République démocratique du Congo : une alternance pacifique est-elle encore possible ?

En République démocratique du Congo (RDC), la fin de l’année 2016 était attendue par les citoyens et par les observateurs étrangers comme un moment historique, puisque les élections présidentielles, normalement prévues avant le mois de décembre, devaient consacrer la première alternance démocratique au sommet de l’État, depuis l’accession du pays à l’indépendance. Le retour de l’Abbé Malumalu à la tête de la Commission électorale nationale indépendante, le regain d’intérêt manifesté par la communauté internationale pour le pays et pour ce scrutin ainsi que l’apparition au sein de la majorité présidentielle d’un courant légaliste, favorable à un strict respect de la Constitution et des échéances électorales, laissaient penser qu’une alternance pacifique était possible. Las, les évènements qui se sont enchainés, notamment au cours des six derniers mois, sont venus contredire cet espoir démocratique. L’acceptation du « glissement » électoral par la Cour constitutionnelle et la convocation d’un dialogue national, facilité par l’Union africaine, n’ont pas réussi à stopper une contestation populaire, plus jeune et plus forte que prévue. Affaibli politiquement et sanctionné par les États-Unis et les Européens, le pouvoir kabiliste a décidé d’accroître la répression et les violences policières pour éviter l’embrasement de la capitale et des grandes villes, mais n’est pas parvenu à faire taire l’opposition radicale regroupée autour d’Étienne Tshisekedi, ni la société civile à laquelle l’Église catholique est venue porter main forte. L’Accord politique, signé le 31 décembre 2016 entre toutes les parties prenantes, même s’il fait renaitre l’espoir d’une transition pacifique, présente certaines faiblesses de rédaction qui risquent de compliquer singulièrement sa mise en œuvre. Surtout, en se concentrant principalement sur le processus électoral, l’Accord semble négliger dangereusement les prérogatives constitutionnelles du chef de l’État à qui il laisse l’entière disposition des forces de sécurité. L’expérience vécue par les Congolais, notamment depuis 2011, mais aussi par les populations des pays voisins, montre qu’il est difficile d’imaginer qu’une transition démocratique ait lieu sans que les appareils sécuritaires, aujourd’hui entièrement dans les mains du Président de la République, ne soient démantelés ou tout au moins, placés sous un certain contrôle démocratique.

Après Pierre Nkurunziza au Burundi et Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, Joseph Kabila est finalement, lui aussi, parvenu ce 20 décembre 2016 à se maintenir au pouvoir, au-delà des deux mandats de cinq ans que la Constitution de la République démocratique du Congo (RDC) fixe pourtant très explicitement, dans ses articles 70 et 220, comme limite ultime à l’exercice des fonctions présidentielles. À la différence de ses pairs et voisins qui ont privilégié la modification constitutionnelle et/ou les manipulations électorales pour conserver leur pouvoir, Joseph Kabila vient d’inventer un procédé nouveau pour contourner les exigences de la loi fondamentale. Ce procédé que les observateurs politiques avaient identifié depuis plusieurs années et baptisé « glissement », consiste simplement pour le président en place à ne pas organiser le scrutin qui est censé désigner son successeur. De nombreux présidents africains y avaient pensé avant lui sans oser y recourir, tant l’utilisation de ce stratagème révèle, en fait, la faiblesse politique de celui qui s’en sert.

Joseph Kabila, dont la méthode de gouvernement est une combinaison pragmatique d’attentisme politique, de silence médiatique et de brutalité policière, s’est rapidement trouvé confronté à la nécessité de dévoiler ses intentions et de légitimer le « glissement » par un dialogue national organisé à la hâte. Malgré l’aide de quelques présidents africains et la bienveillance de l’Organisation continentale, l’accord-croupion obtenu, le 18 octobre 2016, par le facilitateur togolais Edem Kodjo, s’est révélé incapable de freiner la contestation. Ce nouvel échec politique contraint le pouvoir « kabiliste » à réprimer une fois de plus par la force et à accepter finalement, sous la pression des sanctions américaines et européennes, de nouvelles négociations ainsi que l’adoption, sous l’égide des évêques de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), de l’Accord du 31 décembre 2016. Même si cet Accord constitue une avancée vers une possible sortie de crise pacifique, certaines de ses dispositions portent en germe des difficultés d’application qui viennent s’ajouter aux sérieux obstacles que la nature autocratique du régime de Joseph Kabila oppose déjà à l’alternance démocratique souhaitée par les Congolais. Enfin, si ledit Accord a permis de trouver un compromis sur un calendrier électoral, prévoyant notamment la reprise du fichier des électeurs et l’organisation de trois scrutins majeurs (présidentiel, législatifs et provinciaux) d’ici à la mi-2018, les défis logistiques et techniques ainsi que la défiance de certains acteurs du processus envers la Commission électorale mettent en question la viabilité d’un tel calendrier. L’évolution récente du paysage politique et les fragilités qui caractérisent actuellement le cycle électoral imposent un retour sur la stratégie de glissement mise en œuvre par le pouvoir congolais (première partie) pour mieux mesurer les dynamiques qui traversent actuellement le « nouveau » processus de transition (deuxième partie) et ses conséquences sur l’organisation des prochains scrutins (troisième partie).

Joseph Kabila, le président qui n’aimait pas les élections

À l’approche de la fin de son second et dernier mandat, le Président Kabila qui n’a jamais évoqué un possible départ, avait le choix entre plusieurs options pour se maintenir au pouvoir. Chaque option nécessitait la mise en œuvre d’un scénario politique plus ou moins complexe et comportant des risques plus ou moins sérieux d’affrontements. Après avoir écarté l’hypothèse d’une solution « Poutine/Medvedev », Joseph Kabila, poussé par les durs de sa majorité, tente de s’attaquer au verrou institutionnel qui interdit la modification constitutionnelle envisagée, mais se trouve finalement acculé à un choix par défaut en faveur du « glissement ». Face à une opinion publique opposée à toute idée d’un troisième mandat, il s’engage tardivement dans un dialogue national, facilité par l’Union africaine, afin de légitimer son maintien en fonction, mais ne parvient pas à calmer la rue. Incapables de régenter une transition pacifique, le Chef de l’État et ses partisans ont recours à la répression et aux violences policières qui finissent par isoler le régime et le contraindre à de nouvelles négociations.

Le choix du « glissement »

C’est, en effet, après avoir échoué deux fois dans sa tentative de modification de la Constitution, en septembre 2013, lors de la tenue du « Dialogue national Les recommandations du dialogue national convoqué par le Président Kabila, en septembre 2013, ont écarté toute éventualité de modification de la Constitution malgré les nombreuses initiatives et pressions exercées par les proches du chef de l’État, notamment par son conseiller politique et ministre de l’intérieur, Evariste Boshab, ardent promoteur de la révision constitutionnelle (cf. son ouvrage : Entre la révision constitutionnelle et l’inanité de la Nation, Éditions Larcier, Paris, 2013).», puis en septembre 2014, lorsque le président de l’Assemblée nationale s’est avéré incapable de mobiliser une majorité de parlementaires en faveur d’un référendum « constitutionnel », que Joseph Kabila a sérieusement envisagé le « glissement » du processus électoral comme une des options lui permettant de rester au pouvoir au-delà du 19 décembre 2016 Date de la fin du second mandat du Président Kabila.. Quand l’instrumentalisation de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et la manipulation du processus électoral, déjà largement utilisées pour sa réélection en 2011, eurent montré leurs limites, après les journées de protestation de janvier 2015 Les 19 et 20 janvier 2015, l’opposition organise dans les grandes villes du pays des manifestations contre le projet de modification de la loi électorale qui vise à imposer un recensement de la population avant l’élection présidentielle. Proposé par la CENI, ce projet est considéré par l’opinion comme un stratagème pour retarder l’élection et donc allonger le mandat du Président. La répression policière fait 42 morts et le projet est finalement retiré. , et après la démission, en octobre 2015, de l’industrieux et dévoué président de la CENI, l’Abbé Apollinaire Malumalu, il est apparu clairement que le « glissement » était désormais la seule possibilité pour lui de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle.

Le choix, par défaut, de recourir au « glissement » est d’abord révélateur de la faiblesse d’un Président et d’un régime qui, depuis la mort de Katumba Mwanke Augustin Katumba Mwanke, ancien gouverneur du Katanga et conseiller spécial à la présidence de la République, a été pendant plus de 10 ans l’éminence grise de Joseph Kabila, tant dans le domaine politique que sur le plan des affaires. Il est décédé dans un crash d’avion, à Bukavu, le 12 février 2012. en février 2012, ont perdu leur « boussole politique » et qui, depuis la sécession des partis du G7 Le G7 regroupe sept partis politiques qui, refusant toute modification de la Constitution et un éventuel troisième mandat présidentiel en faveur de Joseph Kabila, ont quitté la Majorité présidentielle en mars 2015. Le G7 dispose de quelques 70 députés à l’Assemblée nationale. au début de 2015, ne disposent plus que d’une marge de manœuvre politique réduite. Ce choix nous renseigne également sur la nature réelle du « kabilisme » et les intentions profondes du chef de l’État congolais, qui auraient dû, depuis fort longtemps, alerter politiciens congolais et diplomates étrangers sur les risques de la dérive autoritaire à laquelle on assiste actuellement. Une analyse attentive du comportement de Joseph Kabila à l’égard des processus électoraux qui se sont succédés depuis 2006, montre, en effet, que dès cette date, le jeune président était méfiant vis-à-vis des consultations démocratiques, n’affichait guère d’appétence pour les campagnes qui les précèdent et que l’idée d’une défaite électorale lui était totalement insupportable. Le « glissement » d’aujourd’hui n’est donc pas un coup d’essai, mais s’inscrit dans une longue liste de manipulations qui apparentent Joseph Kabila, en matière électorale, à un récidiviste. Depuis l’intervention armée de sa garde prétorienne, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2006 Le 21 août 2006, jour de l’annonce des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle, la Garde spéciale de sécurité présidentielle (GSSP) de Joseph Kabila lance une attaque contre la Primature et la résidence du vice-président J.P Bemba, lui aussi candidat à l’élection présidentielle ; elle prend en otage pendant plusieurs heures les ambassadeurs du CIAT (Comité international d’appui à la transition) qui se trouvaient réunis autour de Jean-Pierre Bemba, mettant gravement en péril le processus électoral et le succès de la période de transition. Les ambassadeurs, exfiltrés par les éléments de l’EUFOR (Forces de l’Union européenne déployées à Kinshasa pendant les élections de 2006), n’émettront aucune protestation à la suite de ce coup de force. , le chef de l’État congolais a, en effet, multiplié les agressions et les combats contre les processus électoraux. Ainsi, en 2007, il retarde puis refuse d’organiser les élections locales qu’il n’est pas sûr de gagner ; en 2011, il ordonnance les fraudes massives qui permettent sa réélection ; enfin, en 2012, il ajourne, sine die, les élections provinciales, privant, de facto, de leur légitimité, les assemblées provinciales, les gouverneurs et le Sénat. En refusant d’organiser les élections présidentielle et législatives prévues à la fin de 2016, Joseph Kabila parachève, sans état d’âme, une véritable entreprise de destruction institutionnelle puisqu’aujourd’hui, tous les organes issus de la Constitution de 2006 sont illégitimes et animés par des acteurs politiques dont les mandats ont expirés.

Le fiasco de la facilitation africaine d’Edem Kodjo

Mais, si le « glissement » du calendrier électoral est une méthode commode pour prolonger le mandat du Président, il ne dispense aucunement celui-ci de l’obligation de lui donner l’habillage politique minimal permettant son acceptation par l’opinion publique, nationale et étrangère. Joseph Kabila dont le silence a souvent tenu lieu de stratégie, a longuement tardé avant de lancer son opération de validation du « glissement ». Ce n’est qu’en début d’année 2016 et avec l’aide de ses pairs bienveillants de l’Union Africaine, qu’il lance l’idée d’un nouveau « dialogue national » censé entériner la prolongation de son mandat et préparer des élections « apaisées et crédibles ». C’est finalement le 21 août 2016, c’est-à-dire à peine quatre mois avant l’échéance constitutionnelle, que démarre, à Kinshasa, sous l’égide d’un facilitateur Monsieur Edem Kodjo (78 ans), ancien Premier ministre togolais et ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), désigné par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine comme facilitateur du dialogue en RDC, est très vite récusé par l’opposition qui l’accuse d’être trop proche du Président Kabila. vieillissant et contesté, une négociation boiteuse, qui va rapidement prendre l’allure d’un fiasco. D’abord, la participation à ce dialogue de deux composantes de l’opposition, l’UNC Union pour la Nation congolaise, parti créé par Vital Kamerhe en 2010, fortement implanté dans les Kivu, qui dispose de 18 députés à l’Assemblée nationale. de Vital Kamerhe et l’UDPS Union pour la démocratie et le progrès social. dissidente dirigée par Samy Badibanga, censée crédibiliser l’opération, ne parvient pas à convaincre l’opinion congolaise que le pouvoir soit résolu à engager une véritable négociation. En effet, Vital Kamerhe, ancien secrétaire général du PPRD Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie. et proche collaborateur de Joseph Kabila jusqu’en 2009, n’a jamais été considéré comme un authentique opposant ; quant à Samy Badibanga et à son groupe de parlementaires de l’UDPS, leur présence à la table de négociation est regardée comme un de ces retournements de veste auquel la classe politique congolaise a habitué le pays depuis fort longtemps. Le bilan dramatique Au moins trente-deux personnes ont été tuées, selon un bilan officiel établi par la Police nationale congolaise (PNC). De son côté, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) a publié un bilan provisoire d’« au moins une trentaine de personnes tuées. On a enregistré aussi 126 blessés à Beni, Kinshasa, Matadi et Goma ». Au total, 368 personnes ont été arrêtées par la PNC (Police nationale congolaise), les FARDC et l’ANR (Agence nationale des renseignements) à Bandundu, Beni, Goma, Kindu, Kisangani, Kinshasa, Matadi et Tshikapa, selon la même source. de la répression des deux journées de manifestations des 19 et 20 septembre, dans l’ensemble des grandes villes du pays, entame encore un peu plus la crédibilité du dialogue que dirige Edem Kodjo et aboutit au retrait des évêques de la CENCO, dès le 20 septembre. Finalement, la signature, le 18 octobre 2016, d’un accord-croupion qui ne tranche ni la question du troisième mandat du Président, ni celle des échéances électorales, puisqu’il laisse à une CENI à la composition inchangée, toute liberté pour fixer le calendrier, constitue un non-événement, excepté, sans doute, pour les 69 bienheureux membres du nouveau cabinet formé, le 17 novembre, par le Premier ministre, Badibanga.

Manifestations, répression et sanctions

Même si Joseph Kabila obtient, le 26 octobre, les encouragements des chefs d’État de la SADC Southern African Development Community, organisation régionale de l’Afrique australe à laquelle appartiennent, entre autres, l’Angola, la République Sud-africaine et la RDC. et de la CIRGL Conférence internationale pour la région des grands lacs qui regroupe notamment le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie et la RDC. , réunis à Luanda, l’accord du 18 octobre qui devait officialiser le « glissement » et surtout désamorcer les risques d’une contestation populaire à l’approche du 19 décembre, se révèle totalement inefficace. En effet, la contestation des acteurs restés en dehors de l’accord, notamment le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, dirigé par Étienne Tshisekedi, et le Front pour le respect de la Constitution, présidé par la secrétaire générale du MLC Le Mouvement de Libération du Congo, parti fondé en 1998 par Jean-Pierre Bemba, est resté dans l’opposition depuis 2006 ; il disposait de 15 députés au sein de l’Assemblée nationale après les élections de 2011 ; trois députés, dont le secrétaire général, Thomas Luhaka, ont rallié la majorité en 2014 et six viennent d’être exclus du Parti pour participation au dialogue d’Edem Kodjo. , ne faiblit pas, tandis que la mobilisation populaire en faveur du départ du président Kabila s’amplifie. L’Église catholique, quant à elle, se déclare prête à reprendre sa médiation entre le pouvoir et les non-signataires afin d’aboutir à un compromis inclusif permettant un arrêt des violences et une transition apaisée. Le président angolais, Dos Santos, pourtant soutien fidèle de Joseph Kabila depuis 2001, fait savoir, en coulisses, qu’il est favorable à l’initiative des évêques congolais et laisse son ministre des Affaires étrangères annoncer le retrait du territoire congolais de troupes angolaises stationnées dans le Bas-Congo, décision immédiatement interprétée, à Kinshasa, comme un message de défiance.

Parallèlement, les diplomates s’affairent en faveur de l’amorce d’un dialogue immédiat avec la partie la plus radicale de l’opposition, afin d’accroître la pression sur Joseph Kabila. À Kinshasa, l’envoyé spécial américain pour les Grands Lacs, Tom Perriello, rencontre Étienne Tshisekedi et la CENCO, les 3 et 4 décembre ; à New York, le Conseil de sécurité se réunit le 5 décembre et demande aux autorités congolaises de respecter les droits de l’Homme et leur rappelle leurs obligations en matière de protection des populations. Le 12 décembre 2016, dans un mouvement qui semble coordonné, le Trésor américain et le Conseil de l’Union européenne annoncent des sanctions à l’encontre de hauts responsables congolais. Evariste Boshab, ministre de l’Intérieur et Kalev Mutond, administrateur général de l’ANR (Agence nationale des renseignements) sont ciblés par le Gouvernement des États-Unis, tandis que quatre hauts gradés des forces de sécurité et trois hauts responsables de la majorité présidentielle sont visés par les sanctions européennes Ilunga Kampete, commandant de la Garde républicaine, Gabriel Amisi, commandant de la 1ère zone de défense de l’armée congolaise, Ferdinand Ilunga, commandant de la Légion nationale d’intervention de la PNC, Celestin Kanyama, commissaire de la Police nationale, John Numbi, ancien inspecteur général de la Police nationale, Roger Kibelisa, chef du département de sécurité intérieure de l’ANR et Delphin Kaimbi, chef du service du renseignement militaire. Voir Journal officiel de l’Union européenne (UE), LI 336/1 du 12-12-2016. . Le 15 décembre, l’agence Bloomberg « With his family’s fortune at stake, President Kabila digs in » par Mickael Kavanagh, Thomas Wilson et Franz Wild (voir www.bloomberg.com). dévoile, dans une enquête très fouillée, le très lucratif empire de la famille Kabila, amplifiant encore la détestation envers le Président d’un pays où, selon la Banque mondiale, deux tiers de la population vit avec moins de 1,90 Dollars US par jour.

Malgré les efforts des évêques, les discussions n’aboutissent pas avant le 19 décembre et les grandes villes du pays sont, de nouveau, secouées par d’importantes manifestations, impitoyablement réprimées par les forces de sécurité. Les 19 et 20 décembre, le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’Homme (BCNUDH) dénombrera plus de 20 morts parmi la population civile. La CENCO, publie, dans la foulée, le 21 décembre, un ultimatum exigeant des protagonistes du dialogue, qu’ils concluent un accord avant Noël. Finalement, le 31 décembre 2016, les parties parviennent à un accord qui constitue une indéniable avancée par rapport au texte signé le 18 octobre, mais qui comporte aussi certaines lacunes rendant indispensable la poursuite des négociations et pouvant générer de graves difficultés de mise en œuvre.

Une transition fragile entre congolais

En signant l’Accord de la Saint Sylvestre, le pouvoir « kabiliste » s’est vu contraint de renoncer à un troisième mandat pour Joseph Kabila et d’accélérer le processus électoral, mais il compte bien utiliser le flou de certaines dispositions du texte, ainsi que son contrôle sur les Institutions en place pour gagner du temps et imposer une application de l’Accord qui lui soit favorable. Parallèlement, le Chef de l’État garde à sa disposition un contrôle absolu sur les forces de sécurité grâce auxquelles il assure, notamment depuis 2011, la pérennité de son régime.

L’Accord politique global et inclusif du centre interdiocésain de Kinshasa

L’Accord imposé par la CENCO, le 31 décembre, tente, dans ses cinq principaux chapitres, de régler les désordres institutionnels et politiques créés par la volonté de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir à travers la méthode inédite du « glissement » :

  • Au chapitre II de l’Accord, intitulé « Respect de la Constitution », les signataires, en particulier les représentants de la majorité présidentielle, s’engagent à ce que Joseph Kabila ne brigue pas de troisième mandat et que la Constitution de 2006 ne soit pas modifiée. L’Accord procède en deux temps : d’une part, il stipule, à son article II.1, que « les parties s’engagent à n’entreprendre ni soutenir aucune initiative de révision et de changement de Constitution», d’autre part il ajoute à l’article II.2, le verbatim de la déclaration solennelle« A tous ceux qui semblent se préoccuper à longueur de journées de mon avenir politique, je tiens à dire, tout en les remerciant, que la RDC est une démocratie constitutionnelle. Toutes les questions pertinentes relatives au sort des institutions et de leurs animateurs sont réglées de manière satisfaisante par la Constitution »., faite par le Président de la République, le 15 novembre 2016, devant le Congrès. Ce même article est conclu par la formule « ainsi, ayant accompli deux mandats, il ne peut en briguer un troisième La même formule est reprise à l’article III.2.1 du Chapitre III consacré au fonctionnement des Institutions en périodes pré-électorale et électorale. », ce qui semble mettre un terme à la polémique entretenue, depuis 2012, par le silence équivoque du chef de l’État. Toutefois, de nombreux observateurs constatent que Joseph Kabila n’est pas personnellement signataire de l’Accord, comme initialement prévu, et continuent de penser que le Président ne se sent pas réellement engagé par ces dispositions.
  • Le Chapitre III, consacré au « Fonctionnement des Institutions pendant la période préélectorale et électorale » entérine, d’une certaine façon, les conséquences institutionnelles du « glissement », puisque l’Accord, s’appuyant sur les articles 70 alinéa 2, 103 alinéa 2, 105 alinéa 2 et 197 alinéa 6 de la Constitution, accepte que le Président de la République, les députés nationaux et provinciaux ainsi que les sénateurs restent en fonction, jusqu’aux prochaines élections.

Le cas du Premier ministre est réglé par l’article III.3.1 du même chapitre qui précise que : « le Premier ministre (est) présenté par l’Opposition politique non signataire de l’Accord du 18 octobre 2016/ Rassemblement et nommé par le Président de la République conformément à l’article 78 de la Constitution ». Toutefois la mise en œuvre de cette disposition ainsi que du principe de « gestion inclusive des affaires publiques » est renvoyée à un « arrangement particulier » qui reste à négocier entre les parties.

  • Le Chapitre IV est entièrement dédié aux élections, nationales et provinciales, qui devront être organisées « au plus tard en décembre 2017». La prolongation du mandat présidentiel est donc clairement limitée à un an ; la CENI dont l’Accord précise « qu’elle devra être redynamisée dans le plus bref délai » ne dispose, en l’état du texte, d’aucune latitude pour modifier ce calendrier. Ce chapitre de l’Accord fera l’objet d’une analyse détaillée dans la partie électorale du présent article.
  • Dans le Chapitre V sont abordés les problèmes liés aux atteintes aux libertés publiques et à la répression politique qui se sont multipliées au cours des deux dernières années. L’Accord confie à « une Commission de Hauts magistrats l’examen minutieux, au cas par cas, des dossiers des prisonniers politiques et d’opinion, des bénéficiaires de la dernière loi d’amnistie mais qui ne sont pas encore libérés, des exilés et réfugiés politiques repris dans la liste en annexe». S’il semble que les cas de quelques hommes politiques comme Mbusa Nyamwisi et Roger Lumbala aient déjà été traités favorablement, ceux de Moïse Katumbi, J-C Muyambo, Diomi Ndongala et Franck Diongo, par exemple, restent loin d’avoir trouvés des solutions. Par ailleurs, les cas des nombreux jeunes militants appartenant aux plateformes citoyennes telles que Filimbi, Lucha ou Compte-à-rebours, toujours emprisonnés à la suite des manifestations de septembre et décembre derniers, paraissent ne pas avoir été pris en compte. Enfin, aucune disposition de ce chapitre ne mentionne la nécessité de juger les responsables des meurtres d'au moins 40 personnes commis par les forces de sécurité lors de manifestations à Kinshasa et dans d'autres villes du pays, le 20 décembre 2016, au lendemain de l'expiration du second mandat de Kabila.
  • L’Accord met enfin en place, dans son Chapitre VI, un « Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral (CNSA) » que les parties signataires rattachent - bizarrement - à la Constitution en en faisant une Institution d’appui à la démocratie, au sens de l’article 222 alinéa 3. Ce dernier prévoit effectivement que le Parlement peut créer une telle institution par le vote d’une loi organique. Le CNSA, composé de 28 membres, devrait disposer de deux organes : une plénière et un bureau de six membres, présidé par Étienne Tshisekedi. En attendant le vote de la loi organique, l’Accord autorise l’institution à commencer de fonctionner, sur la simple base de sa signature.

Les faiblesses de l’Accord-CENCO

Le texte de l’Accord présente certaines faiblesses qui risquent d’en compliquer singulièrement l’application.

  • D’abord, il repousse à des négociations additionnelles ou à l’adoption ultérieure de textes législatifs, l’examen de points importants pour sa mise en œuvre. Ainsi, la composition du Gouvernement de transition est renvoyée à la conclusion d’un nouvel arrangement entre les parties, alors que le Gouvernement de Samy Badibanga, issu de l’accord du 18 octobre, vient tout juste d’être constitué et investi par l’Assemblée nationale. Il ne fait aucun doute que le Premier ministre tout juste investi organisera, avec sa cohorte de nouveaux ministres, une forte résistance contre la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale, en s’appuyant notamment sur le respect de la volonté du Parlement où la majorité présidentielle et les signataires de l’accord-Kodjo savent bénéficier d’une très large majorité.
  • Les dispositions visant à la décrispation politique dépendent dans une large mesure du bon vouloir et de l’action d’organes extérieurs aux parties à l’Accord. Il en est ainsi du sort des hauts responsables de l’opposition emprisonnés, condamnés, poursuivis ou exilés qui doit être examiné et tranché par une commission de hauts magistrats, dont on ne connaît, pour l’instant, ni la composition, ni le calendrier de travail. Quinze jours après la signature de l’Accord, force est de constater que, parmi les exilés, seul Roger Lumbala Ancien leader du groupe rebelle Rassemblement congolais pour la démocratie/national (RCD/N) pendant la guerre de 1998-2003, Roger Lumbala est élu à l’Assemblée nationale puis au Sénat entre 2006 et 2012. Il soutient le candidat Étienne Tshisekedi lors des élections présidentielles de 2011 et subit les foudres du Président Kabila. Accusé de trahison pour s’être rangé aux côtés du mouvement rebelle M23, en 2013, il est contraint de s’exiler en Afrique du Sud puis en Europe. est rentré en RDC, que des centaines de détenus politiques restent en prison et que, contrairement aux dispositions de l’Accord, aucun media n’a été rétabli dans ses droits. Par ailleurs, aucun membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel congolais (CSAC) n'a démissionné alors qu’ils auraient dû, selon l’Accord (Chapitre IV, article 6), être remplacés dans les 14 jours.
  • Il est à craindre que les partisans du maintien au pouvoir de Joseph Kabila et, plus largement, l’ensemble des signataires de l’accord d’Edem Kodjo, ne tentent de différer ou de compliquer l’application de l’Accord-CENCO en jouant la Constitution contre l’Accord. Le Secrétaire Général de la Majorité présidentielle, Aubin Minaku, a déjà prévenu, le 3 janvier, face à la presse, que : « Toutes les dispositions de l’Accord du 31 décembre contraires à la Constitution sont nulles et de nul effet ». Cette prise de position semble viser en particulier trois points essentiels de l’Accord : d’abord, le fait de demander au « Rassemblement » de désigner le Premier ministre, avant sa nomination par le Président de la République, ce qui paraît clairement en contradiction avec l’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution ; ensuite, le fait d’avoir mis en place le Comité national de suivi de l’Accord (CNSA), immédiatement et sans attendre le vote effectif de la loi organique le créant ; enfin, l’engagement pris de « n’entreprendre, ni soutenir aucune initiative de révision et de changement de Constitution » qui paraît contredire le droit du peuple d’être consulté par référendum tel que le garantit l’article 5 de la loi fondamentale.
  • Nul ne sait encore la forme que pourrait prendre la bataille menée sur ces différents points par le camp favorable au Président. En cas de conflit entre deux institutions comme le CNSA et la Présidence par exemple, devra-ton privilégier l’application de la Constitution (article 69) qui fait du Président le garant du « fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions», ou recourir à l’Accord qui prévoit que le CNSA a pour mission : « de veiller au respect de l’Accord politique par tous les animateurs des Institutions » (Chapitre VI. 2.3). Le risque d’une querelle juridique et procédurière existe bel et bien que ce soit à travers la saisine de la Cour constitutionnelle en cas de litige entre institutions, par obstruction parlementaire ou en ayant recours aux prérogatives constitutionnelles du Président. Avec ce risque, on pourrait voir s’éloigner l’espoir d’une application pleine et sincère de l’Accord et de l’avènement d’une transition pacifique.

Police politique et garde prétorienne, les vrais gages de la longévité

Même si l’Accord marque une avancée réelle vers une solution pacifique de la crise, nombre d’observateurs de la vie politique en RDC expriment un profond scepticisme quant à son application. L’alternance pacifique et démocratique que les Congolais appellent majoritairement de leurs vœux, se révèle, en effet, fortement antinomique avec ce qui constitue l’essence même du régime « kabiliste » et le fondement de son pouvoir. Comme les régimes autoritaires de Blaise Compaoré au Burkina Faso, de Paul Kagame au Rwanda ou de Pierre Nkurunziza au Burundi, le pouvoir de Joseph Kabila repose avant tout sur un contrôle étroit des forces de sécurité et sur la loyauté de leurs hauts gradés, auxquels le régime accorde privilèges et prébendes et auxquels il garantit une totale impunité. Dans une RDC, devenue peu à peu l’un des pays les plus militarisés d’Afrique, le pouvoir du Président dépend, particulièrement depuis sa réélection douteuse de 2011, de sa capacité à maintenir l’ordre et à contenir la contestation, à travers les instruments sécuritaires dont il dispose, à savoir : la Police nationale congolaise (PNC), l’Agence nationale de renseignements (ANR) et surtout la Garde républicaine (GR). Joseph Kabila, qui s’est toujours opposé à une véritable réforme du service de la sécurité, malgré les multiples exhortations des Nations Unies, a, par contre, construit, dès son arrivée aux affaires, des forces de répression toutes dévouées à sa personne et à la défense de son régime.

Ainsi, en dépit des énormes efforts financiers et techniques déployés par les partenaires au développement de la RDC (Nations Unies, Union européenne, France, Royaume-Uni, République sud-africaine, etc.), au cours de ces dix dernières années, pour faire de la PNC une police républicaine et professionnelle, celle-ci ressemble toujours aujourd’hui à un groupe paramilitaire, commandé par des officiers supérieurs au passé suspect et à l’éthique douteuse. Les généraux John Numbi, inspecteur général de la PNC (2007-2010), Raus Chalwe, chef des renseignements généraux pendant dix ans et actuellement responsable, au sein de la PNC, de l’administration et de la sécurité publique et Celestin Kanyama, Commissaire général de police pour la province de Kinshasa, font aujourd’hui l’objet de sanctions internationales et sont, depuis plusieurs années, nominalement dénoncés pour des crimes et atteintes graves aux droits de l’Homme, dans de multiples rapports d’Organisations non-gouvernementales (ONG) et d’organismes internationaux Dans un rapport spécial daté de mai 2008, les Nations unies dénonçaient déjà les répressions sanglantes menées dans le Bas-Congo par la Police congolaise et les services de sécurité, contre les membres du Bundu dia Kongo (BDK), un mouvement politico-religieux d’opposition, puissant dans cette province. Plus de 100 personnes y compris des femmes et des enfants, avaient été massacrées au cours des mois de février et mars 2008, après qu’elles aient manifesté contre la corruption et la manipulation des élections gouvernatoriales. John Numbi et Raus Chalwe figuraient parmi les responsables cités. .

En ce qui concerne l’ANR, agence chargée du renseignement intérieur et extérieur, dont l’essentiel des cadres avait été recrutés sous la période mobutiste, Joseph Kabila s’est empressé d’y placer ses hommes, souvent originaires du Katanga, aux postes-clés et de la transformer en une véritable police politique. Dirigée depuis 2011, par Kalev Mutond Originaire du sud du Katanga, ancien membre du parti mobutiste (MPR), il entre à l’ANR sous Mobutu, mais fait une rapide ascension grâce à Joseph Kabila; il est numéro deux de l’Agence en 2007, puis administrateur général de l’ANR en 2011. Récemment visé par la justice américaine, il devrait quitter ce poste pour devenir Conseiller pour la sécurité auprès du Président Kabila. , directement rattachée à la Présidence de la République, l’ANR se consacre avant tout à la surveillance et à la répression des opposants politiques. Écoutes téléphoniques, arrestations et détentions arbitraires lui sont régulièrement reprochées. Ainsi, dans son rapport de décembre 2015 Voir : www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/UNJHRODecember 2015, page 23., le BCNUDH conclut à propos du rôle de l’ANR dans la répression politique au cours des neuf premiers mois de l’année 2015 : « Le rôle présumé des services de renseignements (…) dans les violations documentées par le BCNUDH, est inquiétant car le maintien de l’ordre lors de manifestations ainsi que les arrestations et détentions ne relèvent pas de ses compétences. (…) Les victimes des violations commises par des agents de l’ANR sont toutes des opposants politiques, des membres de la société́ civile et des professionnels des médias, ce qui laisse penser que l’ANR est instrumentalisée dans le but d’intimider la société́ civile en général ».

C’est finalement la GR qui constitue l’outil essentiel de défense et de survie du régime mis en place par Joseph Kabila. C’est aussi l’instrument qu’il a bâti avec le plus de soin depuis sa prise de pouvoir en janvier 2001 et auquel il accorde toujours l’attention la plus grande. Au total, la GR comprend un effectif d’environ 18 700 hommes, correspondant à une « division » d’armée. Pour comparaison, rappelons que l’effectif total de l’armée burundaise est de 20 000 hommes et que la Rwanda Defence Force (RDF) qui passe pour l’une des meilleures armées du continent, compte 32 000 hommes L’International Institute for Strategic Studies, institut britannique spécialisé dans l’étude des problèmes de défense, de sécurité et de contrôle des armements, publie chaque année un rapport sur l’état des forces armées dans le monde : « The Military Balance » qui fait autorité en la matière. . La GR est construite sur le modèle de la Division spéciale présidentielle (DSP) du maréchal Mobutu et remplit les mêmes fonctions de garde prétorienne du Président. Comme l’ancienne DSP, elle ne relève ni de l’autorité fonctionnelle du chef d’état-major général de l’armée nationale (FARDC), ni de la responsabilité du ministre de la Défense, mais directement du chef de l’État. Son commandement opérationnel est assuré par le général de brigade, Gaston-Hughes Ilunga Kampete, un proche de Joseph Kabila, qui figure sur la liste des personnes récemment sanctionnées par l’Union européenne pour leur responsabilité dans les violentes répressions menées dans le pays au cours des deux dernières années. Tout comme la DSP, la GR bénéficie d’un traitement privilégié par rapport à l’armée nationale en termes d’avantages pour la troupe, d’équipements et d’armements pour les dix régiments qui la composent. Ainsi, en juillet 2015, elle aurait acquis des matériels militaires lourds comprenant notamment des chars T-80 M et des lance-roquettes multiples de nouvelle génération, de fabrication russe, ainsi que des matériels sensibles comme les missiles sol-air S-300 et sol-sol SS 21 Voir : « La Garde Républicaine : une épée de Damoclès sur l’alternance démocratique en RDC », J-J Wondo Omanyundu, 16 décembre 2016 (www.DESC-Wondo.org). . La GR qui est déployée à Kinshasa, Lubumbashi, mais aussi dans la province du Kongo central, à Kisangani et à Goma, est systématiquement utilisée dans le quadrillage de ces grandes villes stratégiques en cas de tensions politiques et employée comme une force décisive de maintien de l’ordre. Elle dispose, en outre, d’une « task force » comprenant des unités d’infanterie, d’artillerie lourde et de blindés ainsi que des bataillons commandos spécialisés que le régime pourrait engager pour sa défense, notamment en cas de tentative de coup d’État militaire. Il est donc clair dans l’esprit du Président Kabila et de ses soutiens, que la GR constitue une garantie essentielle contre les deux principales menaces auxquelles son régime pourrait être confronté : la généralisation des violences urbaines et une tentative de renversement par un groupe de militaires.

L’Accord signé le 31 décembre 2016 ne retire au Président de la République aucune de ses prérogatives constitutionnelles, notamment celles qui font de lui le commandant en chef des armées et le responsable des services de renseignement ; il lui laisse, de facto, une totale liberté d’utilisation des outils de répression et de contrainte dont il dispose. Il ne prévoit, en outre, aucune mesure « sui generis » de partage de ces pouvoirs et n’instaure aucun système permettant de contrôler leur exercice. À un moment où la conclusion des arrangements particuliers relatifs à la composition du nouveau Gouvernement et du Comité de suivi marque le pas et où l’on note, avec inquiétude, qu’aucun mouvement de décrispation politique sérieux n’est engagé par le Gouvernement de M. Badibanga, la question des conditions de la réussite d’une alternance pacifique en RDC reste plus que jamais posée. Peut-on imaginer qu’une transition démocratique ait lieu en RDC sans que les appareils sécuritaires, aujourd’hui entièrement dans les mains du Président, ne soient démantelés ou tout au moins, placés sous un certain contrôle démocratique ? La transition démocratique passe-t-elle par la dissolution préalable de la GR ou existe-t-il des pistes de reconversion de cette Garde qui permettraient d’éviter un déferlement possible des violences ? Force est de constater que l’Accord, concentré sur le processus électoral, son organisation et son rééquilibrage, n’aborde aucune de ces questions pourtant essentielles pour l’avenir immédiat du pays.

Un processus électoral incertain sur le plan logistique

La légitimité des futures autorités élues en RDC, indispensable pour rétablir un pacte social largement affaibli depuis 2011, dépendra de la capacité des autorités nationales à conduire un processus électoral transparent, et donc crédible, à toutes ses étapes, depuis l’enregistrement des électeurs jusqu’à la gestion d’un éventuel contentieux. Or, et malgré l’organisation de deux processus électoraux depuis 2006 Depuis la chute du pouvoir mobutiste, la RDC a connu deux cycles électoraux : en 2006, élections présidentielle, législatives, sénatoriales et des députés provinciaux ; en 2011, élections présidentielle et législatives. Notons qu’en 2016, à l’occasion de la mise en œuvre effective de la réforme territoriale, 21 nouveaux gouverneurs ont été élus lors de scrutins indirects. , un rapide état des lieux révèle que les défis, à la fois sur les plans logistique et technique mais également en termes d’inclusivité et de transparence, restent gigantesques pour les autorités congolaises. Ces défis interrogent directement la soutenabilité d’un calendrier prévoyant des élections entre fin 2017 et mi-2018, selon le dernier accord passé sous l’égide de la CENCO.

Des enjeux logistiques et financiers importants

Depuis 2011, la non-organisation des élections locales et provinciales ainsi que le manque de suivi et d’anticipation de la part des autorités électorales, notamment dans la réalisation des opérations post-électorales (différents audits et analyses internes effectuées tardivement, état des lieux et stockage du matériel électoral inexistant, etc.), imposent à la CENI de recommencer à zéro le processus électoral à venir. Aussi, cette reprise totale du processus fait peser de nombreuses contraintes techniques et logistiques sur l’organisation des prochaines élections, notamment :

  • L’organisation de cinq scrutins majeurs, dont les trois scrutins directs le même jour (présidentiel, législatifs, provinciaux) ; les deux scrutins indirects, sénatorial et gouverneurs, étant prévus ultérieurement.
  • La gestion d’un nombre toujours plus élevé de candidats. Le cadre juridique des élections autorise, en plus des 450 partis politiques recensés en RDC auprès du ministère de l’Intérieur, les candidats indépendants à concourir à chacune des électionsSe reporter à la loi n° 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011.. Si en 2006 la CENI avait enregistré 9 742 candidats pour les cinq scrutins, 18 397 candidats s’étaient présentés en 2011 à l’occasion des seules élections présidentielle et législatives. S’agissant des prochaines échéances électorales de 2018 ( ?), la Commission électorale prévoit l’enregistrement d’environ 50 000 candidats, ce qui constituera un réel défi organisationnelCoordination du suivi des procédures d’enregistrement puis de validation des candidatures depuis les démembrements de la CENI sur le terrain jusqu’au niveau central. et techniqueDans certaines circonscriptions électorales, on pourrait compter plusieurs dizaines voire centaines de candidats. Sachant que le type de bulletin de vote utilisé en RDC est le bulletin unique, cela pose avec acuité la question de la faisabilité d’un tel bulletin uniqque dans les circonstances concernées. pour la CENI et ses démembrements.
  • L’ouverture de près de 90 000 bureaux de vote (BV) Selon la CENI en décembre 2016. avec toutes les implications logistiques et humaines qu’elle implique dans un pays caractérisé par des infrastructures quasi-inexistantes Pour rappel, la RDC, pays à la géographie diversifiée, fait la taille d’un « petit continent » avec près de 2,3 millions de km2 et est traversée par deux fuseaux horaires.: matériels électoraux à distribuer dans chaque BV ; 450 000 membres de BV à former et à déployer sur l’ensemble du territoire.
  • Le coût du processus électoral (qui connaît une inflation sans précédent au grès des différentes options retenues lors des discussions politiques successives). La CENI avance désormais le chiffre d’environ 1,1 milliard de dollars US pour pouvoir organiser le recensement des électeurs et les trois scrutins directs Cela représente un effort financier considérable, environ 15 % du budget annuel de l’État congolais..

En sus de ces contraintes techniques et logistiques, plusieurs éléments risquent de peser fortement sur la mise en œuvre dudit processus électoral :

  • L’éducation civique et la sensibilisation électorale n’ont fait l’objet que de très peu de programmes depuis les derniers scrutins, alors que le taux d’analphabétisme reste très élevé (plus du tiers de la population Fonds des Nations Unies pour l'enfance, 2016.) et que plusieurs réformes ont été réalisées (nouveau découpage administratif, modification de la loi électorale, etc.). Cela pourrait affecter aussi bien la phase d’enrôlement des électeurs que le processus électoral dans sa globalité (dépôt des candidatures, campagne électorale, opérations de vote, compilation des résultats ou encore contentieux électoral).
  • La Constitution et la loi électorale contiennent des articles et des dispositions qui tendent à compliquer singulièrement le processus électoral. Ainsi, l’administration électorale se doit d’organiser, pour la première fois, le recensement et le vote des Congolais de l’étranger ou encore de mettre en place des procédures tenant compte d’un système électoral complexe qui prévoit notamment une combinaison de scrutins majoritaire uninominal et proportionnel avec listes, des scrutins directs et indirects, etc.
  • La situation sécuritaire n’est toujours pas stabilisée à travers le pays. Dans ses frontières, la RDC connaît une instabilité persistante : ainsi, dans certaines régions de l’Est (Ituri et Kivu) et du Sud (Katanga) des groupes armés étrangers et locaux, continuent d’être actifs. Par ailleurs, la RDC subit l’instabilité régionale, notamment celle qui, au Burundi, fait suite aux élections contestées de Pierre Nkurunziza. Enfin, les grands centres urbains sont désormais régulièrement touchés par des épisodes de violence, comme ce fut le cas récemment à Kinshasa, Lubumbashi ou encore Kisangani La quasi-totalité des manifestions publiques, organisées depuis la mi-2016, ont systématiquement donné lieu à des affrontements violents avec les forces de sécurité..
  • La situation en termes de droits humains reste précaire et a tendance à se dégrader. Comme lors des cycles électoraux précédents, la période pré-électorale est de nouveau marquée par une hausse du nombre de cas de violations des droits directement liés au processus électoral (non-respect des droits civiques, des libertés de manifestation, d’opinion et d’expression, d’association ; multiplication des cas de disparition ; nombreux décès lors de réunions publiques, arrestations et détentions illégales, etc. Selon la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), les cas de violation des droits humains ont augmenté de 64 % entre 2014 et 2016..

L’épineuse question du fichier des électeurs

Selon un audit réalisé en 2015, l’ancien fichier électoral, issu des phases cumulées d’inscription des électeurs de 2006 et 2011, a laissé apparaître plusieurs faiblesses structurelles graves. Celles-ci ont conduit différents acteurs du processus à stigmatiser son caractère non-inclusif, principalement à cause de :

  • la présence dans la liste électorale d’environ 500 000 doublons et de 1,6 million électeurs pourtant décédés ;
  • l’exclusion de 8,5 millions de nouveaux majeurs depuis 2011 ;
  • l’absence de prise en compte des congolais de l’étranger.

Dans ce contexte, une nouvelle phase d’enregistrement des électeurs a été décidée par les autorités électorales et lancée en décembre 2016. Tandis que cet enrôlement était initialement prévu pour durer 16 mois, les récents accords entre les parties prenantes en RDC, et notamment celui de la Saint Sylvestre, ont permis de dégager un consensus politique pour ramener cet exercice d’inscription des électeurs à neuf mois, soit à la fin août 2017.

Si la refonte intégrale des listes électorales est une étape clef, et nécessaire, afin de rétablir la confiance des électeurs et des acteurs politiques, en vue des prochains scrutins, la réalisation d’un tel exercice, dans les délais annoncés, paraît plus qu’incertaine. En effet, la reprise totale du fichier des électeurs qui concerne une population électorale de plus de 41 millions de personnes, leur affectation selon le nouveau découpage territorial du pays et la nouvelle cartographie des bureaux de vote qui en sera issue, implique la mise en œuvre de moyens logistiques considérables. Or, l’opération qui n’en est qu’à son début, montre d’ores et déjà ses limites. Divisé en trois phases Ces trois phases s’établissent selon le calendrier suivant : 11 provinces couvertes du 13 décembre 2016 au 12 mars 2017 ; 9 provinces couvertes du 15 février au 15 mai 2017 ; 5 provinces couvertes du 22 février au 22 mai 2017., l’enregistrement des électeurs fait face à de nombreuses difficultés qui pourraient, à terme, impacter le calendrier électoral et/ou poser la question de l’inclusivité et donc de la sincérité, des listes :

  • la multiplication de problèmes techniques rencontrés dans les centres d’enregistrement (difficultés d’accès à l’énergie et au réseau téléphonique, matériels informatiques défectueux ou inadaptés, etc.) ;
  • le manque de transparence dans le recrutement du personnel en charge des opérations d’enregistrement et de contrôle des listes ;
  • le non-respect systématique des procédures d’identification de l’éligibilité ou non de l’électeur à inscrire, etc.

Enfin, deux éléments sont également susceptibles de perturber le processus en cours :

  • La qualité du programme d’information et d’éducation civique en vue de sensibiliser les citoyens à l’étape clef d’enregistrement sur les listes électorales.
  • Le coût des opérations de refonte du fichier des électeurs. Déjà estimé aujourd’hui à 350 millions de dollars US, il pourrait exploser en cas de nouveau glissement du calendrier électoral, pour des raisons aussi bien techniques que politiques.

L’ensemble de ces facteurs préfigure un exercice d’enregistrement complexe, coûteux et certainement plus long que prévu qui risque de perturber le calendrier électoral et de fragiliser l’application de l’accord politique qui prévaut aujourd’hui entre majorité et opposition.

La remise en cause de l’administration électorale

Principale institution en charge du processus électoral Article 211 de la Constitution. Pour rappel, la CENI est chargée de toute l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum. Elle assure également la régularité du processus électoral., la CENI est confrontée à un déficit patent de confiance de la part des parties prenantes aux prochains scrutins. Bien qu’elle soit composée de membres désignés par la majorité, l’opposition et la société civile L’article 10 de la loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la CENI, stipule : « La CENI est composée de treize membres désignés par les forces politiques de l’Assemblée nationale à raison de six délégués dont deux femmes par la Majorité et de quatre dont une femme par l’Opposition politique. La Société Civile y est représentée par trois délégués issus respectivement ; 1. confessions religieuses ; 2. organisations féminines de défense des droits de la femme ; 3. organisation d’éducation civique et électorale »., le mode de désignation de ses 13 membres limite de facto son indépendance d’action. Tout d’abord, la surreprésentation des acteurs politiques – 10 membres sont désignés par les forces politiques, de la Majorité et de l’Opposition, représentées à l’Assemblée nationale (AN) – fait que la crédibilité de la CENI actuelle est totalement dépendante de la qualité du processus électoral précédent. Or le processus électoral de 2011 a largement été critiqué par les forces de l’opposition, une partie de l’UDPS refusant même de siéger à l’AN. Ensuite, la CENI n’échappe pas, en RDC comme dans d’autres pays africains, au phénomène de forte politisation de la société civile. Ce faisant, la Commission électorale est perçue comme étant globalement favorable à la majorité présidentielle. Enfin, et même si la CENI jouit de l’autonomie de gestion de son budget, sa dépendance financière vis-à-vis du Gouvernement est totale. La Commission est largement tributaire du bon vouloir du Gouvernement à verser ses dotations, dans un contexte politique où ce dernier ne se sent guère engagé à respecter les contraintes du chronogramme électoral. L’arrivée tardive des fonds en vue du démarrage des opérations d’enregistrement des électeurs illustre parfaitement cette dépendance. L’« insécurité » de financement constitue une limitation très importante de l’indépendance d’action de la CENI.

Par ailleurs, ce manque de confiance des acteurs s’étend également aux autres institutions clefs du processus électoral, notamment la Cour constitutionnelle (CC) En plus de la CENI et de la CC, certaines prérogatives en termes d’élections sont partagées avec les tribunaux de paix et les tribunaux coutumiers, les tribunaux de grande instance ou encore le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication.. Récemment installée La Cour constitutionnelle a été installée le 4 avril 2015. Notons qu’en l’absence de la CC, le contentieux électoral était géré par la Cour suprême lors des élections précédentes., cette Cour est notamment responsable du contentieux des élections législatives et présidentielle Article 161 de la Constitution.. Or, de par le mode de désignation de ses membres (par le Président, le Parlement et le Conseil supérieur de la magistrature) Article 158 de la Constitution., la CC est aussi aujourd’hui considérée, par une partie des acteurs du processus électoral, comme trop proche du pouvoir.

Conclusion : les conditions indispensables au succès de la transition ou quelles perspectives pour la RDC ?

Par certains côtés, la situation actuelle rappelle la fin de la période de Transition pilotée par la communauté internationale, entre 2003 et 2006. Cette Transition avait initialement été prévue pour durer deux ans et devait donc se terminer en juin 2005. Or, l’organisation des élections ayant pris du retard, il a fallu la prolonger d’une année. Cette opération, à laquelle s’opposait une partie de l’opposition de l’époque L’UDPS d’Étienne Tshisekedi qui avait décidée de ne pas participer aux élections et avait sévèrement critiqué l’organisation et la gestion de la Transition, était tout particulièrement opposée à sa prolongation pour une année., a finalement été menée à bien sans grandes difficultés grâce à deux éléments essentiels : d’abord, le large consensus existant à propos de la nécessité technique de cette prolongation et ensuite, la confiance manifestée par les Congolais vis-à-vis de la Transition et du processus électoral en cours. Il y a lieu de constater que ces deux facteurs ne jouent pas aujourd’hui.

En effet, alors qu’en 2005, la Transition résultait d’un Accord incontestable et inclusif, mis en œuvre par les Nations Unies et puissamment soutenu par l’ensemble de la communauté internationale, la transition actuelle ne semble nullement mobiliser de pareilles forces. Les Nations Unies se sont, jusqu’ici, contentées de se féliciter, dans une déclaration du Président du Conseil de sécurité, en date du 4 janvier 2017, de la signature de l’Accord et ont encouragé les parties à le mettre en œuvre rapidement. Toutefois, ni le déploiement du dispositif militaire de la MONUSCO, ni ses moyens humains, financiers et logistiques n’ont pour l’heure été réorganisés en vue d’un appui particulier au processus électoral qui constitue l’épicentre de l’Accord. Par ailleurs, au niveau de l’Union africaine et des organismes régionaux (SADC, UEAC L'Union économique de l'Afrique Centrale., CIRGL), on ne voit pas se manifester un grand enthousiasme en faveur de l’Accord. Cette relative indifférence des principaux pays de la région s’explique à la fois par les déboires qu’ils ont connus en RDC, dans le passé (inapplication de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, signé en février 2013), mais aussi par les situations politiques délicates, au vu des principes démocratiques et électoraux, dans lesquelles se trouvent plusieurs chefs d’État de la sous-région.

La transition politique actuelle est la première, dans l’histoire congolaise, qui ne soit pas, d’une manière ou d’une autre, conduite par la communauté internationale ; cette transition « entre soi » donne l’impression aux citoyens que personne n’en garantit véritablement l’application et que les parties ne se sentent aucunement menacées en cas de non-respect de leurs engagements. Aucune sanction n’est, en effet, prévue par l’Accord, à l’encontre d’un signataire défaillant. La récente disparition d’Étienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février, aggrave encore cette situation, puisqu’elle prive le CNSA de son président et de l’autorité que son charisme lui conférait. Il y a fort à parier que le pouvoir trouvera dans cette disparition une raison pour tenter de renégocier un « rééquilibrage » de l’Accord en sa faveur et pour en retarder encore l’application. Du côté de l’opposition, le décès d’Étienne Tshisekedi risque de relancer une guerre des chefs qui s’était quelque peu apaisée pendant les négociations et au lendemain de la signature de l’Accord.

Par ailleurs, l’opinion publique continue d’exprimer de très forts doutes par rapport à un processus électoral, piloté par une CENI profondément déconsidérée depuis le désastre électoral de 2011 et dont on ne connait toujours pas avec précision le calendrier. Les perpétuelles modifications intervenues dans le processus lui-même, la dégradation des conditions de sécurité dans les grandes villes et les incessantes atteintes aux droits des personnes ont profondément perturbé les électeurs au cours des deux dernières années. L’attitude du Président Kabila et des responsables gouvernementaux, qui a oscillé, tout au long des cinq dernières années, entre manipulation et sabotage du processus, n’est pas non plus de nature à provoquer une adhésion spontanée du public congolais. La période de transition qui vient de commencer avec la signature, le 31 décembre 2016, de l’Accord-CENCO, ne peut espérer aboutir favorablement que si l’ensemble des signataires, c’est-à-dire, l’élite politique congolaise dans son entier, parvient à convaincre l’opinion publique du sérieux de son engagement et de sa volonté de créer les conditions techniques et politiques, mais aussi sécuritaires, d’une alternance pacifique. Dans l’état de sa situation économique et financière, la RDC aura sans nul doute besoin d’une implication politique, financière et technique de la communauté internationale pour gagner la bataille de la première alternance démocratique de son histoire.

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