Protéger, contrôler et façonner : la stratégie sécuritaire de la Chine dans le Mékong

Résumé

La posture sécuritaire de la RPC dans la région du Mékong suit une triple logique.

Premièrement, il s’agit de protéger les intérêts chinois. À mesure que la présence chinoise s’est étendue dans la zone, y compris sur des projets stratégiques comme l’oléoduc sino-birman, le chemin de fer sino-laotien ou la zone économique spéciale de Sihanoukville, la Chine s’est exposée en proportion à la criminalité transnationale rampante. En réponse, la Chine a cherché à renforcer les capacités en matière d’application de la loi des pays de la zone – en première ligne dans la protection des biens et ressortissants chinois – tout en approfondissant son engagement selon une approche multiniveaux, et en encourageant le recours aux entreprises privées chinoises.

Deuxièmement, la RPC a cherché à étendre ses pouvoirs extraterritoriaux dans la zone. Pour cela, le régime chinois a redoublé d’efforts pour externaliser ses campagnes sécuritaires internes, dont la lutte contre la corruption et la cybercriminalité. Il s’est également appuyé sur sa vaste diaspora pour nouer des liens avec les autorités locales et étendre son contrôle sur ses ressortissants.

Troisièmement, l’engagement de Pékin s’inscrit dans des ambitions plus larges qui visent à diffuser un langage de sécurité commun « aux caractéristiques chinoises ». Ce processus repose tant sur un alignement en matière de sécurité politique et de lutte contre la corruption que sur une multiplication des exportations de technologies de surveillance.

Au-delà de ce triptyque, se pose la question de l’institutionnalisation de la coopération régionale de sécurité sous égide chinoise. Si des avancées considérables ont été effectuées depuis l’attaque mortelle de 13 marins chinois sur le Mékong en octobre 2011 grâce aux patrouilles conjointes puis au lancement du Centre de coopération intégrée d’application de la loi et de sécurité du Lancang-Mékong (LM-LECC), force est de constater que le bilan demeure contrasté. Le niveau de criminalité reste à des niveaux record et les initiatives conduites par la RPC souffrent de déséquilibres internes, d’un manque de bases légales et d’une implication inégale des États de la zone. À ces facteurs s’ajoute l’influence d’autres puissances extérieures comme les États-Unis, qui pèse in fine sur la bonne conduite des manœuvres sécuritaires de la Chine dans le Mékong.

Ces obstacles ne doivent pas pour autant masquer les risques que fait peser l’engagement chinois en matière de sécurité et d’application de la loi dans la zone. Les efforts déployés par Pékin présentent ainsi des risques d’effritement de la souveraineté de certains pays de la zone, notamment permis par une normalisation progressive de la présence policière chinoise sur leur sol, et d’une dépendance forte à la RPC sur des domaines régaliens. De plus, la diffusion des normes et bonnes pratiques chinoises fait courir des risques sur le plan de l’État de droit et de la démocratie, d’autant plus forts que les régimes en place dans la zone sont tous à tendance autoritaire. Enfin, les initiatives multilatérales d’application de la loi et les opérations policières internationales contribuent à amplifier la compétition entre les puissances de la zone. Ces développements appellent une réponse multiple, qui passe notamment par une meilleure compréhension des dynamiques à l’œuvre dans la zone et un engagement réaffirmé en matière de sécurité non traditionnelle basé sur une approche « Mékong » spécifique.

 

Crédit image : Xinhua

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