COOPERATION SÉCURITAIRE ET POLICIÈRE

Lutter contre la criminalité et renforcer la sécurité maritime en Indo-Pacifique

Antoine BONDAZ, septembre 2023

Télécharger le document

La lutte contre la criminalité organisée transnationale, la cybercriminalité, le trafic de stupéfiants et d’armes et la criminalité environnementale, tout comme le renforcement de la sécurité maritime et la sécurité civile, sont des enjeux majeurs en Indo-Pacifique alors que certains États manquent de capacités nationales.

La France est un acteur important de la coopération avec les pays de la région, ce dans tous les domaines. La Direction de la coopération de sécurité et de défense joue un rôle essentiel, tout comme les 11 services de sécurité intérieure dans les ambassades et les nombreux experts techniques détachés à l’étranger afin de valoriser le savoir-faire français.

DCSD, UN ACTEUR MAJEUR

La Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) met en oeuvre, au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, la coopération internationale dans les domaines de la défense, de la sécurité intérieure et de la protection civile, qu’il s’agisse d’actions de formation, de missions d’expertise ou d’aide logistique directe.

La DCSD soutient un réseau d’écoles de sécurité et de défense dans lesquels sont intégrés des coopérants issus de différents ministères au Cambodge, à Djibouti, aux Émirats arabes unis, au Kenya, à Madagascar et au Vietnam. Une école nationale à vocation régionale est également soutenue à Djibouti, l’Ecole internationale de perfectionnement à la pratique de la police judiciaire (EI3PJ).

La DCSD promeut la francophonie avec notamment la méthode d’apprentissage En Avant ! , qui permet une meilleure intégration des forces armées partenaires dans les opérations de maintien de la paix. En partenariat avec l’association AGIR, une vingtaine de lecteurs de Français langue étrangère (FLE) sont présents dans la région comme à l’École nationale des inspecteurs et agents de police de Madagascar et à l’Académie navale de Corée du Sud (voir fiche No.9 - Coopération culturelle et francophonie).

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Le réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI) en Indo-Pacifique est composé de 11 antennes qui couvrent la majorité des pays de la région. Le service de sécurité intérieure (SSI) de l’ambassade de France à Singapour bénéficie par exemple d’une compétence régionale pour l’Australie, le Brunei, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et le Timor oriental. Les ASI, issus de la Police ou de la Gendarmerie nationales, conseillent les ambassadeurs, facilitent la coopération avec les partenaires étrangers, et participent à la protection des ressortissants français (voir fiche No.2 - Démographie et représentation politique).

La coopération policière demeure limitée mais est en plein essor. CIVIPOL, l’opérateur de coopération technique internationale du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, finance quelques projets sur la côte Est de l’Afrique en matière de lutte contre la criminalité organisée transnationale, le terrorisme et le blanchiment d’argent. Les Douanes disposent d’un réseau de 3 attachés douaniers à Pékin, Dubaï et Bangkok, qui couvrent 13 pays (voir fiche No.8 - Coopération économique et entreprises).

En 2019, la France est devenue membre observateur de l’ASEANAPOL, organisation de coopération policière régionale. En juin 2023, les polices singapourienne et française ont organisé la première conférence régionale anti-arnaques.

La lutte contre la pédopornographie est aussi prioritaire. L’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) a détaché un policier à l’ambassade de Manille comme conseiller régional en cybercriminalité, à dominante cyberpornographie, afin de développer la judiciarisation des procédures de viol en ligne. La lutte contre le trafic de stupéfiants conduit à de nombreuses opérations. Entre mars et mai 2023, les Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien ont saisi plus de 3 tonnes d’héroïne et 240 kg de métamphétamine. Un officier français a pris, en juillet 2023, le commandement de la Combined Task Force (CTF) 150, une force internationale qui lutte contre le trafic de stupéfiants dans le nord-est de l’océan Indien. La France participe à la formation de ses partenaires, comme avec le bureau anti-drogues des Seychelles.

SÉCURITÉ CIVILE

La coopération en matière de sécurité civile permet de partager l’expertise nationale. Par exemple, à la suite Fiche No.5 d’un accord signé en 2020, la France contribue au renforcement des capacités nationales et à la formation des équipes mongoles de secours (voir fiche No.7 - Aide humanitaire, crises et catastrophes) : formation à l’utilisation de véhicules anti-incendie et d’hélicoptères de secours achetés à la France, formation au sauvetage héliporté en milieu aquatique, etc. Un conseiller est détaché auprès du directeur de l’agence mongole de gestion des situations d’urgence (NEMA).

La lutte contre les incendies et les feux de forêt se développe. En mai 2023, la DCSD a organisé, avec l’Asian Forest Cooperation Organization (AFoCO) et le Département thaïlandais des forêts, une formation internationale aux méthodes de gestion des feux de forêt. Le coopérant protection civile pour Singapour et l’ASEAN contribue à des formations similaires en Indonésie, qui accueilleront des auditeurs de Malaisie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Philippines.

En matière de sécurité des transports, la gendarmerie des transports aériens mène des actions de formation technique à Madagascar ou à Djibouti, et un assistant technique régional en matière de sûreté aéroportuaire et d’immigration a été détaché aux Comores.

SÉCURITÉ MARITIME

La France soutient le renforcement de l’architecture régionale de sécurité et de sûreté maritimes. 3 officiers français contribuent activement à l’Information Fusion Centre (IFC) de Singapour, au Centre régional de fusion de l’information maritime (CRFIM) de Madagascar et à l’Information Fusion Center – Indian Ocean Region (IFC-IOR) de Gurgaon. 2 conseillers sécurité maritime sont aussi détachés auprès des autorités philippines et indonésiennes.

La DCSD soutient le projet Global Ports Safety (GPS), qui vise à répondre aux enjeux de sécurité et de durabilité des infrastructures portuaires en Asie du Sud et du Sud-Est, avec d’une part, la prévention des risques et, d’autre part, la gestion des accidents. Elle a également permis la construction du sémaphore de Fort-Dauphin à Madagascar, le premier outil moderne de surveillance des approches maritimes sur les 4 800 kilomètres du littoral de la Grande Île.

Le projet phare CRIMARO II, financé par l’UE et mis en oeuvre par Expertise France, filiale du Groupe AFD (voir fiche No.6 - Aide au développement et environnement), permet d’améliorer l’échange et l’analyse d’informations, ainsi que la gestion des crises et des incidents. Initialement conçu pour couvrir l’océan Indien, il couvre désormais aussi l’océan Pacifique et bénéficie à plus d’une trentaine de pays de l’Indo-Pacifique, du Yémen aux Îles Cook.

Complétant le Joint Rescue Coordination Centre (JRCC) de Tahiti et le Centre Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (COSS) de Nouvelle- Calédonie, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) sud océan Indien, implanté à La Réunion, assume les missions de recherche et de sauvetage, de surveillance de la navigation ou des pollutions. En 2022, il a supervisé le remorquage d’urgence d’un minéralier qui menaçait de s’échouer ou encore le sauvetage de l’équipage d’un voilier coulé dans le canal du Mozambique. Il interagit également avec le Centre régional de coordination des opérations (CRCO) de la Commission de l’océan Indien basé aux Seychelles.

CRIMINALITÉ ENVIRONNEMENTALE

La lutte contre la pêche illicite est une des missions de la Marine (voir fiche No.4 - Présence militaire et diplomatie de défense). Elle multiplie les opérations de police des pêches dans les ZEE et les zones de haute mer adjacentes des États insulaires du Pacifique en soutien à l’Agence des pêches du Forum des Îles du Pacifique (FFA) et à la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (WCPFC). Une partie de ces opérations, comme l’opération NASSE, se fait en coordination avec les partenaires australiens, néozélandais et américains dans le cadre du Pacific Quad.

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) dispose de détachements à Papeete et à Saint-Denis qui permettent notamment de lutter contre l’émergence de trafics visant à envoyer des déchets vers Madagascar et l’Inde. Par ailleurs, un premier expert criminalité environnementale vient d’être détaché au bureau de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Bangkok. L’OCLAESP organise aussi des formations sur la lutte contre le trafic de faux médicaments à Djibouti.

5