Limited Nuclear War : The 21st Century Challenge for the United States

Observatoire de la dissuasion n°57
septembre 2018

Quatrième texte commandé par le centre dirigé par Brad Roberts, Limited Nuclear War: The 21st Century Challenge for the United States, dans la lignée de l’ouvrage pionnier de Larsen & Kartchner (On Limited Nuclear Warfare in the 21st Century, 2014).

Le titre est, à certains égards, trompeur : il s’agit moins aujourd’hui – contrairement à ce qui était le cas dans les années 1950 et 1960 – de penser une véritable « guerre nucléaire limitée » que de prévenir l’usage ponctuel et limité de l’arme nucléaire par un adversaire des États-Unis. Mais l’on retrouve en fait une problématique classique : comme le dit M. Roberts dans sa préface, il s’agit de faire en sorte qu’un adversaire ne puisse avoir confiance en sa capacité à limiter une guerre nucléaire.

M. Warden considère les trois cas les plus probables : un conflit régional impliquant la Russie, la Chine ou la Corée du Nord et un allié des États-Unis. Sans s’appesantir sur les spécificités de chaque pays, il prend soin de distinguer la manière dont chacun des trois pourrait « penser » l’emploi limité de l’arme nucléaire. L’auteur analyse ainsi les circonstances qui pourraient amener l’un ou l’autre à envisager un tel emploi et les stratégies américaines possibles pour neutraliser une telle tentation.

Il est difficile d’être original et inventif dans le domaine de la stratégie nucléaire : la richesse de la réflexion des années 1960 a conduit à la formation d’un corpus de pensée qu’il est quasiment impossible de renouveler. Il a été complété par les analyses des années 1990 sur la dissuasion dans un contexte impliquant un adversaire régional (Irak, Iran, Corée du Nord…). Seule l’évolution des moyens (ex. : introduction dans les arsenaux des missiles de croisière dans les années 1980, multiplication des défenses antimissiles…) et des espaces (développement des milieux cyber et spatial…) sont de nature à apporter des éclairages nouveaux sur la stratégie nucléaire à proprement parler.

Ainsi n’est-il pas surprenant que l’étude de John Warden n’offre guère de réflexion fondamentalement nouvelle. Mais l’on peut regretter qu’il n’approfondisse pas l’articulation entre les stratégies des acteurs russe, chinois et nord-coréen dans le domaine nucléaire avec ce qu’ils pourraient imaginer dans d’autres domaines non-conventionnels (terrorisme, chimique et biologique, spatial…). De même est-il sans doute regrettable que l’analyse pèche quelque peu par excès de rationalisation et ne disserte guère sur ce que pourraient être précisément les rationalités russe, chinoise ou nord-coréenne et les modes de raisonnement politiques et psychologiques de leurs leaderships dans des circonstances aussi extrêmes que celles de la guerre nucléaire.

Ce texte constitue toutefois un cadre de référence utile pour réfléchir à certaines circonstances stratégiques qui pourraient se présenter à l’avenir. On souhaite qu’il soit complété par l’examen de scénarios plus concrets du type de celui qui a été proposé par Jeffrey Lewis (voir ci-dessous, Report of the Commission on the 2020 Nuclear Attacks against the United States) à propos de la Corée du Nord. Ainsi que par des réflexions sur les enjeux pour les puissances nucléaires européennes.

 

Télécharger le bulletin au format PDF