Hwasong-14 (KN-20), ce que l’on sait de l’ICBM nord-coréen

Alors que nul n’avait de doutes sur la volonté de Pyongyang de développer rapidement un ICBM, la démonstration de l’été 2017 a illustré une fois de plus que la Corée du Nord était plutôt plus rapide que prévu dans sa maîtrise des technologies et que sa constitution d’une force de dissuasion crédible était quasiment achevée.

Le premier vol du Hwasong-14, probablement une variante du KN-14 exhibé lors d’un défilé en 2015, est intervenu à la date très symbolique du 4 juillet 2017. Lors de cet essai, il est possible que les ingénieurs nord-coréens aient utilisé un système de propulsion basé sur un seul moteur principal et quatre petits moteurs verniers, une combinaison semblable à celle du Hwasong-12 (KN-17) mais légèrement plus large pour emporter davantage de combustible. Ce système de propulsion qui constituerait le premier étage avait été dévoilé en début d’année avec deux essais au sol du moteur en mars et juinAria Bendix, “North Korea Tests Another Rocket Engine,” The Atlantic, June 23, 2017, https://www.theatlantic.com/news/archive/2017/06/north-korea-tests-another-rocket-engine/531390/ .

L’étage supérieur du missile présente des similitudes avec le Hwasong-13/KN-08 lui-même dérivé du Unha, une technologie éprouvée par le régime mais sous-optimale en termes de taille et de puissance. Il posséderait également des rétrofusées, contrairement au KN-08, ce qui faciliterait la séparation des deux étages et éviterait notamment les collisions entre les deux parties. Cet ajout serait novateur pour Pyongyang et confirmerait les progrès importants réalisés par ses ingénieurs dans les années récentesHwasong-14 (KN-20), Missile Threat, CSIS Missile Defense Project, mis à jour le 27 juillet 2017..

La combinaison des composantes réemployées pourrait ressembler selon John Schilling au modèle ci-dessousJohn Schilling, « What is True and Not True About North Korea’s Hwasong-14 ICBM: A Technical Evaluation », 38th North, 10 juillet 2017..

Le véhicule de réentrée a été modifié par rapport à la version paradée en 2015, et a désormais une forme d’ogive qui est plus favorable en matière d’aérodynamisme, et pourrait permettre sur une version perfectionnée du vecteur de dissimuler plusieurs têtes nucléaires ou des leurres, mais est plus sensible à la température. En termes stratégiques, l’emport de leurres pourrait être une priorité pour les Nord-Coréens soucieux de passer la barrière de la défense antimissile américaine.

Le missile n’a pas été lancé depuis son TEL mais simplement transporté jusqu’à un petit pas de tir, probablement pour ne pas risquer d’endommager un véhicule coûteuxJohn Schilling, « North Korea Finally Tests an ICBM », 38th North, 5 juillet 2017..

Le missile a parcouru le 4 juillet environ 933 km lors d’un vol de 39 minutes et a atteint l’altitude d’environ 2800 km, des données révélées par la Corée du Nord et globalement confirmées par les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon. La trajectoire bombée du missile explique l’altitude élevée et lui a permis de ne pas survoler ses voisins. Avec une trajectoire corrigée, les modélisations indiquent que le missile aurait pu atteindre entre 6500 et 8000 km selon les estimations.

Son niveau de performance a été estimé en fonction de données possibles en matière de charges et avec des trajectoires optimisées prenant en compte le sens de rotation de la Terre, ce qui pourrait donner les chiffres présentés ci-dessousJohn Schilling, « What is True and Not True About North Korea’s Hwasong-14 ICBM: A Technical Evaluation », 38th North, 10 juillet 2017..

Le Hwasong-14 a été à nouveau essayé le 28 juillet 2017 pour un vol de 47 minutes, toujours sur une trajectoire très haute (3700km d’altitude atteint) et avec une portée légèrement améliorée. Ces nouvelles données ont permis de réaliser des modélisations selon lesquelles le missile pourrait atteindre 9000 km voire 10 000 km de portée dans des conditions d’utilisation normalesMichael Elleman, « Early Observations of North Korea’s Latest Missile Tests », 38th North, 28 juillet 2017..

L’amélioration de la portée pourrait avoir résulté d’une optimisation du deuxième étage, avec par exemple l’ajout de deux moteurs verniersAnkit Panda, « New Details on North Korea’s Second ICBM Test Suggest Improvements, Further Testing Ahead », The Diplomat, 3 août 2017.. La charge a sans doute été réduite également, autour de 300 kg au lieu de 500 kg estimé le 4 juillet.

L’essai a eu lieu de nuit, a priori pour favoriser l’entraînement des équipes à opérer dans des conditions d’emploi réalistes. En conséquence, les images disponibles sont notamment celles fournies par les autorités japonaises, qui laissent voire une traînée incandescente lors de la chute du véhicule de rentrée. Elles nourrissent des doutes sur l’éventuelle destruction du véhicule et la capacité de survie d’une tête nucléaire à une telle expérience. La désintégration lors de la réentrée pourrait être due à la réduction de la masse de la charge. Des estimations montrent que ce nouveau système pourrait menacer la côte Est des Etats-Unis, mais seulement dans des conditions très peu probables notamment en matière de chargeJohn Schilling, « What Next for North Korea’s ICBM? », 38th North, 1er août 2017..

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