Quelle sera la politique étrangère du président Trump ?

Après la surprise électorale, les surprises diplomatiques ?

Disons-le d’emblée : le personnage est assez imprévisible, et sa politique étrangère l’est aussi. Sa position sur Cuba, par exemple, a évolué à 180° en quelques semaines… Ceci est d’autant plus vrai qu’il n’a aucune expérience du pouvoir politique et que son premier cercle comprend très peu de personnalités républicaines ayant eu des fonctions dans le domaine de la politique étrangère, de la défense ou du renseignement, à l’exception de l’ancien directeur de la CIA James Woolsey et de celui de la DIA Michael Flynn. C’est cette frange du milieu républicain traditionnel et hyper-nationaliste, souvent religieuse et généralement amie d’Israël, mais très loin du « néo-conservatisme », qui va tenir le haut du pavé de janvier 2017 à janvier 2021. Elle était représentée, sous George W. Bush, par des personnages tels que Dick Cheney, Donald Rumsfeld ou John Bolton. 

Mais l’on peut se risquer à cinq prévisions.

1. Des éléments de continuité avec… la présidence Obama

S’il est a priori difficile de parler de « modération » à propos de Donald Trump, il y a aura en tout cas en politique étrangère plus de continuité avec Barack Obama qu’on ne l’imagine. Comme Obama, Trump est opposé aux interventions militaires massives du type de celle de l’Irak. Il n’aura aucun problème avec la logique du « leading from behind » un temps promue par la Maison Blanche. Comme Obama, il engagera tous les alliés des États-Unis à dépenser davantage… et à prendre plus de responsabilités pour leur défense.

2. Pas d’isolationnisme, mais un retour au « chacun chez soi »

Pas d’interventionnisme à tous crins donc, qu’il soit « néoconservateur » ou « libéral ». Mais coup d’arrêt aussi à la libéralisation du commerce international, vrai cheval de bataille de l’administration Obama, avec les deux traités fondamentaux que devaient être l’accord de libre-échange trans-Pacifique et son équivalent transatlantique, le TAFTA. Avec Trump, nous entrons bel et bien de plain-pied dans l’ère du « retour des frontières ». C’est la fin d’un cycle, d’un 9 novembre (1989, l’ouverture du Mur de Berlin) à un autre (2016, la clôture annoncée de toute la frontière avec le Mexique).

3. Une Russie ni alliée, ni adversaire, mais partenaire ?

Tout dans la Russie de Poutine semble plaire à Trump : l’alliance de l’argent et du pouvoir, l’image de virilité… et aussi les méthodes : le nouveau président américain a déjà dit qu’il ferait disparaître les restrictions aux mauvais traitements des prisonniers et à la torture, si nécessaire, posées par Obama. Au Moyen-Orient, face à Daech, Washington recherchera un vrai partenariat militaire (ce qui n’est sans doute pas une bonne nouvelle pour le peuple syrien), même si la priorité de Moscou est bien davantage la survie du régime que la lutte contre Daech. Mais attention : Trump a annoncé qu’il voulait que l’établissement d’une nouvelle relation avec la Russie se fasse « en position de force ». Il n’est pas sûr du tout, par exemple, qu’il soit prêt à « concéder » l’Ukraine à Moscou.

4. Une Alliance atlantique qui sera secouée, mais non démantelée

L’Alliance atlantique survivra et l’OTAN ne sera pas démantelée. Trop de forces s’opposeraient à un tel projet, qui n’est d’ailleurs pas celui de Trump. Paradoxalement, la place de la Turquie, dont on peut penser qu’elle entretiendra de meilleures relations avec Washington que sous Obama, pourrait y être mieux assurée.

Le problème sera la perception par les alliés et les adversaires potentiels de la crédibilité, désormais, de l’Article 5 du Traité (l’engagement de protection mutuelle). Pour l’Europe, en tout cas, l’heure du réveil a sonné : si les Européens n’engagent pas un nouvel effort pour leur défense, y compris dans le cadre de l’Union européenne, ils ne le feront jamais.

Une interrogation demeure sur l’avenir de a politique britannique : les partisans du Brexit qui pensaient que le « grand large » pouvait être une alternative à l’Europe vont devoir y réfléchir à deux fois.

5. Au Moyen-Orient et en Asie, ni isolationnisme ni révolution diplomatique, mais une distanciation inévitable

Quand on promet de fermer la frontière aux Musulmans, on ne se met pas d’emblée en position d’avoir de bonnes relations avec les pays du Moyen-Orient. Pourtant, les deux alliances fondamentales des États-Unis dans la région, avec Israël et l’Arabie saoudite, demeureront. Avec le premier, Trump tentera même de rétablir une relation mise à mal sous la présidence Obama. Quant à la seconde, deux éléments assurent, pour l’instant, son avenir : la fermeté prévisible de Trump face à l’Iran, et son souhait de combattre plus intensément l’État islamique. L’accord nucléaire avec Téhéran ne sera pas démantelé, mais la pression de Washington sera intense et l’Amérique ne fera plus aucun cadeau à l’Iran. 

La Chine sera soumise à un traitement particulier : pour Trump, elle est avant tout un concurrent économique. Mais il est douteux qu’il adopte, sur le plan stratégique, la position de fermeté face à Pékin et de « réassurance » des alliés qui a été celle de Barack Obama. Les inquiétudes sud-coréennes, par exemple, sont patentes : Séoul avait convoqué une réunion d’urgence de son Conseil national de sécurité avant même que la victoire de Trump soit définitivement acquise… Mais Donald Trump sera-t-il vraiment prêt, comme il avait semblé le dire pendant la campagne, à prendre le risque que la Corée du sud, voire le Japon, soient tentés par la voie d’un programme nucléaire national comme alternative à la garantie américaine ? Gageons que non.

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