Au-delà du gaz et des armes : atouts et faiblesses du commerce entre la Russie et le Moyen-Orient

Igor Delanoë est directeur-adjoint de l'Observatoire franco-russe de la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe.

La crise syrienne a mis en lumière l’intérêt renouvelé de la Russie pour le Moyen-Orient. Principalement guidé par des considérations d’ordre géopolitique et sécuritaire, le retour opéré par Moscou sur la scène moyen-orientale présente néanmoins aussi un volet économique et commercial qui ne se limite pas aux seules ventes d’armements et aux contrats énergétiques. Les pays du Moyen-Orient ont vu au cours des vingt-cinq dernières années la Russie réinvestir modestement, patiemment et progressivement leur scène économique. Moscou a dû apprendre depuis 1991 à envisager la région à travers le prisme du « business » – ce qui n’était pas dans les habitudes soviétiques – et s’y est retrouvée en concurrence avec des acteurs économiques européens, américains et asiatiques implantés de longue date. Aujourd’hui, la Russie entreprend de consolider son empreinte économique sur la scène moyen-orientale et cherche à attirer des investissements en provenance de cette région. L’activité économique russe au Moyen-Orient reste à l’heure actuelle soutenue par les fleurons des secteurs énergétique (gaz, pétrole et depuis un temps récent, nucléaire civil) et de l’armement. Moscou souhaiterait toutefois dépasser ce rôle de fournisseur de matières premières et d’équipements militaires. À cela, plusieurs raisons. Si la crise économique de 2008 avait déjà envoyé un signal aux décideurs économiques et politiques russes qu’il était temps d’envisager de diversifier les zones d’investissements et les partenariats commerciaux, la crise ukrainienne et la dégradation durable des relations entre la Russie et la communauté euro-atlantique ont catalysé l’intérêt porté par la Russie pour le Moyen-Orient. Vu de Moscou, dans le contexte des sanctions occidentales et contre-sanctions russes au lendemain de la crise ukrainienne, la région est considérée comme un débouché pour son commerce extérieur en même temps qu’une zone de diversification pour les importations. Frappée par les sanctions occidentales depuis la crise ukrainienne, affectée par une crise économique – qui semble toutefois se résorber depuis le début de l’année 2017 – et pénalisée par un prix du baril qui a lourdement chuté depuis bientôt deux ans, la Russie souhaite par ailleurs promouvoir une image « d’eldorado » pour des investisseurs moyen-orientaux. L’approche déployée par Moscou dans les affaires avec le Moyen-Orient s’articule autour de projets nouveaux et ambitieux envisagés avec l’Égypte et l’Iran, tandis que le Kremlin poursuit son délicat travail de dépolitisation de l’agenda économique qu’il entretient avec les pétromonarchies arabes du Golfe. Dans les affaires comme en diplomatie, la grille de lecture qui prédomine à Moscou demeure celle de la Realpolitik

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