Conférence internationale au CIENS du mercredi 29 mai 2019 : Getting Rid of Nuclear Weapons...

La journée d’étude internationale organisée par le CIENS le 29 mai 2019 était consacrée aux fondements philosophiques et religieux des mouvements de désarmement ainsi qu’à la circulation et réappropriation inter- et transnationales des idées relatives au désarmement nucléaire au sein des groupes activistes. La conférence s’est organisée autour de trois panels. Premièrement, elle s’est intéressée à la circulation des idées, des personnes et des usages au sein des mouvements de contestation, avant de se tourner, dans un second temps, vers les fondements religieux et philosophiques du rôle des armes nucléaires. Enfin, le troisième panel concernait plus précisément la circulation des idées en Occident et Europe pendant la période post Seconde guerre mondiale et Guerre froide.

La première partie de la conférence a permis de mettre en évidence la manière dont les idées anti-nucléaires sont relayées du niveau local et au niveau global à partir de l’étude de plusieurs cas historiques. Jo-Ansie Van Wyk a ouvert la discussion avec le cas du parti African National Congress (ANC). Elle a montré comment par son action de dénonciation auprès de l’ONU et par le cadrage très particulier qu’il a privilégié pour traiter la question des conséquences des armes nucléaires, dénonçant le problème humanitaire posé par ces dernières, il a pu être d’une importance cruciale dans la décision de l’Afrique du Sud de finalement abandonner son programme nucléaire militaire. N.A.J Taylor, s’intéressant aux représentations picturales des armes nucléaires dans la zone Océanique, a ensuite mis en évidence le rôle des artistes aborigènes et étrangers dans la dénonciation de ces armes, et notamment des essais nucléaires effectués dans le Pacifique. Enfin, Céline Jurgensen a souligné le rôle fondamental joué par l’ONG ICAN dans l’adoption du TIAN en 2017. Cette organisation, rassemblant des activistes de branches variées (anticapitalistes, environnementalistes, féministes, anticolonialistes…), a su développer une stratégie de communication efficace lui permettant de faire entendre ses revendications au-delà des frontières nationales. Ce panel a donc souligné la diversité des acteurs engagés dans la circulation des idées ainsi que les tactiques qu’ils ont déployées pour faire entendre leur voix à l’international.

La deuxième partie de la conférence était consacrée à l’étude des fondements philosophiques et religieux des mouvements pro- ou antinucléaires. Monseigneur Bruno-Marie Buffet a, dans un premier temps, présenté les positions de l’Eglise catholique sur la question des armes nucléaires. Fondant ses arguments principalement sur une prise en compte de l’altérité, de la responsabilité, et du respect des générations futures, le magistère catholique tient un discours constant de rejet des armes nucléaires depuis des décennies, considérant la dissuasion comme éthiquement inacceptable et la détention d’armes nucléaires comme moralement illégitime. Une telle vision n’est pas partagée par l’Eglise orthodoxe russe, comme l’a montré Dmitry Adamsky. Au contraire, la religion orthodoxe est entièrement partie du complexe militaro-industriel en Russie, et, à ce titre, elle ne condamne pas la possession d’armes nucléaires. La théorie de la guerre juste, imprégnant l’éthique catholique, a des implications beaucoup moins pacifiques dans l’éthique orthodoxe, l’idée étant qu’il relève de l’obligation morale d’un État de faire la guerre si cela est nécessaire à la défense du pays. Enfin, le philosophe Hubert Tardy-Joubert s’intéressant à un spectre très large allant de la dissuasion à l’abolition complète des armes nucléaires a remis en perspective les fondements philosophiques qui sous-tendent les différentes positions sur la question d’un potentiel désarmement nucléaire. Il a également insisté sur l’historicité particulière des armes nucléaires et la façon dont elles ont, depuis 1945, changé notre rapport à la politique et à l’histoire.

La troisième partie, composée de quatre présentations, s’est inscrite dans le contexte historique de l’après Seconde guerre mondiale et de la Guerre froide. Tout d’abord Ilaria Parisi et Susan Colbourn se sont intéressées à la crise des Euromissiles. Tandis que la première a montré l’importance des mouvements pacifistes dans la conclusion de plusieurs accords de contrôle des armements, la seconde a insisté sur la réaction des Européens face à la doctrine de guerre nucléaire limitée et la profusion d’idées en faveur du désarmement nucléaire qui en découlait, notamment celle d’une Europe exempte d’armes nucléaires. Dans un second temps, Henning Fauser s’est intéressé au rôle joué par les associations de survivants français aux camps de concentration dans la diffusion des idées anti-nucléaires, et a particulièrement insisté sur le parallèle régulièrement fait par les survivants entre l’Holocauste et Hiroshima. Enfin, Sylvia Kesper-Biermann a montré comment les bandes dessinées, par leur force picturale, avaient particulièrement influencé l’opinion et servi à la circulation des idées antinucléaires, même si elle en a aussi souligné les limites. La journée a été conclue par Guillaume de Rougé, qui a de nouveau souligné la diversité des acteurs engagés dans les combats contre l’arme nucléaire et a invité à approfondir les recherches sur le désarmement nucléaire dans une approche plus interdisciplinaire que strictement stratégique, en y intégrant par exemple des dimensions historique, philosophique, légale, ou encore sociologique.

 

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Conférence internationale au CIENS du mercredi 29 mai 2019 : Getting Rid of Nuclear Weapons...

Pauline Lévy

Bulletin n°65, mai 2019



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