Discerning the Drivers of China’s Nuclear Force Development: Models, Indicators, and Data
Observatoire de la dissuasion n°113
octobre 2023
Ce rapport vise à expliquer la divergence croissante entre la posture nucléaire officielle chinoise et les développements capacitaires observésDavid Logan et Phillip Saunders, Discerning the Drivers of China’s Nuclear Force Development: Models, Indicators, and Data, China Strategic Perspectives 18, National Defense University, juillet 2023.. Les objectifs sont d’identifier les facteurs d’évolution dans la politique nucléaire chinoise, pour mieux anticiper l’évolution de l’arsenal, les éventuels phénomènes d’action-réaction bilatéraux et proposer des options pour la politique américaine.
Les auteurs analysent six cadres théoriques pouvant influencer la composition et la taille de l’arsenal : la seconde frappe assurée, le bouclier nucléaire, le statut de grande puissance, la dissuasion sur le théâtre, la politique bureaucratique et la supériorité nucléaire. Ils étudient neuf variables significatives dans la définition de la stratégie : la taille de l’arsenal, sa diversification, les capacités de théâtre, les capacités de frappes de précision, la posture d’alerte, le niveau de pré-délégation, l’existence d’une politique d’emploi ou de non-emploi en premier, le rôle de la défense antimissile et le caractère stratégique des capacités de renseignement et de surveillance (ISR). Ces facteurs sont étudiés sur la période actuelle mais également dans une perspective prospective à l’horizon 2031.
La confrontation entre prédictions théoriques et observation des développements chinois permet aux auteurs de noter qu’à l’heure actuelle, les deux premiers cadres sont les plus cohérents, à savoir la constitution d’une capacité de frappe en second voire d’un bouclier nucléaire. Les choses sont plus confuses à l’horizon 2031, avec des développements incohérents avec l’ensemble des cadres théoriques mais un ensemble de facteurs donnent de la plausibilité à l’option de la constitution d’un bouclier nucléaire ou l’acquisition du statut de grande puissance. Néanmoins, la cohérence des autres cadres augmente également, ce qui démontre pour les auteurs l’ambiguïté des développements chinois.
L’examen d’autres facteurs, et en particulier de la forte dépendance de la stratégie chinoise à la politique américaine, y compris en matière de défense antimissile, tend à confirmer la cohérence d’une stratégie de seconde frappe, de constitution d’un bouclier nucléaire voire de prestige et de statut. Au terme de l’analyse, les chercheurs reconnaissent que ces cadres théoriques peuvent justifier un ensemble de comportements très divergents, ce qui complique le travail prédictif. Néanmoins, ils proposent différents scénarios de développement des forces chinoises en fonction du principal facteur d’évolution retenu. Concernant la politique américaine, les auteurs jugent qu’il est important de considérer que quels que soient les développements envisagés, Beijing veillera à préserver sa capacité de riposte en second et donc en particulier à s’assurer que ses systèmes puissent vaincre l’architecture défensive américaine. Deuxièmement, ils notent que les investissements chinois dans une force nucléaire plus robuste auront des incidences sur la balance conventionnelle régionale, ce qui pourra nécessiter des arbitrages côté américain entre le renforcement des capacités nucléaires ou conventionnelles. Troisièmement, l’ambition d’être reconnue comme grande puissance nucléaire risque de conduire la Chine à imiter certains développements capacitaires américains sans considération militaire avérée. Enfin, le rapport estime que la Chine restera fermée à la maîtrise des armements tant qu’elle jugera que cela met en cause la capacité de survie de ses forces et que cela l’enferme dans une situation d’infériorité stratégique.