Quels blindés pour les conflits futurs ?

    Pour le profane, les images de centaines de blindés détruits sur les routes ukrainiennes pourraient laisser l’impression de la fin d’une époque, celle des machines d’acier dominant le champ de bataille. Or, il faudrait ajouter immédiatement après que, ce que les Ukrainiens réclament à cor et à cri, ce sont des blindés ! Ce qui démontre que l’analyse doit aller, comme toujours, au-delà des impressions laissées par le théâtre médiatique. Nous redécouvrons que la consommation élevée de blindés est le propre de la guerre de haute intensité. Les guerres israélo-arabes, la guerre Iran-Irak, les deux guerres du Golfe, les conflits au Yémen, en Syrie et plus récemment dans le Haut-Karabagh se sont traduits par des pertes colossales de matériels, dont les parcs n’ont pu être reconstitués qu’au prix d’efforts industriels et budgétaires très significatifs. Quand les forces américaines perdaient en moyenne trois aéronefs par jour au Vietnam, et ce pendant neuf ansLes Etats-Unis ont perdu 10 000 avions et hélicoptères au Vietnam, toutes causes confondues, au feu et par accident (3 744 avions, 5 607 hélicoptères et 578 drones). , il n’est venu à l’esprit de personne de déclarer la fin de l’aviation dans les combats modernes. La guerre en Ukraine, après celles récentes du Haut-Karabagh et du Yémen, nous donne l’opportunité de réfléchir aux nécessaires inflexions techniques et capacitaires qu’il conviendrait d’apporter à la prochaine génération de blindés. 

De la masse et des silhouettes 

Les exigences formulées en matière d’ergonomie et de confort à bord ont terriblement fait grossir les caisses de blindés, en particulier celles des transports de troupes et des véhicules de combat d’infanterie. D’un volume de 6 m³ dans le VAB, nous sommes passés à plus de 12 m³ dans le Griffon sans que le nombre de fantassins n’aient augmenté. L’augmentation de taille des soldats n’explique pas tout. L’équipement de protection (gilet pare-balles et casque), l’armement, les moyens de communication et les munitions ont alourdi et empâté la silhouette du fantassin, de sorte que le volume individuel alloué a presque doublé. A cela s’ajoutent les espaces occupés par les impédimenta divers (eau, vivres, batteries) et les munitions collectives qui sont en augmentation permanente pour donner toujours plus d’autonomie sur le terrain. Alors que le toit du VAB était à 2,15 m, celui du Griffon culmine à 2,63 m, ce qui n’est pas sans poser 

quelques problèmes de discrétion et donc de survivabilité qu’il va bien falloir traiterEn comparaison, un VTT/VCI chenillé bien conçu et bien protégé contre les mines ne dépassera pas 2,10 m. . Ce faisant, les surfaces à protéger ont donc elles aussi doublé, ce qui, avec des exigences de protection balistique en hausse, conduit à des masses en inflation constante. Le point culminant est sans doute atteint par le monstrueux Boxer australienQui remplace le petit LAV de 14 tonnes !  de 38 tonnes et 3,5 m au sommet de la tourelle ! Un record pour un engin à roues. Le domaine des chars n’échappe pas à cette dérive. La génération présentement en service (Leclerc, M1 Abrams, Léopard 2, T80, Merkava Mk1) a été conçue dans les années 70-80 pour mener un combat de haute intensité en situation de duel face à des adversaires de même type. Leur protection se concentrait sur l’arc frontal de sorte que les premières versions des chars occidentaux précités pesaient entre 55 et 57 tonnes. Quand les opérations militaires se concentrèrent sur la lutte anti-guérilla (Irak, Afghanistan), on s’empressa de couvrir les flancs des chars de caissons contre les roquettes RPG et la masse en ordre de combat dépassa les 60 tonnes. Enfin, les Israéliens, qui mènent des opérations particulières dans les territoires palestiniens ou au sud Liban, ne firent que peu de compromis dans la protection du Merkava Mk4 qui, outre un plancher très épais, voit son toit recouvert de blindages massifs pour lutter contre les missiles tirés depuis une hauteur. Le résultat est un char de 72 tonnes qui s’inscrit dans la doctrine d’emploi très particulière de Tsahal. Pour propulser des engins plus lourds, il faut des motorisations plus puissantes avec toutes les conséquences logistiques qui en découlent. Le Service de l’Energie Opérationnelle (ex SEA) estime qu’avec l’entrée en service des blindés de la famille Scorpion, la consommation de carburant va bondir de 700.000 à un million de mètres cubes puisque l’armée de Terre remplace une flotte de véhicules de 8 à 18 tonnes (ERC Sagaie, VAB, AMX10RC) par une famille de 18 à 26 tonnes (Serval, Griffon, Jaguar). Les projets d’hybridation ne corrigeront cette augmentation qu’à la petite marge, et ce, au prix d’une complexité croissante et d’un MCO en hausse. Le développement de la prochaine génération de véhicules de combat ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la réduction des masses et des silhouettes sous peine de mettre en service des engins inemployables. 

Le défi de la survivabilité ou la menace vient du ciel 

Toutes les académies militaires du monde enseignent que la meilleure protection c’est de tirer le premier ! Quand cette situation de duel tourne mal, il reste la protection classique. Les ingénieurs et les spécificateurs étatiques doivent se réapproprier la fameuse approche dite de la « peau d’oignon »Ne pas être détecté, ne pas être identifié, ne pas être suivi par une conduite de tir, ne pas être atteint, ne pas être pénétré, ne pas être détruit.  qui oriente les stratégies de survivabilité de toutes les plateformes de combat, qu’elles soient aériennes, navales ou terrestres. Il y a vingt ans, et après avoir dépensé dix milliards de dollars dans le programme Future Combat System, les Américains ont brillamment démontré ce que tout le monde avait compris depuis longtemps, à savoir qu’un véhicule de 25 tonnes ne pourra jamais disposer du même niveau de protection qu’un engin de 60 tonnes. L’apparition de nouvelles munitions rôdeuses, que la vulgate médiatique a traduit en drones kamikazes, enrichit la menace. Suivant leur taille, ces munitions embarquent des têtes militaires capables de percer entre 50 et 150 mm d’acier, épaisseurs rarement atteintes sur le toit des chars les plus modernes, et encore moins au-dessus des compartiments des groupes motopropulseurs. Sauf à dessiner des monstres de 75 tonnes, le salut ne viendra que d’autres dispositions, comme les systèmes anti-drones qui devront impérativement coller à la manoeuvre des unités blindées mécanisées, ou des systèmes de protection active hardkill ou softkill individuels montés sur les engins. 

Une course au calibre s’est engagée pour l’armement principal des chars et des VCI. La compétition pour l’armement du futur MGCS entre l’allemand Rheinmetall, qui promeut un 130 mm, et le français Nexter Systems, qui a dévoilé son AS-CALON de 140 mm à munitions semi-télescopées, a démarré. Il ne fait aucun doute que la Chine suit ces traces et que la Russie ne tardera pas à démontrer que ses efforts en matière de canons de chars n’ont pas faibli. On se souvient des projets de chars russes à canon de 152 mm des années 90. Si les meilleures obus flèches occidentaux (pénétrateur en uranium et grande élongation) sont crédités d’une performance de pénétration d’environ 750 mm dans l’acier à blindage, l’objectif est d’atteindre le mètre avec les calibres précités. Les progrès réalisés dans les blindages ne suivent pas le même rythme, de sorte que maintenir des masses raisonnables tout en contrant ces futurs projectiles reste illusoire en l’état actuel des technologies. Quant à la protection active, et même si quelques industriels annoncent des effets déstabilisantsCela consiste à faire exploser à proximité des empennages de la flèche une charge explosive qui crée un couple de basculement et donne donc à la flèche de l’obliquité. En clair, la flèche vole de travers avec un pouvoir de pénétration affaibli.  sur les flèches obtenus dans des conditions assez éloignées des combats réels, elle ne saurait constituer l’ultime barrière fiable, tant sont grandes les difficultés d’intercepter un barreau métallique filant à Mach 5. 

Les canons automatiques de dernière génération (40CTA, 57 mm russe, projet de 50 mm américain) commencent à équiper les engins de reconnaissance (Jaguar, Ajax) et les VCI (Kurganets, Lazar). Ils succèdent aux armes de 20 à 35 mm en service aujourd’hui (mais qui ne disparaitront pas de sitôt). Ces armes tirent des projectiles perforants pouvant percer jusqu’à 180 mm d’acier à blindage. Ils font donc très mal à la génération actuelle de blindés d’infanterie mais peuvent aussi neutraliser un char en s’attaquant à ses flancs ou ses arrières. 

Face aux projectiles cinétiques qui se jouent des protections actives hardkill, le recours au blindage ne peut être le seul recours car nous avons vu qu’il conduit à une inflation des masses ingérable. Il existe donc un seuil au-delà duquel il convient de cesser de vouloir arrêter une flèche, ce qui signifie que le duel doit être gagné par d’autres moyens. 

Le camouflage, la furtivité radar et infrarouge ne doivent plus être considérés comme des gadgets. De simples bâches multispectrales sont déjà des solutions bas coût immédiatement exploitables, de même que les filets de camouflage. Enfin nous devrons redécouvrir l’art de la tromperie par la manoeuvre des leurres, de la diversion et de la distraction. Les régiments de chars turcs sont en mesure de positionner des leurres de M60 et de Léopard 2 à la frontière syrienne. Plusieurs ont été impactés par des missiles anti-chars, ce qui a révélé les positions ennemies qui ont été aussitôt engagées. Ces « solutions de la ruse » sont très abordables et peuvent se révéler très efficaces si nous réapprenons leur usage tactique. Ses savoir-faire anciens méritent une réhabilitation rapide car ils concourent fortement à la réduction de l’attrition. 

Tirer plus vite et de plus loin 

En matière de systèmes d’arme, les blindés futurs devront savoir combiner concept ancien et technologies avancées. Comme nous l’avons vu précédemment, les projectiles flèches tirés par des canons à haute pression restent le moyen le plus sûr de passer les défenses actives, contrairement aux missiles anti-chars dont la vitesse et les signatures, radar et infrarouges, les rendent vulnérables malgré la multiplication des modes d’attaque (direct, en survol ou en plongeon). Les canons ont en outre l’immense avantage de pouvoir tirer une gamme de munitions aux effets variés, explosif à fusée programmable (impact, retard, airburst), fumigène, thermobarique, anti-hélicoptère, voire guidée (ancien projet Polynege de Nexter Arrowtech). Cette faculté est cruciale pour procurer aux blindés un large pouvoir de destruction qui contribue à leur polyvalence. Le missile hypervéloce est souvent présenté comme une alternative à l’obus flèche, avec tous les avantages du missile, en particulier la légèreté. Cependant un blindé lanceur de missiles hypervéloces sera très spécifique et son champ d’action sera forcément limité. Pour augmenter l’employabilité d’un lanceur de MH, il faut augmenter la profondeur des champs de tir et placer les missiles en hauteur sur un affût élevé, à la manière de ce qu’avait imaginé la Bundeswehr dans les années 80 avec le projet Panther. Ce type de solution a en outre l’avantage d’ouvrir les champs de tir et d’observation et de transformer le Tir Au-delà de la Vue Direct (TAVD) en tir à vue. Une performance très appréciable. En fait, le projectile anti-blindage idéal serait un barreau métallique attaquant le toit des blindés. Les Américains avaient lancé le développement de l’obus MRM (Mid-Range Munition) en version cinétique destiné à donner à une flèche une capacité TAVD et un guidage. Le projet est mort avec l’arrêt du Future Combat System. L’idée peut cependant être utilement reprise. Le tir de munitions à portée accrue ne pourra s’appréhender qu’au travers de moyens Détection-Reconnaissance-Identification adaptés, qu’ils soient portés par les plateformes de combat ou déportés. C’est la clé de voute du combat collaboratif. Les technologies de capteurs multispectraux, associées à des algorithmes de traitement des images, amélioreront considérablement l’identification des cibles tout en participant au « décamouflage » des objets. 

On ne rappellera jamais assez l’importance de l’armement complémentaire en sus du moyen principal d’agression. Des mitrailleuses en nombre, servies sous blindage, des systèmes de défense rapprochés anti-personnels et un canon de moyen calibre ou un lance-grenades automatique devraient faire partie de la dotation de tout engin de combat de première ligne. Avec un armement de très gros calibre (130-140 mm), le nombre de munitions embarquées sera réduit à bord des chars, ce qui rendra d’autant plus précieux un solide complément de puissance de feu qu’il faudra choisir judicieusement. La mise au point de lasers de puissance devrait permettre d’intégrer d’emblée de nouvelles capacités comme la destruction des drones, le brouillage des conduites de tir ou la lutte contre les IED. Les lasers vont modifier notre évaluation de la menace car l’adversaire ne sera pas le dernier à en faire un large usage et cela pourrait fortement contrarier nos dispositifs de reconnaissance et d’observation, rapidement aveuglés. 

Pour une mobilité véritablement tous terrains 

Dans les wargames et autre simulateurs tactiques, tout roule. On déplace les petits pions sans difficulté particulière et on se concentre sur les feux, les flux logistiques, les échanges d’ordre, la coordination air-sol et l’application de tactiques inter-armes. La transposition de la manoeuvre sur le terrain réel se passe rarement comme l’a prévu le Kriegspiel et l’on constate que sur le sol européen en particulier, les blindés rencontrent de vraies difficultés à opérer sur certains terrains. Sous nos yeux ébahis, les images de véhicules russes embourbés jusqu’à la mi-caisse dans la boue de la raspoutitsa démontrent que le facteur terrain a été sous-estimé, pour ne pas dire négligé. Les exercices de renforcement dans les pays baltes, en hiver, ont mis en lumière l’incapacité de certains types de trains de roulement à procurer la mobilité tactique requise pour une manoeuvre victorieuse. Le cas français est particulier. S’étant débarrassé des chenilles comme on se débarrasse d’un fardeau dans les années 90, l’armée de Terre s’est vu confortée dans ses choix radicaux pendant trente ans d’opex sur des terrains très adaptés aux roues, face à des ennemis extrêmement particuliers, et dans un confort opératif absolu (pas de menace aérienne, pas d’artillerie adverse, logistique fluide, pas de communications contrariées). D’une vraie mobilité tactique exigée par la perspective d’une guerre en centre Europe entre 1950 et 1990, nous sommes passés à une « mobilité de patrouille » sur pistes et routes des années 90 à aujourd’hui. Cette mue n’est pas sans conséquence aujourd’hui alors que nos principaux alliés dans l’Otan n’ont jamais lâché les trains de roulement chenillés, ce qui fait de l’armée de Terre une exception. Le chantier de réhabilitation 

de la chenille devra d’abord passer par une autorisation d’en parler tant la pénétration des esprits a banni le sujet. La phase suivante consistera à rétablir certaines vérités sur les performances véritables des chenilles modernes en termes de masse, durée de vie, MCO, compacité et capacités de roulage/franchissement. Seuls rescapés après l’invasion des engins à roues (630 VBCI, 1872 Griffon, 300 Jaguar, 978 Serval), les 220 Leclerc/DCL et les 53 BV10S-VHM ne représentent que 7% du parc futur de l’armée de Terre, ou moins de 6% si l’on inclut les 800 VBL UltimaL’auteur n’a pas inclus les PVP, ni les micro-parcs (VBHP, Buffalo, SPRAT, etc.), ni l’artillerie.  à venir. A périmètre égal, ce ratio est supérieur à 20% dans toutes les autres armées occidentales. Le salutaire rééquilibrage de la flotte de blindés passera par des choix tranchés pour les programmes préparés par la démarche Titan ou pour la suite de Scorpion. Il y va de la crédibilité de l’offre stratégique terrestre française auprès de nos alliés à un moment où la notion de puissance terrestre revient dans le débat. Cela passera immanquablement par la construction d’une stratégie « plateformes futures » qui replace la haute mobilité tactique en terrain difficile au centre des performances systèmes. Un premier test sera le choix des solutions de mobilité pour le Sol-Air Basse Couche qui doit aussi accompagner les Leclerc et les VCBI des brigades de décision. Les solutions de facilité à base de Griffon ou de Serval n’ont pas leur place. Le futur Engin du Génie de Combat sera le second test. 

Des moteurs thermiques et du carburant 

Si le choix du train de roulement est un choix de premier ordre en matière de mobilité, le choix du mode de propulsion arrive juste derrière. Un certain modernismeLe modernisme est un courant de pensée et non une science. , soutenu par la tendance louable au verdissement de toutes les activités humaines, tente de transposer aux problématiques militaires des solutions civiles. On évoque les transmissions hybrides, l’électrification des chaînes cinématiques ou les batteries à l’hydrogène. Si ces technologies sont en cours de développement pour des transports en milieu structuré et prennent peu à peu la place de moyens dits carbonés, leur application au domaine de défense, qui par essence, évolue en milieu non structuré, est plus compliqué. On ne sait pas faire un char électrique et on ne sait pas amener une grosse source électrique au milieu de nulle part. Le SEO est donc condamné à acheminer du carburant, en clair une matière combustible brûlée dans un moteur thermique. Ces carburants peuvent cependant être d’origines diverses : issus du pétrole (essence, kérozène, gasoil), issus de l’agriculture (alcool, diester) ou de l’économie circulaire (traitement des huiles de cuisson ou de vidange, transformation des graisses animales issues des abattoirs). Les promesses de l’hybridation devront être vérifiées avec grand soin et la DGA a lancé des initiatives à ce sujet. Si l’on prend l’exemple de la réduction des consommations, il n’est pas nécessaire d’entrer dans des calculs complexes pour savoir qu’un char de 70 tonnes à transmission hybride consommera toujours plus qu’un char de 45 tonnes non hybride. Au premier rang, la masse des plateformes est le déterminant dominant, l’hybridation n’intervient qu’en deuxième ordre. Encore faut-il que le profil de mobilité s’y prête. A bord d’un système de transport public dont le parcours est une succession de décélérations/freinages et d’accélérations, la récupération d’énergie, qui est à la base de l’efficacité énergétique des transmissions hybrides, est régulière et prévisible, donc programmable. A bord d’un char en tous terrains, le profil de mobilité est totalement erratique. En ce qui concerne la mobilité dite silencieuse, sur batteries et moteur thermique éteint, il faudra juger de son réel intérêt pour des machines imposantes qui génèrent d’autres bruits parasites. Elle peut néanmoins s’entendre pour des petits véhicules de reconnaissance furtifs. Quant à la fonction « boost » ou supplément de couple à l’accélération, elle peut être réalisée d’autres façons. Et il faudra frotter tout cela à l’aune du MCO et de la gestion de la complexité à un moment où il faut cher-cher à simplifier. 

Les conséquences du maintien de l’emploi de moteurs thermiques devront être très soigneusement planifiées par l’Etat car le désinvestissement massif qui s’opère dans l’industrie civile des transports (camions, engins spéciaux, voitures) va progressivement supprimer toute infrastructure de MCO à moyen terme. Qui peut garantir qu’un Griffon aujourd’hui propulsé par un moteur de camion et qui sort de chaîne en 2032 verra son MCO assuré en 2045 quand le fournisseur actuel de moteurs aura converti toutes ses usines pour fabriquer des batteries et des moteurs électriques. Ceci plaide sans doute pour la construction d’une structure étatique responsable du MCO des moteurs thermiques militaires. Cela concerne d’ailleurs l’inter-armées, la Marine Nationale étant logée à la même enseigne, avec un point de vigilance sur les diesels à bord des sous-marins nucléaires de la FOST et de la FAN. L’application sans discernement de normes et réglementations civiles au domaine militaire peut conduire à des sur-spécifications coûteusesEn Allemagne, le cas emblématique du VCI Puma est dans tous les esprits avec l’application de 117 normes civiles qui a conduit à des acrobaties techniques coûteuses et peu pertinentes, et surtout à des surcoûts et des défauts de fiabilité.  au mieux, et à des impasses au pire. Nos ennemis potentiels ne se créent pas ces embarras. 

Avec le programme Scorpion en cours, l‘armée de Terre est à peine au milieu du gué dans sa quête capacitaire. Elle doit rapidement entamer la construction d’une stratégie « plateformes/systèmes d’armes » et viser des mises en service avancées par rapport au calendrier Scorpion phase 2/Titan aujourd’hui connu. 2040 n’intéresse personne. 

 

 

Crédit image : Angelatriks/Shutterstock.com

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