Nuclear risk reduction: How could the EU contribute?
Observatoire de la dissuasion n°75
mai 2020
Publié en mars 2020, ce papier propose des mesures que l’Union Européenne (UE) pourrait prendre afin de contribuer à la réduction du risque nucléaire. L’auteur, Sico Van Meer, est chercheur associé à l’Institut Clingendael (Institut néerlandais des relations internationales). Il explique que l’intensification des tensions géopolitiques provoque un renouvellement de la course aux armements et une baisse de confiance dans le multilatéralisme qui rendent le désarmement impossible. Dans ce contexte, la réduction du risque nucléaire apparaît, selon lui, comme un compromis intéressant permettant de continuer à prendre des mesures concrètes allant dans le sens du désarmement, tout en évitant le débat sensible et polarisé de la valeur politico-militaire des armes nucléaires. L’auteur définit le risque nucléaire ou le risque stratégique comme le risque d’utilisation, accidentelle ou volontaire, des armes nucléaires.
Avant de présenter ses propositions de mesures, l’auteur rappelle que l’UE ne compte plus qu’un seul État doté d’armes nucléaires parmi ses membres et donc ne peut contribuer à la prise directe de mesures de réduction du risque nucléaire que de manière limitée. Mais grâce à ses bonnes relations diplomatiques avec presque tous les États dotés et sa participation active au processus d’examen du TNP, elle peut jouer un rôle indirect très important. Même sans sortir de son cercle intérieur, l’UE peut agir en faisant la promotion de toute initiative unilatérale de réduction du risque nucléaire prise par ses États membres ainsi qu’en encourageant la France à jouer un rôle de leader en la matière.
Sico Van Meer présente ensuite ses propositions de mesures de manière plus précise, en les classant dans différentes catégories. Il propose tout d’abord que l’UE prenne des mesures en matière de politique déclaratoire. Bien que presque purement symboliques, il estime que les déclarations d’intention émanant du plus haut échelon de l’exécutif des États contribuent à maintenir un seuil élevé d’utilisation des armes nucléaires.
L’auteur met ensuite en avant une autre catégorie de potentielles mesures qui viseraient à améliorer la communication et la coopération entre les États dotés afin de garantir une bonne gestion des crises et d’éviter toute action fondée sur un malentendu ou une fausse information. Il s’agirait par exemple de garantir des canaux de communication clairs et dénués d’ambiguïté, et d’intensifier le partage d’information concernant de potentielles crises et risques d’escalade de tensions. À cela s’ajouteraient notamment des mesures complémentaires et indispensables de transparence. À cet égard, l’auteur imagine, par exemple, de renforcer les systèmes de notification avant tout lancement de missiles qui pourraient être confondus avec des missiles nucléaires ainsi qu’une amélioration des échanges concernant les exercices militaires.
L’article propose ensuite une troisième catégorie de mesures concernant la procédure d’utilisation des armes nucléaires. Plus opérationnelles, de telles mesures permettraient non seulement de réduire le risque d’utilisation involontaire mais aussi de donner aux décideurs plus de temps de délibération. L’auteur propose tout d’abord de bien séparer les systèmes de commandement et de contrôle nucléaires (C2) et conventionnels dont l’entremêlement rend le C2 nucléaire d’autant plus vulnérable à une cyberattaque. Il pense également que l’UE pourrait encourager les États dotés d’armes nucléaires à annuler les postures de lancement sur alerte de leurs armes et à ne pas les cibler de manière fixe et a priori sur des zones densément peuplées. Toujours dans le but d’augmenter le temps de délibération des décideurs, il propose également, par exemple, de stocker les missiles et leurs ogives séparément ou de mettre en place une directive prévoyant une distance minimale à respecter entre les sous-marins et les côtes adverses, rallongeant ainsi le temps entre le potentiel lancement involontaire d’un tir et son arrivée sur la côte.
Enfin, l’auteur propose que l’UE encourage la prise de mesures limitant le nombre d’armes nucléaires, le nombre de catégories d’armes et leurs rôles. Il s’agirait ainsi de réduire, au niveau des doctrines et du positionnement des États, les circonstances dans lesquelles une arme nucléaire serait utilisée, d’éliminer les catégories d’armes nucléaires qui rendent la frontière entre armes nucléaires et conventionnelles plus floue comme les armes non-stratégiques et de limiter le nombre de lieux de stockage et/ou de déploiement des armes nucléaires.
Pour conclure, l’auteur précise qu’au vu du contexte géopolitique actuel, l’action de l’UE devrait se centrer sur des échanges informels ou des déclarations unilatérales, bilatérales ou plurilatérales, plutôt que chercher à élaborer des accords ou traités multilatéraux formels.