Contributions des armées françaises à la réponse à l’épidémie Covid-19

Introduction

Cette note a été finalisée le lundi 14 avril 2020

Lors des dernières crises expérimentées par la France sur son territoire national, des person­nels militaires ont presque systématiquement été mis à contributionTempête du 26 décembre 1999, explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, pluies diluviennes en septembre 2002 dans la région nîmoise, crue du Rhône en aval de Lyon en décembre 2003, épidémie de chikungunya sur l'île de la Réunion en 2005 et 2006, tornade dans le Nord de la France (Haumont) en 2008, inondations dans le Var en 2014, attentats de novembre 2015, ouragan Irma dans les Antilles en 2017... Certaines missions sont même devenues récurrentes. Tous les ans, des militaires, notamment de l’Armée de terre, participent à la mission Hephaïstos de prévention des feux de forêts.. Ces épisodes ont été de natures très diverses (catastrophes naturelles, incidents industriels, actes terroristes…). Le ministère des Armées s’est ainsi mobilisé, parfois même en devançant les deman­des des autres services de l’État. Son implication a pris des formes différentes : mise à disposition de moyens, matériels et humains, au profit des gestionnaires de crise, production d’expertise, activités logistiques, accueil de matériels et personnels d’autres ministères sur ses emprises... Dans certaines situations, cet apport a aussi concerné des situations extrêmes à l’extérieur du territoire national (pour des missions d’évaluation, de transport de maté­riels et produits de première nécessité, de participation à l’offre de soins, d’éva­cuation…)Par exemple, en réponse au séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, différents moyens militaires ont été mobilisés. Ces capacités ont été engagées lors de la phase d’urgence (13 janvier – 20 février), puis la période de reconstruction (14 mars – 30 septembre)..

Trois éléments expliquent que l’aide des personnels militaires soit, en période de crise, particulièrement précieuse : les armées et services du ministère sont parfois les seuls (ou presque) à disposer de certains équipements et compétences ; le Statut général des militaires impose une sujétion en tout temps et en tout lieu des personnels, particulièrement utile lors des périodes critiques ; et surtout les soldats sont pour la plupart des individus habitués et préparés à agir en situation extrême. Les structures militaires disposent notamment de méthodologies de planification et de chaînes de commandement développées pour répondre à des configurations risquées, changeantes et dont l’évolution est incertaine. Les différents plans de gestion de crise adoptés dans notre pays prévoient ainsi la possibilité de mettre à disposition personnels et matériels. Ils ont été traduits dans les contrats opérationnels du ministère.

Les armées sont d’ailleurs souvent considérées, par les populations, les experts de la gestion de crise et le personnel politique, comme un recours évident et ultime en cas de situation extrême. La participation des militaires est tout à fait logique. Les crises d’ampleur sont tou­jours caractérisées par une augmentation exponentielle des besoins des populations, alors même que les capacités des organismes en première ligne sont souvent en diminutionDu fait que leurs personnels peuvent être parmi les victimes de la crise et/ou que ces services soient désor­ganisés par la situation problématique.. Dès lors, tous les services de l’État, et même des collectivités territoriales, doivent être mobilisés. Ainsi, « [l]a population ne comprendrait pas que l’outil militaire ne soit pas utile à l’intérieur de ses frontières ». Il faut donc que les armées soient « “duales” – tout autant capables d’actions à l’extérieur que d’interventions directes au profit de la population »Charlier (M.-D.), « La protection du territoire national par l’armée de Terre. Fondements, limites et perspectives », Focus stratégique, IFRI, n° 18, novembre 2009, p. 14..

Ces dernières années, l’ampleur de la participation des armées à la prévention des actes ter­roristes a suscité une réécriture partielle des normes qui encadrent l’action des unités mili­taires sur le territoire nationalVoir notamment Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, Instruction interministérielle relative à l’engagement des armées sur le territoire national lorsqu’elles interviennent sur réquisition de l’autorité civile, n° 10100/SGDSN/PSE/PSN/NP du 14 novembre 2017.. Le lancement de l’opération Sentinelle, à la suite des attaques de janvier 2015, avait en effet obligé les autorités à s’interroger sur les modes d’action et le régime juridique de ces missions, notamment sur les prérogatives des personnels qui y participentAssemblée nationale, Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission de la défense nationale et des forces armées en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national, présenté par MM. Olivier Audibert Troin et Christophe Léonard, n° 3864, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juin 2016.. Cette réécriture n’a toutefois pas porté sur un certain nombre de principes appliqués à la participation des forces armées aux opérations sur le territoire national, en particulier de sécurité civile, qui prévalent depuis maintenant de nombreuses années.

L’objectif de cette note est donc de présenter les actions menées actuellement par les différentes composantes du ministère des Armées dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, en les replaçant dans leur cadre juridique, organisationnel et opérationnel. Cette analyse tentera également d’évaluer l’impact que ces actions pourraient avoir sur les autres missions des armées. Ce faisant, elle permettra de comprendre les limites à l’engagement des unités militaires sur le territoire intérieur.    

 

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