La Chine et les essais nucléaires de faible intensité : nouvelles questions ?
Observatoire de la dissuasion n°75
Valérie Niquet,
mai 2020
Le 15 avril 2020, le Département d’État a publié le résumé de son rapport annuel au Congrès « Compliance with Arms Control Non Proliferation and Disarmaments Agreements and Commitments »« Executive Summary of the 2020 Adherence to and Compliance with Arms Control, Nonproliferation, and Disarmament Agreements and Commitments (Compliance Report) », Report, Bureau of Arms Control, Verification and Compliance, Département d’État, avril 2020.. Le rapport note, concernant la Chine, « un niveau élevé d’activité sur le site du Lop Nor » et pose la question de possibles essais nucléaires de basse énergie, en contradiction avec le principe « d’interdiction absolue » de toute réaction en chaîne adopté notamment par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni dans leur interprétation du TICE.
La Chine a immédiatement dénoncé les « fausses accusations » du rapport selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Zhao LijianJulian Borger, « China May Have Conducted Low Level Nuclear Test US Claims », The Guardian, 16 avril 2020 et Josh K. Elliot, « China Denies Holding Secret Nuclear Weapon Tests Underground », Global News, 16 avril 2020. Zhao Lijian a multiplié les déclarations accusant des militaires américains d’être à l’origine du virus de Wuhan..
Alors que ni les États-Unis ni la Chine n’ont ratifié le TICE et que celui-ci n’est pas entré en vigueur, des experts occidentaux soulignent que la notion de low yield ou zero-yield n’est pas inscrite dans les termes du TICE. Il n’y aurait donc pas de rupture de « conformité »Brad Glosserman, « It’s Time for Nuclear Talks with China », Japan Times, 22 avril 2020 et Rebecca Hersman, « Decoding the latest US Report on Arms Control: Are Russia and China Really Cheating? », CSIS, 17 avril 2020.. Par ailleurs, les signaux pourraient être ceux d’un essai « sous-critique », sans réaction en chaîne, autorisé par le TICEJeffrey Lewis, @armscontrolwonk, 16 avril 2020.. On rappelle également que le rapport 2019, focalisé sur la Russie, était très « politisé » et manquait d’objectivité. L’Administration Trump utiliserait ces accusations pour dénoncer la signature américaine du TICE comme elle a dénoncé le traité FNIBrad Glosserman, op. cit..
Dans un environnement que Pékin analyse comme celui d’une compétition nucléaire accrue avec les États-Unis dans un contexte stratégique dégradé, la question du développement des capacités nucléaires de la Chine – et notamment celle des armes tactiques – est toutefois poséeJeffrey Lewis, op. cit. ; Li Bin, « The Revival of Nuclear Competition in an Altered Geopolitical Context: a Chinese Perspective », Daedalus, vol.149, n°2, 23 mars 2020.. Par ailleurs, la Chine continue de s’opposer avec force à toute participation à des négociations de contrôle des armements intermédiaires, nucléaires ou conventionnels, souhaitées par les États-Unis. « China has no intention to participate in such negotiations and will not be made part of it » selon les déclarations de Li Song, Ambassadeur pour les questions de désarmementLi Jiayao, « Chinese envoy deeply regrets, firmly opposes U.S. withdrawal from INF Treaty », Xinhuanet, 7 août 2018..
La Chine a accéléré et développé son programme de simulation, procédant à une moyenne de cinq expériences par mois de 2014 à 2017 selon un rapport de la China Academy of Engineering PhysicsStephen Chen, « China Steps Up Pace in New Nuclear Arms Race with US and Russia as Experts Warn of Raising Risk of Conflict », South China Morning Post, 28 mai 2018.. Les simulations ont lieu dans des tunnels, sous les monts Mianyang, au Sichuan. L’objectif est de produire des armes tactiques « plus petites et plus précises » pour répondre aux capacités développées aux États-Unis d’armes de précision. Selon le rapport, la Chine a considérablement amélioré la technologie nécessaire à des simulations répétéesIdem. Selon l’article, la Chine utilise un Multistage gas-gun with a high quality graded impactor..
Toutefois, un article publié en 2013 par la State Administration of Science, Technology and Industry for National Defense (SASTIND) soulignait que, si les simulations sont essentielles pour comprendre la « performance » d’une arme nucléaire et constituent la méthode la plus utilisée pour des raisons de coût et de faisabilité, elles ne pouvaient totalement se substituer aux essais nucléaires国家国防科技工业局, 核爆校产模拟(Simulation des explosions nucléaires), State Administration of Science, Technology and Industry for National Defense, 26 septembre 2013.. Cette analyse pourrait donner plus de poids aux accusations contenues dans le rapport 2020 du Département d’État.