Stratégie opérationnelle et capacitaire des proxys iraniens au Moyen-Orient

Synthèse

Dans la période récente, la République islamique d’Iran a occupé une place centrale au Moyen-Orient à  travers  l’action  de  ses  groupes  partenaires  (« proxys »), en Syrie, en Irak et au Yémen. Cette stratégie repose sur un mélange unique de milices organisées sur le modèle du Hezbollah que Téhéran appuie avec des capacités de combat conventionnelles (missiles balistiques, drones…) ou spéciales (cyber, action clandestine, renseigne- ment). L’appui iranien se manifeste également par la transmission d’un savoir-faire éprouvé par quarante ans d’action extérieure au Moyen-Orient et en Asie. Le principal architecte de cette politique a longtemps été la force Al-Qods dont la tâche est de coordonner et d’appuyer l’action des milices. Mais d’autres groupes (Hezbollah, Badr) ont pris un rôle actif dans la structuration de la nébuleuse des proxys pro-Iran. Après avoir connu des victoires indéniables en Syrie et en Irak face à l’Etat islamique, le réseau iranien est aujourd’hui mis face à des défis inédits tels que l’intervention saoudienne au Yémen ou la confrontation avec les Etats-Unis au sujet du programme nucléaire iranien. Pour pérenniser ses gains, le « réseau de résistance » iranien doit s’adapter, mettant à l’épreuve la capacité de Téhéran à contrôler ses proxys de manière durable.

Introduction

Dès le lendemain de la révolution de 1979, la République Islamique dIran, isolée diplomatiquement et en perpétuelle confrontation avec ses voisins, a su faire appel à divers groupes armés étrangers à travers le Moyen-Orient (Liban, Irak, Syrie, Etats du Golfe Persique, territoires palestiniens) et l’Asie (Afghanistan, Pakistan), comme autant de relais politiques et stratégiques. Initialement  motivée  par  la  diffusion  de  la  Révolution  islamique  et  de  la doctrine  théologique  du   Velayat  e-faqih,  cette  stratégie  de  proxys  est devenue lors de la guerre Iran-Irak un instrument de survie pour Téhéran. Profitant  de  l’imbroglio  de  la  guerre  civile  libanaise,  l’Iran  a  par  exemple développé  ses  liens  avec  des  groupes  locaux  pour  y  exercer  des  pressions sur les soutiens internationaux de lIrak (France, Etats-Unis). Par la suite, des  tentatives  de  recrutement  auront  lieu  dans  lensemble  des  pays  dos d’importantes minoris chiites (Afghanistan, Pakistan, Yémen, Syrie, Irak, Bahreïn…). Des rapprochements circonstanciés sont également opérés avec des  acteurs  du  monde  sunnite  comme  le  Djihad  Islamique  palestinien  ou avec  les  Sunnites  de  Bosnie  pendant  les  conflits  dex-Yougoslavie  (1992- 1995).

Estimé par certains experts à près de 200 000 combattants en 20191, le« réseau de résistance » iranien offre à Téhéran une capacité d’influence régionale majeure mais qui implique aussi un réel effort financier et militaire. Il existe différentes organisations iraniennes susceptibles de fournir un appui technique et opérationnel à ces proxys : les Gardiens de la Révolution (Pasdaran) et tout particulièrement leur force al-Qods dédiée à l’action internationale, l’armée régulière (Artesh), ou encore le ministère du Renseignement et de la Sécurité (Vevak). Cet appui peut concerner des capacités variées, allant des drones aux missiles balistiques, et des savoir-faire spécifiques comme le combat insurrectionnel, la conduite des opérations spéciales et cyber.

Si la rhétorique idéologique passe désormais au second plan, l’Iran a appris de son histoire récente – au gré des interventions américaines et de la confrontation avec les monarchies sunnites – que sa défense se jouait à l’avant, dans les pays limitrophes. A cet égard, l’essor de l’Etat Islamique et la déstabilisation des régimes officiels en Syrie et en Irak lui ont fourni une occasion unique d’étendre son influence. Sur le terrain, ses proxys libanais, irakiens et afghans ont joué un rôle particulièrement important dans des phases décisives pour la défense du territoire irakien (bataille de Tikrit). Au plan géostratégique, l’appui crucial offert au régime de Bachar al-Assad en Syrie et à la rébellion Houtie au Yémen a rapproché l’Iran de la réalisation de deux objectifs poursuivis de longue date : l’ouverture d’un corridor terrestre reliant l’Iran au Liban et à la Méditerranée orientale, et le développement d’une capacité de nuisance idéalement positionnée à revers de l’Arabie Saoudite.

La  réduction  du  péril  djihadiste  a  toutefois  inauguré  une  nouvelle phase  pour  la  politique  iranienne  et  la  sauvegarde  de  ces  gains  parait aujourdhui compromise par la reprise des sanctions impoes dans le cadre de la politique de « pression maximale » poursuivie par Washington. Dans cette  optique,  il  apparaidautant  plus  pertinent  d’évaluer  les  stratégies capacitaires  et  opérationnelles  des  proxys.  Cette  étude  présente  un  pano-rama des groupes affiliés à l’Iran, tente danalyser les liens que ces derniers entretiennent  avec  Téhéran  et  propose  des  scénarios  dévolution  de  leurs capacités  à  lhorizon  2035  avant  den  tirer  les  implications  et  des  recommandations pour les armées françaises.

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