La "mue" de la politique spatiale allemande : organisation et trajectoire d’une affirmation nationale

Introduction

Mise en orbite de satellites gouvernementaux par un lanceur américain privé, développement d’un système optique d’observation, montée en puissance d’une entreprise familiale au détriment d’un groupe franco-allemand, annonce d’un programme spatial bavarois : autant de sujets de controverses, de querelles et de motifs d’étonnement qui ont traversé l’histoire de la coopération franco-allemande spatiale des deux dernières décennies. Ces événements ont soulevé deux questions majeures : répondent-ils à une stratégie nationale concertée ? Plus généralement, sont-ils la manifestation d’une évolution plus vaste de la politique spatiale allemande ? Les choix opérés interrogent les modalités de la prise de décision, c’est-à-dire le jeu des gouvernants et industriels, leurs ambitions et leurs ressources.

Or, tenter de comprendre le profil de l’Allemagne et ses mutations reste fondamental pour quiconque s'intéresse à l'Europe. L'actualité politique, marquée par les annonces de la mise en œuvre du traité d’Aix-la-ChapelleDans la continuité de la déclaration franco-allemande de Meseberg, le domaine spatial figure parmi les quinze projets retenus pour la mise en œuvre du traité d’Aix-la-Chapelle, conclu en janvier dernier, à l’occasion du 56ème anniversaire du traité de l’Élysée. et, au-delà, par un appel à renforcer la capacité d’action franco-allemande, y incite aussi.

Cette note souhaite contribuer à une telle démarche en décryptant la construction de la politique spatiale allemande. L’objectif est triple. Il s’agit, en premier lieu, de saisir l’évolution, dans ce domaine, de l’action publique allemande, prise dans les logiques du fédéralisme, de l’européanisation et d’une situation internationale en perpétuel mouvement. En corrélation, le travail vise également à comprendre la perception qu’a l’Allemagne (État et société) des enjeux relatifs à l’espace auxquels elle est confrontée et les réponses qu’elle y apporte. Indirectement, l’analyse doit permettre de mettre en perspective les discussions bilatérales ainsi que les négociations européennes actuelles.Que ce soit les discussions sur la Stratégie spatiale de l’Union européenne (UE) ou la préparation de la prochaine session du Conseil de l’Agence spatiale européenne (ESA) au niveau ministériel (novembre 2019, Séville).

Etudier la politique spatiale de l’Allemagne implique dès lors de dépasser l’exégèse des documents officiels et de ne pas céder à la tentation d’une réification du collectif (étatique et industriel) allemand. Au contraire, l’enjeu est de traquer la cohérence des phénomènes en remettant en question, à tout le moins le temps de la recherche, l’unicité des positions des parties prenantes pour mieux apprécier le degré d’intrication de leurs logiques d’action respectives.

Dans cette optique, la note s’attachera plus particulièrement à identifier les acteurs étatiques (I) et industriels (II), puis à analyser le produit politique de leurs interactions (III). Elle s’appuie, pour large partie, sur les données recueillies lors d’entretiens semi-directifs conduits en janvier 2019 auprès d’une dizaine d’acteurs allemands des champs politique, scientifique, administratif et industriel.

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