En Chine, un débat sur le non-usage en premier. Une fois de plus

Au mois de septembre 2022, selon le quotidien publié à Hong Kong South China Morning Post, Sha Zukang, ancien représentant de la Chine à l’ONU pour les questions de désarmement, a mentionné la possible remise en cause du principe de « non-usage en premier » constamment réaffirmé par la Chine pour mieux contrer la pression militaire croissante des États-Unis dans la régionLaura Zhou, « China Should Fine-tune Nuclear Weapons Policy Amid US Pressure ex Diplomat Says », South China Morning Post, 22 septembre 2021.. Il s’agirait de conserver ce principe de « non-usage en premier » vis-à-vis de la majorité des pays, mais de faire évoluer la doctrine dans le cas des États-Unis, sans que d’ailleurs l’ambiguïté qui pèse sur les bases américaines dans la région, notamment au Japon, soit levéeHercule Reyer, « Former Diplomat: China should Rething No First Strike Policy », Defense Post, 23 septembre 2021.. Selon cet ancien diplomate, cette remise en cause pourrait être évitée si les États-Unis de leur côté acceptent le principe de non-usage en premier ou s’ils cessent d’adopter des mesures « négatives » qui limitent l’efficacité des forces stratégiques chinoisesIdem..

Cette offensive déclaratoire est à rapprocher de l’annonce en fanfare par l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis du partenariat AUKUS et de son volet sous-marins nucléaires, présenté comme une réponse directe à la montée en puissance militaire de la Chine dans la région. Les « dérapages » de Sha Zukang, ne sont donc essentiellement qu’un élément de discours, prononcé par une personnalité reconnue mais sans position officielle, chargée de faire à nouveau passer un message dissuasif face aux États-Unis. Pour Pékin, dont les capacités conventionnelles en dépit d’un rattrapage impressionnant sont très loin d’atteindre celles des États-Unis, particulièrement en situation de combat, l’arme nucléaire a toujours constitué potentiellement une arme dissuasive contre n’importe quel type d’attaque conventionnelle mais plus encore le moyen de renforcer la marge de manœuvre de la RPC en faisant hésiter l’adversaire, en l’occurrence les États-Unis, dans l’hypothèse d’un conflit régional. Ce discours s’adresse aussi aux puissances régionales alliées des États-Unis, Japon au premier chef mais également Australie : Pékin a très vite laissé dire que, si des sous-marins nucléaires étaient basés en Australie, l’île-continent se trouverait de fait la cible potentielle d’une frappe nucléaire chinoise en cas de conflit.

Cette stratégie s’est vue renforcée par le discours en apparence contradictoire de la Chine concernant deux essais, au mois de juillet puis au mois d’août 2021, d’un planeur hypersonique dévoilés par le Financial Time au mois de septembre (voir ci-dessous).

Tout en niant la caractérisation militaire de l’essai, un long article publié dans le Global Times cite abondamment de nombreux experts américains qui démontrent qu’avec cet essai, la Chine considère l’éventuelle acquisition d’une capacité de frappe en premier et se dote des capacités d’échapper aux systèmes d’alerte avancée des États-Unis« 英媒又来:今夏中国高超音速武器试验不止一次 », (« Les Medias anglais y reviennent : cet été la Chine aurait procédé à plusieurs tests d’armes hypersoniques », huanqiuwang, 22 octobre 2021..

Toutefois, pour Lu Xiang, de l’Institut de recherche sur les États-Unis de l’Académie des Sciences sociales de Chine, la Chine ne reviendra pas officiellement sur sa doctrine de frappe en premier, et d’autant moins que l’ambiguïté a toujours fait partie de la stratégie chinoise, en revanche, sans doute possible, elle se dotera d’une véritable capacité de frappe en secondIbid..

Au-delà de ce rappel voilé des capacités chinoises et des risques de montée aux extrêmes, intégré à la guerre de l’information constamment maniée par la Chine, Sha Zukang, qui manie aussi bien le bâton que la carotte, évoque également la possibilité, si les États-Unis réduisent leur pression, de voir la Chine rejoindre les États-Unis et la Russie dans un accord sur la maîtrise des armementsLaura Zhou, op. cit..

 

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