Recherches & Documents

L’engagement accru de la Russie en Indopacifique

Recherches & Documents n°04/2025
Isabelle Facon
21 mars 2025

Introduction
Document clos le 20 janvier 2025.

On a observé, en 2024, une forte activité diplomatique à haut niveau de la Russie dans l’Indopacifique. Au printemps, Vladimir Poutine s’est rendu en Chine, en Corée du Nord et au Vietnam. En juillet, il recevait à Moscou Narendra Modi. Parmi les enseignements de la guerre en Ukraine figure le constat que beaucoup de pays asiatiques, tout en condamnant l’agression de la Russie et ses atteintes à l’intégrité territoriale de son voisin, n’ont pas souhaité suivre les pays occidentaux sur les sanctions et la stratégie d’isolement de Moscou

La RAND Corporation note que la moitié des pays d’Asie du Sud-Est, la plupart de ceux d’Asie du Sud et pratiquement toutes les îles du Pacifique n’ont pas participé à la conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine en Suisse (juin 2024). De plus, les pays asiatiques représentés n’ont pas tous signé la déclaration conjointe – l’Inde, par exemple, ou encore le Vietnam. Ces deux derniers pays, de longue date considérés comme des points d’appui clefs de la stratégie asiatique de la Russie, se sont systématiquement abstenus lors des votes à l’ONU sur la guerre en Ukraine (Derek Grossman, « Russia Is a Strategic Spoiler in the Indo-Pacific », RAND Commentary, 12 juillet 2024).
. L’Indopacifique est aussi l’un des espaces où prend corps l’image d’un axe anti-occidental vindicatif – avec la densification continue des relations, y compris militaires, entre la Russie et la Chine
Isabelle Facon, « La coopération militaire et de sécurité sino-russe. Des accents plus stratégiques », Annuaire français de relations internationales, Université Panthéon-Assas / Centre Thucydide, 2024, pp. 435-448. 
ou encore la signature, en juin 2024, d’un pacte de défense avec la Corée du Nord.

Ces circonstances invitent à s’intéresser au rôle de Moscou en Indopacifique alors que la guerre en Ukraine renouvelle les termes du rééquilibrage de sa politique étrangère en faveur d’une présence accrue en Asie. Ce rééquilibrage qu’elle a engagé il y a plus d’une décennie est rendu encore plus indispensable par l’effet destructeur de son attaque contre l’Ukraine sur ses relations politiques et économiques avec les pays occidentaux. Cela appelle à une vigilance particulière quant aux moyens qu’elle pourrait déployer pour minimiser l’empreinte de ces derniers en Indopacifique – empreinte qu’elle juge contraire à ses propres intérêts régionaux.