Fiche n°4 : Présence militaire et diplomatie de défense, défendre la souveraineté et promouvoir la stabilité en Indo-Pacifique

Les tensions militaires en Indo-Pacifique se sont accrues ces dernières décennies sur fond de rivalités stratégiques, de différends territoriaux, de prolifération nucléaire, et de forte hausse des budgets militaires. Avec près de 300 milliards de dollars, la Chine dépense autant pour sa défense que l’ensemble des autres pays de l’Indo-Pacifique réunis, lui permettant notamment un réarmement naval massif.

Puissance de l’Indo-Pacifique avec ses territoires ultramarins et les zones économiques exclusives associées (voir fiche No.1 - Territoires ultramarins), la France y défend des intérêts de souveraineté grâce à 7 000 personnels déployés de manière permanente et 5 commandements militaires. Plus largement, le premier pilier de la stratégie de la France « Sécurité et défense » est assuré par un réseau diplomatique de défense étoffé, des exercices militaires réguliers, et des projections de force de plus en plus importantes, à l’instar de la mission sans précédent PÉGASE de l’armée de l’Air et de l’Espace en 2023.

PRÉSENCE MILITAIRE PERMANENTE

Démographie et représentation politique) est assurée par 5 commandements militaires répartis entre trois forces de souveraineté – à La Réunion et Mayotte (FAZSOI), en Nouvelle-Calédonie (FANC) et en Polynésie française (FAPF) – et deux forces de présence aux Émirats arabes unis (FFEAU) et à Djibouti (FFDj), qui permettent un engagement dans le nord de l’océan Indien. En sus, l’amiral commandant les FAPF est le commandant de la zone maritime Asie-Pacifique (ALPACI), et l’amiral commandant les FFEAU – celui de la zone maritime de l'océan Indien (ALINDIEN).

Les capacités militaires des forces armées sont limitées au regard de l’échelle de la région mais elles sont en cours de modernisation. 6 nouveaux patrouilleurs outre-mer (POM) seront déployés d’ici 2025, soit 2 de plus qu’actuellement, et le remplacement des Falcon 200 Gardian viendra améliorer les capacités de surveillance et de connaissance de la situation maritime. Conçus pour la haute mer et les longues distances (jusqu’à 30 jours en mer dans un rayon de 5 500 milles nautiques, soit 10 000 kilomètres), d’une capacité de transport largement supérieure (1 300 tonnes contre 400 tonnes), ces patrouilleurs seront aussi équipés de drones. Par ailleurs, la Loi de programmation militaire (2024-2030) prévoit la construction de trois navires de projection de force de type BATRAL. Comme annoncé par le Président de la République à Nouméa en juillet 2023, 200 militaires vont venir renforcer les FANC.

Les FAZSOI sont les plus importantes en effectifs, avec plus de 1 900 personnes dont 1 600 militaires, et ont la spécificité d’opérer un navire unique, le patrouilleur polaire Astrolabe, fruit d’un partenariat avec la collectivité des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et l’Institut polaire français Paul-Émile Victor. Le seul détachement de Légion étrangère en Indo-Pacifique se trouve quant à lui à Mayotte.

DIPLOMATIE DE DÉFENSE DÉSÉQUILIBRÉE

Complétant le réseau diplomatique (voir fiche No.3 - Réseau diplomatique et visites officielles), celui du ministère des Armées en Indo-Pacifique compte 19 missions de défense et couvre 40 pays. Certains attachés de défense sont non-résidents, comme ceux pour la Mongolie et les Philippines, basés à Pékin, et ceux pour les Comores, Maurice et les Seychelles, basés à La Réunion. En lien avec la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), ces attachés de défense animent les relations de défense bilatérales et multilatérales. Les forces armées françaises dans la région interagissent régulièrement avec leurs homologues. En témoigne la signature récente d’un plan de coopération entre les FANC et le ministère australien de la Défense.

Les visites du ministre des Armées et des chefs d’étatmajor (CEMA, CEMAT, CEMN et CEMAAE) en Indo- Pacifique témoignent des partenariats prioritaires, notamment en matière d’exportations d’armement. Les Émirats arabes unis, qui ont fait l’acquisition de 80 Rafales, soit le contrat d’armement le plus important de l'histoire de la Ve République, se distinguent par un nombre record de visites depuis 2017 : 9 du ministre et 13 des chefs d’état-major. Viennent ensuite l’Inde et Djibouti ainsi que Singapour, ce qui s’explique par la présence du ministre à la conférence annuelle Shangrila. L’Afrique de l’Est, l’Asie du Sud-Est et le Pacifique restent peu visités, tout comme les territoires français. La diplomatie de défense dans la région est active. Il existe des consultations ministérielles des ministres des Fiche No.4 Affaires étrangères et de la Défense, dites 2+2, avec le Japon, l’Australie, Djibouti et l’Indonésie. La France fait partie de l’Indian Ocean Naval Symposium (IONS) et du South Pacific Defence Ministers' Meeting (SPDMM), qu’elle accueillera à Nouméa en décembre 2023. La France a été admise comme observateur au sein de l’Asean Defense Ministers' Meeting Plus (ADMM+) en 2023. Des officiels et experts participent aussi aux nombreuses conférences annuelles de la région : Tokyo Defense Forum, Seoul Defense Dialogue, Ulaanbaatar Dialogue ou encore Raisina Dialogue à New Delhi.

DÉPLOIEMENTS FRÉQUENTS

La Marine réalise des déploiements réguliers en Indo- Pacifique. En témoignent les plus de 500 escales réalisées à la base navale des FFEAU à Abu Dhabi depuis son ouverture en 2009. Ceux-ci permettent entre autres de réaffirmer que la liberté de navigation, notamment en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taïwan, doit s’exercer sans entrave.

Début 2023, le groupe aéronaval (GAN) a mené de nombreuses missions dans l’océan Indien avec les partenaires régionaux, dont Djibouti, Oman, les Émirats arabes unis et l’Inde. Le porte-avions (PA) Charles de Gaulle, vecteur majeur des missions de projection de puissance et de maîtrise de l’espace aéro-maritime, n’a jamais été déployé dans l’océan Pacifique mais a fait une escale historique à Singapour en 2019, à l’occasion de laquelle avait été présentée la stratégie de défense française en Indo-Pacifique.

Chaque année, la Mission JEANNE D’ARC réalise une mission longue avec à son bord une centaine d’officiers élèves. En 2023, le porte-hélicoptères amphibie Dixmude, la frégate La Fayette et leurs 800 marins et soldats ont réalisé des escales à Djibouti, à Kochi en Inde, à Jakarta, à Singapour, à Townsville en Australie, à Nouméa, aux Fidji, aux Tonga, à Papeete, et jusque dans la ZEE de Clipperton. Des missions de lutte contre les trafics illicites dans l’océan Indien et de police des pêches dans l’océan Pacifique ont notamment été organisées (voir fiche No.5 - Coopération sécuritaire et policière).

La nouvelle frégate multi-missions de défense aérienne Lorraine a réalisé son premier déploiement dans la région cette année, a intégré pour deux semaines le Carrier Strike Group américain No.5 et a participé à des exercices avec le Japon et le Canada.

L’armée de l’Air et de l’Espace déploie également de façon régulière depuis 2021 un dispositif aérien de plus en plus important dans la région. Après les déploiements HEIFARA en 2021, SHIKRA et PÉGASE en 2022, le déploiement PÉGASE à l’été 2023 a été historique. Un nombre record d’avions – 10 Rafales, 5 A330 MRTT Phénix et 4 A400M Atlas – ont procédé à de multiples escales stratégiques, valorisées auprès d’une dizaine de partenaires de la péninsule arabique, de l’océan Indien et du Pacifique, avec une escale pour la première fois en Corée du Sud.

EXERCICES ET ÉCHANGES RÉGULIERS

Les forces armées françaises organisent et participent à de nombreux exercices militaires afin d’approfondir les relations bilatérales et multilatérales, de renforcer l’interopérabilité et de partager les savoir-faire, y compris en matière d’assistance humanitaire à la suite de catastrophes naturelles-HADR (voir fiche No.7 - Aide humanitaire, crises et catastrophes). Dans ce domaine, l’exercice CROIX DU SUD, organisé en 2018 et 2023, démontre la capacité des FANC à planifier et conduire une opération HADR interarmées, interministérielle et multinationale d’envergure dans le Pacifique, en rassemblant plus de 3 000 participants de 19 nations. L’exercice EQUATEUR MARARA organisé par les FAPF en 2019 et 2022 avait le même objectif.

Chaque année, les exercices VARUNA (Marine), GARUDA (armée de l’Air et de l’Espace) et SHAKTI (armée de Terre) sont organisés avec l’Inde. Les exercices bilatéraux sont nombreux, comme l’exercice TIGER EEL des FFEAU avec les forces navales émiriennes ou l’exercice OXIDE des FAZSOI avec les forces armées sud-africaines. En 2023, un exercice franco-japonais visant à renforcer la coopération entre forces terrestres a été organisé pour la première fois en Nouvelle-Calédonie. Les forces armées participent aussi à des exercices militaires multilatéraux tels que RIMPAC 2022, le plus grand exercice naval au monde, ou les exercices PITCH BLACK, KAKADU et TALISMAN SABRE en Australie.

L’enseignement militaire supérieur est un vecteur d’échanges. L’École de guerre accueille de nombreux officiers de la région et l’IHEDN organise depuis 2020 une session internationale pour l’Indopacifique (SIIP).

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