Négociations Climat Paris 2015 : quels impacts pour l'industrie de défense ?

La France accueillera à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la 21ème conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). L’ambition de cette conférence « Climat » sera de clore un long cycle de négociations après l’échec de celle de Copenhague en 2009, par l’adoption d’un nouvel accord international sur le climat. Ce texte, qui pourrait avoir force contraignante, succèderait à partir de 2020 à un Protocole de Kyoto moribond, dans le but de contenir le réchauffement global à 2°C entre l’ère pré-industrielle et 2100.

Loin de l’ambition de 2009 d’un accord mondial de type top down, où les Etats s’engagent sur des objectifs chiffrés de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), le texte de Paris en 2015 devrait se contenter de contributions volontaires que les pays déposeront auprès des Nations-Unies au cours du premier trimestre 2015. Il ne s’agira donc pas d’engagements formels pour réduire des émissions, mais de tenter de contrôler l’augmentation de ces dernières.

Reflétant le volontarisme continu de sa politique climatique, l’Union européenne a mis en place à partir de 2005 le système européen d’échange de permis d’émissions (SCEQE ou EU-ETS), instrument de régulation Carbone de loin le plus ambitieux au monde, qui couvre 12000 installations en Europe, soit environ 40% des émissions de gaz à effet de serre des 28 Etats-membres.

Exception faite des directions du développement durable et de la communication des industriels de la Défense, les différentes formes de régulation Carbone (marché, taxe sur l’énergie et le carbone) n’ont pas été perçues comme une contrainte forte par ce secteur à l’échelle européenne. En effet, les entreprises de ce domaine se sont accommodées rapidement au marché Carbone européen, voire en ont tiré profit, grâce notamment à un mode d’attribution favorable des quotas d’émission, ou à la valorisation de Certificats d’Economie d’Energie sur des sites de production non soumis au SCEQE.

Mais cette adaptation rapide aux contraintes carbone doit cependant être nuancée : elle reflète en effet le faible coût marginal des premières actions de réduction des émissions de GES qui ont été entreprises. De nouvelles baisses, de l’ordre de 2 à 3 % par an entre 2020 et 2050, devraient représenter un effort (mise en œuvre, coûts) incomparable avec ce qui est entrepris jusqu’en 2020. De plus, cette adaptation à première vue aisée se réalise sans prospective à moyen terme d’une double pression :

  • Des contraintes carbone plus fortes (la mise aux enchères des permis d’émission, et non plus leur allocation gratuite ou garantie, sera la règle ; prix plus élevé du carbone ; possibilité d’une taxe sur les secteurs hors SCEQE) ;
  • Une marge plus étroite de réduction des émissions au sein des groupes.

Or, quelles que soient les incertitudes pesant sur la forme et l’ampleur d’une coopération internationale sur le climat, l’Union européenne va conserver des objectifs ambitieux de réduction de ses émissions de GES, et supérieurs à ceux des autres pays industrialisés. Le degré de contrainte deviendra fort. La division par deux des émissions mondiales entre 1990 et 2050 implique une réduction d’un facteur 4 de celles des pays développés. Cependant, au regard de la difficulté de la réalisation d’un tel but pour le secteur diffus (ménage, agriculture, transport…), l’industrie européenne devra très probablement réduire ses rejets de GES d’un rapport de 5 à 6 fois dans cet intervalle ! Il s’agira bien d’un effort et d’une contrainte significatifs.

Fin octobre 2014, l’Union européenne précisera le contenu du Paquet Energie-Climat 2030, avec à cet horizon un objectif de réduction des émissions de GES de 40% depuis 1990 (le projet actuel prévoit également 27% d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, et 25% d’économie d’énergie depuis la même date).

Au regard des impacts potentiels de ces mesures, les acteurs du secteur de la Défense cherchent à maintenir une attitude proactive en matière d’anticipation et de participation à l’élaboration des réglementations des émissions de GES, que ce soit auprès de la France ou de l’Union européenne, à différents stades, tous primordiaux quant à leurs implications économiques :

  • La définition du contenu du bilan carbone d’une entreprise, l’affinage des forfaits d’émissions (pour le fret, ou pour les matériaux entrants par exemple), et plus généralement la normalisation en la matière.
  • Les différentes formes de prise en compte des GES « importés », (dans l’UE ou en France).
  • Toutes les décisions relatives à la réforme du marché Carbone européen, et susceptibles de supporter artificiellement le cours du carbone.
  • La définition de l’assiette d’une potentielle taxation Énergie/Carbone (intégration des prestataires, du carbone entrant…) après 2020.

Des marchés Carbone régionaux et multinationaux

Le Protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005 et prolongé en 2012, pose les bases d’un mécanisme international d’échange des gaz à effet de serre (GES). Mais sa faible portée (il couvre aujourd’hui moins de 25% des émissions mondiales), et le prix relativement bas du carbone depuis 2008 sur le principal marché Carbone au monde (le marché européen ou SCEQE), n’ont pas envoyé un signal-prix du carbone réellement incitatif pour infléchir les principaux postes d’émissions de GES.

Ces difficultés ne doivent cependant pas occulter la multiplication de systèmes d’échange de quotas d’émission de GES dans d’autres pays ou blocs régionaux. La Chine est par exemple devenue depuis 2011 le 2ème plus grand marché mondial d’échange de quotas d’émission de carbone, via sept dispositifs internes dans différentes grandes villes et provinces. Le Japon, la Corée du Sud, la Suisse, la Nouvelle-Zélande, la Californie en lien avec le Québec, ou encore plusieurs Etats fédérés du Nord-Est des Etats-Unis sur la base du volontariat, ont également mis en place des marchés Carbone. L’enjeu majeur réside aujourd’hui dans la coordination de ces mécanismes. Car, à défaut de préfigurer un marché mondial d’échange de quotas d’émissions de GES, cela permettrait de faire émerger un prix du carbone relativement homogène entre ces blocs régionaux.

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