The South Korean Nuclear Armament Debate
Observatoire de la dissuasion n°108
mai 2023
Le Korea Economic Institute of America vient de publier une compilation d’articlesClint Work et Andy Hong (éditeurs), « The South Korean Nuclear Armament Debate », KEI, mars 2023. traitant de la position sud-coréenne vis-à-vis de l’acquisition d’armes nucléaires. Le document est structuré en trois parties : un rappel du contexte historique et des efforts de Séoul dans le passé pour développer un programme nucléaire militaire, une analyse du discours interne et enfin une réflexion sur les implications internationales d’une potentielle nucléarisation du pays.
Le rapport commence par des éléments historiques qui rappellent la peur du gouvernement sud-coréen d’un abandon américain et la perception dans les années 1970 d’une dissuasion élargie américaine peu crédible. À l’époque, le gouvernement demandait en particulier à Washington de mentionner publiquement la présence d’armes nucléaires américaines sur la péninsule et de s’exprimer plus clairement sur la doctrine envisagée. Alors que les États-Unis se retirent du Vietnam, la crainte d’un retrait plus général d’Asie justifie le lancement d’un programme nucléaire national. Entre 1975 et 1980, deux phénomènes paradoxaux s’observent. Ainsi, bien que Washington réduise progressivement le volume d’armes nucléaires déployées en Corée du Sud, les efforts de réassurance et les déclarations politiques fortes sur la défense de Séoul contribuent à rassurer la classe politique sud-coréenne sur la solidité du parapluie nucléaire américain.
Plusieurs phénomènes s’observent à cette époque. Tout d’abord, dans les années 1970, et en particulier après l’essai nucléaire indien de 1974, les États-Unis accordent une plus grande importance à la question de la non-prolifération et au respect du TNP naissant. La gestion d’une relation stratégique avec un État autoritaire pose également question. Les auteurs du rapport notent à ce titre que la démocratisation facilite l’évocation publique de la dissuasion élargie aux États-Unis, mais présente également des complications en ouvrant un espace de discussion interne sur la politique de défense du pays.
Les articles qui s’intéressent à la situation actuelle pointent plusieurs éléments. Tout d’abord, ils remarquent l’évolution de la situation depuis les années 1970, au niveau capacitaire, avec l’acquisition par Séoul d’une triade conventionnelle, mais aussi au niveau politique, avec une relation avec les États-Unis plus forte et une Chine potentiellement plus hostile. S’appuyant sur les sondages et analyses récentes, les auteurs rappellent que le soutien de la population sud-coréenne à une option nucléaire est désormais ancré et n’est plus lié à la crédibilité de la dissuasion américaine. De fait, plus les Américains démontrent la solidité de la dissuasion élargie, par des exercices ou des déclarations, plus le public sud-coréen semble favoriser l’acquisition d’un programme national, un phénomène décrit comme le « piège de la réassurance ».
Ce soutien public est notamment motivé par la conviction que la dénucléarisation de la péninsule coréenne est impossible, que la région sera au cœur de compétitions stratégiques durables et que la Chine représente une menace à la sécurité nationale. Dans ce contexte, l’idée que la Corée du Sud doit pouvoir compter sur ses propres capacités pour assurer sa sécurité et préserver une forme de stabilité sur la péninsule est répandue. Les auteurs montrent que la guerre en Ukraine a pu également valider cette analyse. Dans ce contexte, des leaders politiques n’hésitent pas à surfer sur la popularité d’une arme nucléaire sud-coréenne pour marquer des points contre leurs adversaires, même si ce soutien ne se fonde pas sur une analyse approfondie des conséquences d’un retrait du TNP.
La dernière partie du rapport cherche à montrer les inconvénients potentiels d’un programme nucléaire sud-coréen. Tout d’abord, si Séoul pouvait activer l’article 10 du TNP et se retirer du Traité, d’autres États faisant face à des menaces similaires pourraient en faire autant. La multiplication de puissances au seuil ou puissances nucléaires serait source de déstabilisation. En Asie du Nord-Est, cela accélèrerait manifestement la militarisation de la Corée du Nord et pourrait assombrir les relations intercoréennes selon le paradoxe « stabilité-instabilité ». Des contributeurs notent le risque de coût diplomatique pour Séoul et le coût politique et économique considérable.