vision politico-stratégique commune. Les années 2000 et, en particulier, 2010, ont au contraire vu l’apparition d’une série de différends autour de l’évaluation du cadre sécuritaire et de la projection de la force, une séquence négative qui a effacé le capital positif accumulé lors du cycle précédent. Les difficultés actuelles de la situation libyenne illustrent combien l’absence de convergence dans la projection sécuritaire sur la rive sud de la Méditerranée constitue un handicap.
Se pose ainsi la question de l’augmentation des instruments de gouvernance de la relation bilatérale. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) entraîne une re-continentalisation de l’Europe, avec, par exemple, une intensification du rapport franco-allemand. Dans le cadre de cette accélération d’une Union qui démontre sa capacité à gérer l’après-crise de la Covid-19, nous constatons un besoin de renforcement des relations franco-italiennes pour augmenter l’intensité et la qualité des décisions européennes, l’un n’allant pas sans l’autre. L’amélioration de la relation bilatérale représente l’une des étapes de cette ultérieure structuration de l’Union. Pour mieux en appréhender les enjeux, mais aussi les difficultés, il convient de rappeler les dynamiques récentes.
L’Affaire STX-Fincantieri et la question de la relation stratégique dans le domaine de l’industrie
Entre 2017 et 2019 une série d’épisodes épineux ont défrayé la chronique des relations entre Paris et Rome. L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française initie un cycle négatif qui s’est ensuite envenimé, au printemps 2018, lors de l’arrivée au pouvoir de la majorité souverainiste M5S-Lega en Italie.
Mais un événement précis a marqué un seuil dans la dégradation des relations entre Paris et Rome : dès le lendemain des élections de 2017, la présidence française met le holà sur le dossier de reprise des chantiers de l’Atlantique/STX par le groupe italien Fincantieri, un coup d’arrêt qui a été vécu comme un camouflet par l’ensemble des milieux gouvernementaux et économiques italiensVoir, par exemple, Piercarlo Fumano, « 'Futuro dell'Europa cupo dopo l'altolà a Fincantieri' ; L'economista Luigi Zingales: 'L'Italia fa bene a indignarsi di fronte alla manovra protezionista di Macron su Stx: è una discriminazione verso il gruppo triestino' », Il Piccolo, 30 juillet 2017.. Il faut rappeler que le constructeur naval italien est une entreprise contrôlée par l’Etat italien (71 % du capital possédés par la Caisse des Dépôts et Prêts), et que ce contrôle signifie une association étroite du gouvernement aux grandes décisions stratégiques. De plus, l’entreprise basée à Trieste met en avant à la fois son savoir-faire technologique mais aussi la stabilité de ses investissements ainsi que son attention à l’égard de l’emploi local.
Ainsi, le revirement de la présidence Macron par rapport aux accords établis durant la présidence Hollande est très mal vécu par l’ensemble des milieux politiques et économiques en Italie, qui se sentent ignorés, ce d’autant plus que le précédent propriétaire de STX était sud-coréen, et s’interrogent sur la dissonance entre les tons européistes de la campagne pour la présidentielle et le caractère nationaliste de cette décision.
Ce dossier connaît ensuite des évolutions difficiles car la recherche d’un accord ultérieur large, à la fois civil et militaire, entre Naval Group et Fincantieri apparaît comme un succédané qui ne suffit pas vraiment à panser la blessure initiale, ce alors que le marché de la construction navale doit faire face aux aléas de la crise de la Covid-19Véronique Guillemard, « Avis de gros temps dans les chantiers navals construisant les paquebots géants », Le Figaro, 2 juin 2020..
Cette entrée en matière funeste vient illustrer une constante négative dans la relation bilatérale : l’absence d’un cadre de coopération stable en ce qui concerne les industries stratégiques. L’Italie et la France ont toujours considéré l’Etat comme un acteur premier des politiques industrielles. Et c’est au nom de ces visions que, dans les deux pays, l’Etat est actionnaire d’entreprises dans les secteurs de l’aérospatial et de la défense, de l’énergie, des télécommunications, des banques et du transport. Cette situation moderne d’actionnariat provient d’ailleurs d’une histoire dans laquelle certaines de ces fonctions étaient directement gérées en régie souvent monopolistique. Le renforcement des marchés européens a entraîné des transformations sociétaires et la fin des monopoles internes. Nous nous trouvons sur le papier avec une structure économique et des visions gouvernementales somme toute voisines, en particulier si on les compare aux autres Etats membres de l’Union, beaucoup plus réticents à l’égard de l’Etat-actionnaire. Si cette vision stratégique est commune, comment expliquer l’impossibilité de définir un cadre élargi de synergies ?
C’est dans le contexte qui se met en place à partir des années 1990 que nous pouvons observer des stratégies divergentes entre la France et l’Italie. L’Italie, qui connaît une quasi-faillite de ses finances publiques en 1992, lance une série de privatisations et accélère la transformation de son économie publique pour récupérer de la compétitivité en jouant la carte européenne. La France, de son côté, met en place la stratégie contraire, c’est-à-dire qu’elle retarde au maximum la transposition des différentes directives de libéralisation des marchés pour pouvoir conserver le plus tard possible la structure des entreprises étatiques et des monopoles internes. C’est dans ce contexte – deux calendriers divergents – que se créent les conditions structurelles de non-coopération entre les deux pays.
L’ouverture des marchés produit ses effets, et l’économie italienne apparaît comme un terrain privilégié d’action pour de nombreux groupes français qui reprennent des entreprises italiennesEttore Livini, « Loro Piana e gli altri quando il padrone diventa francese », La Repubblica, 15 juillet 2013.. Et c’est dans ce contexte que blocages et perceptions négatives s’accumulent. Le premier dossier douloureux est celui de l’OPA d’EDF sur Edison, bloquée en 2001 par le gouvernement italien. Cette affaire illustre le paradigme du décalage entre la France et l’Italie, lorsqu’un établissement public français (EDF à l’époque) mène une opération d’investissement au sein d’un marché italien en pleine ouverture, ce alors que le marché français de l’énergie reste cadenassé. Il faudra une dizaine d’années pour que cette situation se stabilise.
En 2006, lorsque l’électricien italien ENEL s’allie à Veolia pour reprendre Suez, l’OPA est bloquée par le gouvernement français, qui interprète cette opération comme une menace et enclenche la fusion Suez-GdfPierre De Gasquet , « L'Europe de l'énergie et le grand malentendu franco-italien », Les Echos, 4 octobre 2006.. On voit déjà qu’une entreprise publique italienne, l’électricien ENEL, considérée à bien des égards comme l’un des fleurons stratégiques de la péninsule, est rapidement écartée à Paris.
Ainsi, les problèmes dans le secteur de l’énergie à partir des années 2000 révèlent la difficulté d’établir des convergences dans des domaines stratégiques, ce d’autant plus que ces opérations engagent l’action des Etats comme à la fois propriétaires des entreprises et régulateurs. Lorsqu’ensuite les investissements directs français se multiplient en Italie dans des secteurs apparemment anodins comme le luxe et les produits laitiers, les perceptions négatives s’accumulent à Rome avec un sentiment d’envahissementJean-Pierre Darnis, « Italia-Francia finita la crisi, restano i problemi », Affarinternazionali, 21 février 2019..
Ce brouillage autour d’une convergence de stratégies industrielles fait passer au second plan l’importance des liens dans les domaines techniques et scientifiques. Les co-entreprises spatiales ThalesAleniaSpace et Telespazio illustrent de la manière la plus directe la coopération franco-italienne dans le secteur spatial, une coopération qui s’exprime également par les nombreuses participations à des programmes européens communs. Dans le domaine des technologies électroniques, il faut se souvenir de l’exemple de politique industrielle qu’a longtemps représenté le producteur de semiconducteurs STmicroelectronics, une entreprise sous contrôle italo-français et dont la valeur stratégique reste forte. Ce début de liste, absolument pas exhaustif (nous pourrions rajouter ATR, MBDA…), doit non seulement rappeler un patrimoine d’accords industriels dans les secteurs de technologie avancée, mais également permettre d’entrevoir les possibilités en termes de développement ultérieur pour deux pays dont les politiques industrielles et de recherche offrent de nombreux points de contacts structurés au sein des programmes menés par les agences et instituts publics (ASI, CNES, CNRS, CNR, INRIA, CEA, ENEA, universités…). L’activité scientifique et technique est particulièrement intense dans le contexte franco-italien mais apparaît comme secondaire dans les représentations, tant les échecs retentissants tiennent le haut du pavé.
Aux difficultés de mise en place d’une vision stratégique industrielle, illustrées par le cas STX-Fincantieri, viennent s’ajouter les incompréhensions en ce qui concerne le cadre sécuritaire au sud de la Méditerranée, qui se manifestent également de façon forte en 2017.
Difficultés d’appréciation du cadre sécuritaire de la rive sud de la Méditerranée
A cette première lacération entre Paris et Rome s’ajoutent rapidement les tensions autour de la question libyenne. Lors du sommet trilatéral de Trieste, en juillet 2017, le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni, insiste auprès d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel pour rappeler l’urgence du problème représenté par la pression migratoire en provenance de Libye et les risques que ce dossier migratoire fait peser sur la politique interne avec la montée des souverainistes« Dal vertice tra Italia, Germania e Francia a Trieste non emergono iniziative concrete sull’immigrazione – Solidarietà a parole », L’Osservatore Romano, 13 juillet 2017.. Face à cette requête de solidarité de la part d’un modéré italien, la réponse française va être d’organiser, fin juillet 2017, une rencontre entre les opposants libyens Haftar et Serraj à la Celle-Saint-Cloud pour favoriser une solution côté libyen. Cette conférence ne marque pas de véritable progrès dans le traitement de la question libyenne ; elle offusque cependant les Italiens, qui se sentent exclus du processusVoir, par exemple, Gianandrea Galliani « Quel che resta dell'Europa se avanza l'asse franco-tedesco », Il messaggero, 28 juillet 2017.. Dans ce contexte, nous pouvons relever une différence entre des Français qui jouent à l’époque la solution de légitimité onusienne de Serraj sans se priver d’entretenir des relations avec l’homme fort Khalifa Haftar, alors que les Italiens privilégient la légitimité du gouvernement de Tripoli de Fayez El Sarraj. Ces divergences stratégiques entre une Italie habituée à amadouer les différentes tribus libyennes, également dans le cadre d’une géopolitique du pétrole, et la vision anti-terroriste française, attentive aux rapports de forces, ont souvent creusé un fossé entre l’Italie et la France, une division renforcée par l’extrême susceptibilité manifestée par l’Italie dès que l’on traite de la LibyeVoir l’entretien entre Jean-Pierre Darnis et Lia Quartapelle, « All’Italia conviene fare pace con la Francia? », Podcast Cavour, 5 juillet 2019..
En toile de fond de ces dissensions autour du cas libyen, il faut souligner le divorce stratégique survenu entre la France et l’Italie depuis les années 2000. En 2006, l’intervention commune au Liban par le biais de la mission ONU UNIFIL II représente le point d’orgue d’une série de convergences politico-militaires à l’œuvre depuis les années 1980, et qui se sont particulièrement illustrées sur le terrain des Balkans lorsque, par exemple, les carabiniers italiens et les gendarmes français collaboraient au maintien de la sécurité du Kosovo au sein des MSU (Multinational Specialized Units). Dans la décennie 2000, cependant, les terrains de convergence s’amenuisent, et l’intervention en Libye en 2011 représente à cet égard un seuil négatif. La faiblesse de l’exécutif italien, présidé par un Silvio Berlusconi en fin de cycle, laisse l’impression confuse d’une Italie qui subit l’accélération voulue par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sans jouer le rôle de médiateur avec le régime de Kadhafi que son ancrage libyen aurait pu lui permettre. A partir de 2013, la Libye se désagrège peu à peu et les vagues migratoires déferlent sur la Sicile : l’Italie entre dans une époque d’urgence migratoire et rapidement, le théorème de la responsabilité française dans les maux italiens prend piedDomenico Cacoppardo, « L’Italia non puo ingoiare tutto », Italia Oggi, 4 février 2016.. A cette vision d’une causalité entre intervention en Libye et crise migratoire s’ajoutent souvent, en Italie, des interprétations sur les zones d’influence en Libye et sur la compétition pour les ressources pétrolièresAlberto Negri, « Libia e politica : se i nostri “interessi” li tutelano gli altri », Il Sole 24 ore, 17 février 2015.. Ainsi, les Italiens commencent à être profondément indisposés par les conséquences de l’action française en Libye et craignent une partition des ressources en leur défaveur. Ce dernier aspect illustre bien la croissance d’une lecture géo-économique qui fait florès en Italie. D’un autre côté, les Italiens observent avec une certaine indifférence, voire une pointe d’hostilité revancharde, la séquence sécuritaire qui s’installe dans la zone sahélienne à partir de 2013 et de l’intervention française au Mali. C’est cette incompréhension de fond qui pousse le gouvernement dirigé par Mario Monti à refuser l’aide militaire sollicités par la France pour le théâtre sahélien, ce alors que des tendances pacifistes explicites se font jour au sein de l’exécutif italien. La vague d’attentats que subit la France en 2015 accentue la priorité donnée à la lutte anti-terroriste à Paris, mais ne provoque pas de convergence ultérieure avec une Italie qui reste marquée par la crise migratoire mais aussi par la perception de son propre rôle en Libye.
Ainsi, la séquence diplomatique de 2017 vient, en quelque sorte, raviver un feu qui brûlait déjà, celui de la rivalité réelle ou perçue qui se cristallise autour de la Libye.
Le traité bilatéral, un instrument de remédiation ?
Le sommet bilatéral franco-italien de Lyon, en septembre 2017, arrive à point nommé pour calmer le jeu. Il donne lieu à une longue déclaration programmatique qui reprend l’ensemble des secteurs d’intérêt commun, en mettant en avant les convergences potentielles. Et c’est lors de ce sommet qu’est évoqué pour la première fois le projet d’un « Traité du Quirinal », un traité bilatéral susceptible de faire progresser les relations entre la France et l’Italie en s’inspirant du modèle franco-allemand.
Ce projet est officiellement lancé en janvier 2018 en marge d’une visite d’Emmanuel Macron à Rome« France et Italie préparent un traité bilatéral de coopération », AFP, 11 janvier 2018. . Un groupe de travail est alors constitué avec Sylvie Goulard, Pascal Cagni et Gilles Pécout côté français, Paola Severino, Franco Bassanini et Marco Piantini côté italien. Cette commission se met rapidement au travail, avec pour idée générale de systématiser et prolonger les relations déjà existantes dans les différents secteursAssemblée Nationale, Compte rendu de la Commission des affaires européennes, n° 46, 14 juin 2018..
Cependant, cet effort, louable, intervient bien tard. L’année 2018 est marquée en Italie par les tons exacerbés de la campagne pour les élections législatives, qui voient à la fois les souverainistes du M5S et les nationalistes de la Lega et du parti « Fratelli d’Italia » occuper le terrain de la dénonciation du manque de solidarité européenne en matière d’immigration. Le contexte se tend peu à peu, et la référence à la France devient de plus en plus épineuse. Déjà, en mars 2018, un contrôle opéré par des douaniers français à Bardonecchia, dans le cadre de l’accord de coopération bilatérale en matière de police, est entaché d’une irrégularité administrative qui provoque une véritable tempête médiatique contre la présence d’officiers de police français sur le territoire italienSilvia Gemini, « Bardonecchia, scoppia il caso diplomatico. Ma per Parigi è tutto regolare », L’Unità, 31 mars 2018.. Alors que la presse transalpine se déchaîne, il faut relever la position plutôt rigide du gouvernement Italien, qui non seulement ne rappelle pas les termes de l’accord existant, mais convoque en sus l’ambassadeur de France pour signifier le courroux de l’exécutif. Cet épiphénomène est révélateur du climat de l’époque, celui dans lequel un gouvernement italien soutenu par une coalition de centre-gauche modérée, l’exécutif de Paolo Gentiloni, illustre la montée d’un sentiment anti-français dans le cadre d’une campagne législative placée sous le signe de la menace migratoire et des problèmes afférents.
Entre élections législatives italiennes et élections européennes, un calendrier marqué par la politisation de la relation bilatérale
Les élections législatives de 2018 en Italie viennent bouleverser cet équilibre en ne permettant pas la constitution d’une majorité suivant la traditionnelle division gauche/droite. Le gouvernement Conte, basé sur une coalition entre M5S et Lega, est formé en juin 2018 après une longue période de crise, tant est grande la difficulté de consolider une coalition. Quelques jours plus tard, l’ambassadeur Christian Masset est à nouveau convoqué par le nouveau ministre italien des Affaires étrangères, Moavero Milanesi, alors qu’un porte-parole du gouvernement français avait critiqué le comportement de l’exécutif italien dans la gestion du navire de réfugiés Aquarius« Entre Paris et Rome, une comédie en cinq actes sur fond de tragédie », Bruxelles2, 15 juin 2018.. La mise en place d’un gouvernement de coalition souverainiste-nationaliste amplifie l’opposition vis-à-vis de la France, dont le président, Emmanuel Macron, devient rapidement un symbole honni en Italie au nom du refus par Rome du diktat de Paris sur l’EuropeVoir par exemple les positions très critiques à l’égard de la France et de son président exprimées par Giorgia Meloni, leader du parti nationaliste « Fratelli d’Italia » (« Migranti, Meloni: a Parigi Conte dica che musica e' cambiata »), Askanews, 14 juin 2018..
C’est dans ce contexte que s’affirme un discours « contre l’Europe de Macron », exprimé en particulier par la Lega et son leader, le ministre de l’Intérieur Matteo SalviniDavide Papetti, « La Lega riunita a Pontida, Salvini: "Al governo 30 anni". Bizzotto: "Macron fa vomitare" », Citinews, 1er juillet 2018., auquel répond un discours anti-« Salvini et Orban » de la part du président français, qui va utiliser ce positionnement dans le contexte d’une campagne pour les élections européennes qui démarre déjà« Macron se pose en ‘opposant principal’ d’Orban et de Salvini », Europe 1, 29 août 2018.. Cette légitimation négative croisée entre Matteo Salvini et Emmanuel Macron fonctionne à plein jusqu’au premier semestre 2019.
A ce moment-là explose le second volet de la crise diplomatique entre la France et l’Italie. Ce sont d’abord les déclarations du ministre et leader du mouvement 5 étoiles Luigi di Maio, critiquant la politique du franc CFA, qui provoquent la convocation de l’ambassadeur d’Italie à Paris, Teresa Castaldo, par le Quai d’Orsay« Crise migratoire : l’Italie accuse la France d’appauvrir l’Afrique », Burkina 24, 22 janvier 2019.. Puis, en février, la rencontre entre le même Luigi di Maio et des représentants d’un comité de « Gilets Jaunes » en France entraîne le rappel à Paris de l’ambassadeur Christian Masset« Francia: Parigi-Roma, un anno ad alta tensione diplomatica », AdnKronos, 7 février 2019., un geste particulièrement grave dont le dernier exemple remonte à l’entrée en guerre de l’Italie contre la France en 1940. Nous pouvons également lire dans ces interventions de la diplomatie française la réponse aux convocations de 2018 par la diplomatie italienne.
La visite du président de la République Sergio Mattarella en France, en mai 2019, à l’invitation d’Emmanuel Macron viendra clore ce cycle négatif en rétablissant l’expression d’une volonté commune au plus haut niveau, mais la bourrasque laisse des traces« À Amboise, les riverains pourront profiter de leurs fenêtres pendant la visite de Macron », Le Figaro, 30 avril 2019..
Un nouveau cycle après les élections européennes de 2019 ?
Les élections européennes vont également contribuer à l’évolution du dossier. Une fois la campagne électorale passée, le ton baisse dans l’ensemble de l’Union. En Italie, c’est un Salvini rendu confiant par son succès dans les urnes qui provoque la crise gouvernementale de l’été et aboutit au résultat paradoxal d’un nouvel accord de coalition entre le M5S et le Parti Démocrate, qui exclut la Lega, pour constituer le gouvernement Conte 2. Cette coalition post-souverainiste apparaît beaucoup plus compatible avec les principaux partenaires européens comme la France et l’AllemagneGianfranco Morra, « Ha vinto il sovranismo moderato », Italia Oggi, 11 septembre 2019.. Ce retour de l’Italie dans le concert de l’Union, amorcé par l’élection du député démocrate David Sassoli, un proche de Sergio Mattarella, à la présidence du Parlement européen, est ensuite renforcé par la nomination de Paolo Gentiloni comme Commissaire européen. Avec la mise en avant de ces figures européistes, l’Italie veut recouvrer ses capacités de dialogue.
L’apparente normalisation provoque des gestes forts, comme ceux d’Emmanuel Macron et du président allemand Franck-Walter Steinmeier, qui se précipitent à Rome en septembre 2019 à peine le nouvel exécutif Conte nommé – tant est grand le désir de normaliser les relations après cette période troubleGerardo Pelosi « Conte-Macron trattativa al via su sbarchi e relocation », Il Sole 24 Ore, 17 septembre 2019. et de considérer cette dégradation des relations comme une parenthèse conjoncturelle qu’il convient de refermer rapidement. Le gouvernement Conte 2 se montre beaucoup moins inamical que le précédent exécutif même s’il garde une relative réserve dans ses déclarations.
Au-delà de cet empressement diplomatique de bon aloi, il faut éviter de commettre une erreur d’analyse en faisant de la Lega de Matteo Salvini l’unique responsable de tous les maux et en considérant la crise diplomatique de 2018-2019 comme un épiphénomène. Il convient de rappeler que le M5S a exprimé des positions très critiques vis-à-vis de la France et qu’il reste la principale formation de l’actuelle coalition au pouvoir. Le franc CFA ou la liaison Lyon-Turin représentent autant de dossiers qui ont vu le M5S s’opposer à la France, et ils restent à l’ordre du jour. De plus, c’est lorsque le Parti Démocrate était au pouvoir, en 2017 avec Paolo Gentiloni, que nous avons assisté à une forte dégradation des relations suite à l’élection d’Emmanuel Macron. On remarque également le renforcement de la formation « Fratelli d’Italia », qui s’est toujours distinguée par des positions critiques à l’égard de la France. Enfin, la gestion des flux de réfugiés en provenance de Libye sera un enjeu important dans l’effort des deux pays pour parvenir à un apaisement durable de leurs relations. La perception d’un problème d’immigration a été, durant cette période, la question centrale de la politique italienne, avec une droite qui a prospéré grâce aux thèmes de la dénonciation de l’insécurité et du laxisme en la matière. Et dans ce contexte, la France et l’Europe sont traditionnellement pointées du doigt pour leur absence de solidarité concrète. Il faut donc être particulièrement prudent car la difficulté que revêt la mise en place d’un mécanisme de répartition des réfugiés en Europe constitue un terrain miné qui peut à nouveau exploser en cas de crise migratoire.
La crise de la Covid-19 et ses conséquences diplomatiques
La crise de la Covid-19 représente une phase ultérieure dont la lecture n’est pas univoque. Le sommet bilatéral de février 2020 a marqué la relance des rapports entre la France et l’Italie, présentés sous leurs meilleurs atours lorsque Giuseppe Conte et Emmanuel Macron déambulent dans les rues de Naples pour saluer les passants et aller déguster un baba chez ScaturchioJean-Dominique Merchet, « Retrouvailles italiennes pour Emmanuel Macron, sur fond de coronavirus », L’Opinion, 26 février 2020.. Dans ce contexte de coopération renouvelée, le processus du Traité du Quirinal est officiellement relancé. Ce sommet se déroule le 27 février, alors que la crise sanitaire pointe déjà dans le Nord de l’Italie. Dans l’ambiance quelque peu surréelle d’une catastrophe annoncée, la rencontre gouvernementale entre la France et l’Italie permet de resserrer les liens distendus par la phase précédente et d’assurer une bonne communication entre les deux exécutifs durant la crise. Ainsi, les ministres de la Santé mais aussi des Transports gardent des canaux ouverts, ce qui permet de maintenir un cadre de collaboration dans le contexte de la Covid-19.
La visite à Rome de Jean-Yves Le Drian début juin 2020 s’inscrit dans une volonté d’attention spécifique pour la reprise du dialogue diplomatique dès que les conditions sanitaires s’améliorentVeronica Sansonetti, « Italia-Francia, Di Maio e Le Drian rilanciano il Trattato del Quirinale », formiche.net, 3 juin 2020. . Il faut observer que le dossier libyen, longtemps un point d’achoppement pour les relations entre les deux pays, s’est à la fois complexifié et simplifié. Ni l’Italie, ni, surtout, la France n’apparaissent bien positionnées dans le contexte d’un fort redimensionnement du camp Haftar. Cette évolution n’offre pas de scénario évident sur le terrain mais elle a au moins le mérite de calmer les velléités françaises et italiennes, deux pays désormais marginalisés par la montée en puissance d’acteurs externes, comme la Turquie, et qui se doivent de coopérer pour défendre leurs intérêts.
Il convient également de relever qu’au même moment, le Parlement italien a voté le financement pour une participation à la mission militaire Takuba, la force européenne d’appui et de conseil aux dispositifs de sécurité déjà existants au Sahel« Difesa: da Irini su armi Libia a Takuba nel Sahel, nuove missioni a esame Senato », AdnKronos, 11 juin 2020.. Le fait que l’Italie rejoigne cette initiative européenne voulue par la France représente un signal diplomatique non négligeable, car à l’exception de quelques soldats envoyés au Niger, l’Italie était absente du théâtre sahélien. Nous pouvons donc observer une nette amélioration de la coopération sur les dossiers sahélo-libyens, même si tout cela reste fragile tant les suspicions sont grandes.
Le dossier européen offre également une lecture ambivalente. Le début de la crise de la Covid-19 a été marqué par un repli national de l’ensemble des pays européens, avec une réaction quasi autarcique. L’Italie est alors en avance de phase dans la diffusion de l’épidémie, alors que les autres pays de l’Union européenne retardent les mesures de confinement. Ceci contribue à une perception d’isolement de l’Italie dans la première phase de la crise alors qu’enfle une polémique sur l’absence de signes d’aide concrets de la part de l’Europe et des Etats membres dans le contexte de la pénurie d’équipements nécessaires« Sartori accusa l'Unione Europea: "Italia lasciata sola in questi giorni difficili" », La Voce di Genova, 30 mars 2020.. Au même moment, les équipes chinoises et russes débarquent en Italie à grand renfort de communication, avec un remarquable effort de propagande qui trouve dans la péninsule un terrain favorable« Europa, sei punti contro la disinformazione su Covid-19. E l'Italia pensa a una commissione d'inchiesta », Il fatto quotidiano, 11 juin 2020..
Cette insatisfaction à l’égard de l’Europe se prolonge ensuite alors que l’Italie réclame une générosité financière européenne sous forme de dette communeMassimo Giannini, « La cassa comune dell'europa e il sogno sovranista dei soldi in regalo », La Repubblica, 20 avril 2020.. L’initiative franco-allemande d’un plan de relance européenne a coupé l’herbe sous le pied à cette critique, car elle va dans le sens des requêtes italiennes« Ue: Sassoli, il muro e 'caduto’ », Milano Finanza, 1 juin 2020.. Nous constatons ainsi l’effet positif de ce positionnement politique pour les relations entre la France et l’Italie. Mais la page ne doit pas être considérée comme définitivement tournée car les perceptions négatives perdurent et elles ne peuvent être analysées uniquement en suivant les évolutions au jour le jour de la relation bilatérale. L’euroscepticisme italien s’est renforcé depuis une vingtaine d’années, avec la réactivation de la référence nationale, qui avait disparu dans l’après-guerre, et les jugements négatifs récurrents à l’égard de la France et de l’AllemagneJean-Pierre Darnis, « Treacherous Mirror: Misinterpreting Italian Euroscepticism », IAI Commentaries, mai 2020.. Nous pouvons poser l’hypothèse d’une culture nationaliste qui aurait pris pied en Italie depuis la fin du XXè siècle, en s’appuyant sur des divisions (les sentiments anti-français ou anti-allemands) déjà présentes dans l’histoire. L’accumulation des dossiers problématiques avec la France, et la négligence d’une France qui a souvent survolé avec une certaine désinvolture ces frictions, ont contribué à nourrir les ressentiments.
Une fenêtre d’opportunité pour un traité bilatéral ?
C’est dans ce contexte que, côté italien comme côté français, la signature d’un traité bilatéral entre la France et l’Italie, le « Traité du Quirinal », qui s’inspire du modèle franco-allemand, est à nouveau évoquée. Pour tourner la page des bisbilles franco-italiennes, il est temps de renforcer les mécanismes institutionnels bilatéraux. Au vu des crises successives, mais également de la série de dossiers épineux qui émaillent les relations franco-italiennes depuis le début des années 2000, un mécanisme susceptible d’institutionnaliser les rapports entre les gouvernements français et italien semble plus que jamais souhaitable. La crise de la Covid-19 a illustré la validité du rapport franco-allemand, un exemple dont on doit s’inspirer.
Mais les conditions de ce traité ont changé au cours des deux dernières années et il convient de les prendre en compte. Il faut dire que pendant les longs mois de la crise diplomatique entre Paris et Rome, les travaux de la commission bilatérale n’ont que peu progressé, mais aussi, surtout, que cette commission associée au précédent exécutif italien n’apparaît plus comme légitime. Les lacérations entre Paris et Rome laissent des traces et, de nouveau, il faut faire le constat d’un sentiment francophobe diffus en Italie, une vision négative dont on a par exemple pu percevoir la prégnance au sein de l’orientation du journal télévisé de la deuxième chaîne publique italienne, Rai 2, qui a multiplié les reportages au vitriol sur la France en 2018 et 2019. Alors que la période précédente se basait sur l’illusion d’une amitié, en reprenant parfois la rhétorique galvaudée des « sœurs latines », il faut poser désormais le constat d’un rapport fragile, difficile, chargé de rancœurs, et qui doit donc être traité comme tel en évitant l’approche culturaliste française, qui tend fréquemment à proposer une vision positive de l’Italie au nom d’une relecture historique sans s’interroger sur la complexité de cette société, mais également en dépassant la vision trop géopolitique et nationaliste d’une Italie qui a oublié de se projeter dans l’intégration européenne. Les sommets bilatéraux ont bien souvent énuméré les nombreux secteurs, depuis la recherche jusqu’à la culture en passant par l’industrie, l’espace ou les transports, qui peuvent exprimer des synergies entre la France et l’Italie. C’est probablement ce qui ne faut pas faire aujourd’hui tant le ressenti est lourd. Cependant, il ne faut pas sous-estimer la spécificité et l’actualité de la relation franco-italienne dans des domaines qui font désormais partie de la « souveraineté technologique européenne », un concept qui s’est renforcé dans le contexte de la crise de la Covid-19Jean-Pierre Darnis, « La souveraineté technologique européenne, une réponse à la crise de la Covid-19 ? », Notes de la FRS, n° 41/2020, 19 mai 2020.. Alors que le modèle d’intervention de l’Etat dans l’économie et dans l’industrie fait un retour en force, la France et l’Italie expriment à différents niveaux leur adhésion à un concept de souveraineté technologique, une énonciation encore vague mais qui illustre bien la volonté de structurer une protection majeure autour du contrôle de certaines technologies et de certains processus de production. Il faut également relever que les deux Etats membres ont renforcé leur dispositif de contrôle des investissements dans les secteurs stratégiques. La mise en place de véritables politiques de souveraineté technologique à l’échelon européen passe par des positions convergentes de la part d’Etats membres qui, comme la France et l’Italie, ont l’habitude d’une forme de dirigisme industriel. Cela sous-entend également l’établissement d’instruments de réciprocité et de confiance, des éléments qui ont cruellement fait défaut dans le passé si l’on retient les exemples dans le secteur de l’énergie entre la France et l’Italie. Ceci apparaît d’autant plus nécessaire que l’extension du périmètre stratégique de l’industrie provoquée par la crise de la Covid-19 place au centre de l’attention une série de secteurs qui, d’ores et déjà, créent des enjeux bilatéraux, comme ceux des réseaux et des télécommunications. Il s’agit ici non seulement d’imaginer des tutelles adaptées aux enjeux de la Covid-19, mais aussi de sécuriser les investissements futurs dans le cadre intra-européen en évitant les blocages.
L’actuelle majorité italienne, qui associe le M5S au Parti Démocrate, montre des signes quotidiens de tiraillements. Cet aspect fait qu’il est difficile d’imaginer une force politique capable d’accompagner un traité solennel, qui exprimerait une amitié dont certains ne veulent pas a priori en Italie. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille abandonner le projet mais il est certainement important de se soucier de le rendre compatible avec un éventail large de la représentation politique italienne, en gardant à l’esprit que, côté italien, le panorama politique n’offre pas de réelle possibilité d’une majorité qui fasse montre d’un européisme sans faille. Le Traité franco-allemand de 1963 avait comme objet la remédiation des relations entre les deux pays dans l’après-guerre en se basant sur une volonté politique forte et explicite. Aujourd’hui, un traité franco-italien doit avoir comme objectif une remédiation des relations entre Paris et Rome, mais avec une volonté moins explicite côté italien.
Et c’est d’ailleurs dans le rapport franco-allemand que l’on peut puiser d’utiles recettes. L’ossature du rapport franco-allemand est faite de mécanismes de consultations bilatérales, de conseils des ministres conjoints ainsi que d’une présence de ministres du pays partenaire lors des conseils, de mécanismes efficaces d’échanges de haut fonctionnaires qui passent plusieurs années de leurs carrières au sein de l’administration de l’autre pays, de la tenue de réunions ministérielles bilatérales, qui permettent d’approfondir des dossiers dans différents secteurs. Il s’agit en fait de mettre en place une série de courroies de transmission qui facilitent la connaissance et les réseaux réciproques. C’est au travers de la réalisation de tels mécanismes que l’on doit rechercher l’essence d’un traité bilatéral réduit aux acquêts, qui doit éviter d’énoncer des politiques sectorielles qui pourraient apparaître comme programmatiques. Un tel traité peut se décliner en quelques articles essentiels, et se résumer en l’institution de mécanismes bilatéraux de consultation gouvernementale qui ne doivent pas préjuger des positions défendues ; il doit être perçu comme un outil nécessaire et opportun, capable de faire progresser les intérêts aussi bien de la France que de l’Italie dans le contexte européen.
Le constat de la fragilité des rapports entre la France et l’Italie doit également pousser à une relance de la politique linguistique et culturelle entre les deux pays, un aspect fondamental pour améliorer la compréhension mutuelle. Ici encore, le modèle de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) constitue une référence. Mais ce type de politique, qui traduit une forte volonté commune, peut être gardé sous le coude comme étape ultérieure. L’essentiel est de mettre en place un mécanisme institutionnel qui puisse fonctionner à un niveau gouvernemental même lorsque les partenaires n’appartiennent pas aux mêmes familles politiques européennes tout en assurant la continuité des échanges d’informations dans la haute administration. Il s’agit de créer les conditions d’une institutionnalisation ultérieure du rapport bilatéral, un élément qui peut s’avérer fondamental pour le progrès et les convergences dans le nouveau contexte continental de l’Union européenne. L’initiative de relance franco-allemande post-Covid représente une étape fondamentale car elle permet un progrès significatif en matière d’intégration mais exprime également un nécessaire geste de générosité à l’égard des pays qui souffrent, dont l’Italie. C’est dans ce contexte d’une solidarité manifeste qu’il faut penser l’évolution du rapport bilatéral, en proposant un traité qui soit suffisamment technique et bref pour qu’il puisse représenter une plate-forme acceptable pour une majorité des forces politiques présentes sur les échiquiers italien et français. Ce traité ne doit pas non plus apparaître comme un rapport exclusif, mais comme une courroie de transmission permettant de faciliter les convergences au sein d’une Union européenne qui est en position de relancer son intégration dans le cadre des mesures post-Covid. A cet égard il serait certainement opportun d’abandonner la référence au « Quirinal », siège de la présidence de la République italienne, une dénomination connotée. La présidence de la République en Italie a un rôle de garant et n’exerce pas de pouvoir exécutif ; cette mention, qui a pu apparaître comme une courtoisie institutionnelle de la part des Français lors de la phase initiale, pourrait s’avérer embarrassante lorsqu’il s’agira de faire voter un texte par une majorité parlementaire.
Une dose de modestie peut constituer les prémices d’une vision politique longue, celle d’un rapport franco-italien dépassionné et donc stable, avec comme objectif la reconstruction d’un cadre cognitif commun qui permette la compréhension et la prise en compte des motivations croisées des partenaires et représente le premier pas d’une refondation essentielle, celle de la perception d’une communauté de destin au sein de l’Union.
Une vision stratégique des relations franco-italiennes : vers un traité bilatéral ?
Note de la FRS n°56/2020
Jean-Pierre Darnis,
29 juillet 2020