Perceptions américaines des enjeux de sécurité et de défense des Européens

Introduction / synthèse

Les questions de sécurité européenne ont occupé une place secondaire dans la politique américaine
depuis le début du XXIe siècle. La focalisation sur le Moyen-Orient engendrée par la guerre contre le terrorisme, puis la volonté de réaffirmer la présence américaine dans le Pacifique, ont justifié un désengagement permis par l’absence de menace sur le continent. Cela ne signifie pas que les relations transatlantiques aient perdu leur intérêt, mais elles ont largement changé d’objet. Washington comptait surtout sur les alliés pour participer à la défense des intérêts occidentaux hors d’Europe, tout en leur laissant une plus grande latitude pour traiter leurs problèmes de sécurité régionaux.

La mise en place de ce « partage des responsabilités » ne s’est pas faite sans heurts, dans la mesure où les États-Unis ont toujours souhaité encadrer précisément le développement de capacités de défense européennes, qu’ils appelaient de leurs voeux. Mais après les débats houleux de la fin des années 1990 sur la place de la PESD par rapport à l’OTAN, puis les tensions transatlantiques liées à la guerre d’Irak, la question de la défense européenne est devenue beaucoup moins polémique sous la présidence Obama.

Le sujet a d’ailleurs largement cessé de préoccuper la « communauté stratégique » américaine, jusqu’à ce que l’intervention russe en Ukraine et l’annexion de la Crimée fassent subitement resurgir en 2014 la perspective d’une menace en Europe. Cet évènement a donné une nouvelle urgence aux demandes traditionnelles d’augmentation
de l’effort de défense européen.

Ce thème récurrent dans le débat transatlantique semble devenu déterminant avec l’élection de Donald Trump à la Maison blanche. En affirmant que les États-Unis ne devaient plus se sentir obligés de défendre des alliés qui « profitaient » de leur protection au détriment de l’économie américaine, le futur Président n’exprime pas une position inédite. La menace d’un désengagement militaire a été maintes fois agitée aux États-Unis à l’encontre des « free riders », qu’ils soient japonais ou européens. Mais elle s’inscrit désormais dans un discours qui remet plus globalement en cause la vision traditionnelle des relations transatlantiques, fondée sur :

  • La place essentielle de l’OTAN comme coeur de la « communauté » occidentale et instrument de préservation des intérêts de sécurité communs ;
  • Et depuis 1990, la poursuite du projet d’Europe « unifiée, libre et pacifiée », qui s’appuyait en grande partie sur l’intégration dans l’Union européenne.

Même s’il est encore difficile de déterminer la réalité et l’ampleur du changement de politique qui pourrait advenir, le nouveau Président a mis au premier plan un discours auparavant marginal dans le débat américain, suscitant d’ores et déjà des mesures de réaction chez les partenaires et au sein des institutions de sécurité.

La manière dont les experts américains abordent aujourd’hui les enjeux de sécurité de l’Europe reflète donc dans une large mesure leur positionnement par rapport aux annonces de Donald Trump. L’avenir de l’OTAN est ainsi le premier sujet de préoccupation et il paraît dépendant de l’aptitude des Européens à contribuer davantage à leur défense. Une fois encore, se pose une question rituelle depuis la fin des années 1990 : les Européens peuvent-ils enfin devenir sérieux dans leur effort de défense ?

Mais les doutes exprimés par les observateurs sont d’autant plus grands que la poursuite du projet européen dans son ensemble paraît menacée par de multiples phénomènes. La politique russe, les flux migratoires et les risques terroristes semblent en mesure de déstabiliser sérieusement les États européens. Ces phénomènes amplifient les critiques à l’égard de l’Union européenne, dont l’avenir est d’autant plus incertain que les évolutions politiques internes marquent un retour du nationalisme populiste.

Si pour beaucoup d’observateurs américains, ces tendances sont inquiétantes, l’attitude de l’Administration Trump paraît plus détachée à l’égard du sort des institutions européennes. L’OTAN n’est pas remise en cause, mais son rôle est incertain et politiquement dévalué. L’UE à l’inverse n’est clairement plus un partenaire intéressant pour Washington.

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