La contestation arabe palestinienne en Israël aujourd’hui

Introduction

Les Palestiniens citoyens arabes d’Israël représentent près de 20% de la population israélienne. Ils se définissent majoritairement comme palestiniens et réclament la transformation d’Israël en un État démocratique pour tous, donnant aux Arabes un statut de « minorité nationale indigène ». Leur demande d’abrogation du caractère juif d’Israël, sur fond de solidarité affichée avec la cause palestinienne, nourrit les discours de l’extrême droite israélienne qui les accuse publiquement de trahison.

Leur stigmatisationSelon un sondage conduit par l’université de Haifa en 2017, 44,6% des citoyens arabes interrogés acceptaient le fait qu’Israël soit un État à majorité juive contre 60,3% en 2015. 49,7% acceptaient l’hébreu comme langue officielle dominante, contre 63,4% en 2015. 73,8% des citoyens juifs interrogés acceptaient que les citoyens arabes vivent dans le pays et jouissent des droits citoyens, contre 79,7% en 2015. 57,5% refusaient de mettre leurs enfants dans des écoles avec des enfants arabes, contre 51,6% en 2015. https://www.haifa.ac.il/index.php/en/home-page3/2934-arab-jewish-relations-index-directed-by-prof-sammy-smooha-of-the-university-of-haifa-attitudes-of-jewish-and-arab-public-concerning-coexistence-deteriorate-but-foundation-of-relationships-is-still-firm est d’autant plus forte qu’ils disposent de structures politiques et associatives agissant au cœur du système israélien. Autrefois considéré comme exclusivement communautariste, leur activisme politique s’inscrit depuis quelques années dans le cadre plus large d’une mobilisation citoyenne qui condamne la droitisation de la vie politique israélienne et le non-respect des forces d’opposition (associations, médias, etc.). La droitisation amorcée au tournant des années 2000 s’est renforcée avec les élections de mars 2015 qui ont conduit à la constitution du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël. Ce virage idéologique a conduit à une normalisation des thèses portées par les ultranationalistes et les pro-colons qui n’ont jamais considéré les citoyens arabes autrement que comme une menace intérieure et qui affichent leur refus de tout État palestinien. Pour Ayelet Shaked, ministre de la Justice, « l’État doit dire qu’il faut maintenir une majorité juive même si cela implique la violation des droits »Revital Hotel, « Justice Minister: Israel Must Keep Jewish Majority Even at the Expense of Human Rights », Haaretz, 13 février 2018. https://www.haaretz.com/israel-news/justice-minister-israel-s-jewish-majority-trumps-than-human-rights-1.5811106. Elle a également affirmé : « Le peuple palestinien nous a déclaré la guerre, et nous devons répondre par la guerre. Ce n’est pas une guerre contre le terrorisme, ni une guerre contre des extrémistes. C’est une guerre entre deux peuples. Qui est l’ennemi ? Le peuple palestinien »Ishaan Tharoor, « Israel’s new justice minister considers all Palestinians to be the enemy », The Washington Post, 7 mai 2015. https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2015/05/07/israels-new-justice-minister-considers-all-palestinians-to-be-the-enemy/?noredirect=on&utm_term=.b3b70b343b7c. Pour Naftali Bennet, leader du Foyer juif et ministre de l’Éducation et de la Diaspora : « Le rêve est que la Judée Samarie fasse partie de l’État souverain d’Israël. Nous devons agir aujourd’hui et nous devons donner nos vies »Barak Ravid, « Bennet: We Must Act Now and ‘Give Our Lives’ for the Annexation of the West Bank », Haaretz, 6 octobre 2016. https://www.haaretz.com/israel-news/bennett-we-must-give-our-lives-for-annexation-of-w-bank-1.5447002.

La place des Palestiniens citoyens arabes en Israël doit donc se comprendre au regard, d’une part, de l’enlisement du conflit israélo-palestinien qui attise les frustrations identitaires et, d’autre part, de l’évolution du système politique israélien qui a décomplexé les discours xénophobes et intolérants. La diabolisation des voix critiques, y compris venant des communautés juives libérales, ou encore les accointances avec des personnalités d’extrême droiteDes hommes politiques israéliens n’hésitent plus à s’afficher avec des leaders européens d’extrême droite au nom d’une même lutte contre l’islam radical. Noa Landau, « Netanyahu Congratulates Hungary’s Orban After Landslide Reelection », Haaretz, 9 avril 2018. https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-congratulates-hungary-s-orban-after-reelection-1.5986011, pour certaines notoirement antisémitesÀ l’instar de John Hagee et Robert Jeffress, deux pasteurs de l’extrême-droite évangéliste américaine qui ont assisté à l’inauguration de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem le 14 mai dernier. Ces proches du président Donald Trump sont connus pour avoir tenu par le passé des propos de nature antisémite., poussent à présent certains observateurs à qualifier Israël de « démocratie illibérale »Shlomo Ben-Ami (ancien ministre travailliste des Affaires étrangères de 2000 à 2001), « Illiberal Israel », Project Syndicate, 7 février 2017. https://www.project-syndicate.org/commentary/illiberal-democracy-israel-netanyahu-by-shlomo-ben-ami-2017-02?barrier=accesspaylog, quand d’autres parlaient déjà d’ethnocratieOren Yiftachel, Ethnocracy. Land and Identity Politics in Israel/Palestine, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006..

Dans ce contexte, les marges de manœuvre politique des citoyens arabes d’Israël se réduisent et tombent sous le coup d’accusations de « déloyauté », voire de « terrorisme ». Cette criminalisation des voies légales d’opposition n’a d’autre conséquence qu’une radicalisation de leur mobilisation formelle et informelle.

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