Point d’étape sur le bombardier stratégique américain B 21 Raider
Observatoire de la dissuasion n°110
Emmanuelle Maitre,
juillet 2023
Le nouveau bombardier stratégique américain, B‑21 Raider, continue d’être au cœur des efforts de recapitalisation de la Triade. Les propositions budgétaires de l’administration Biden pour l’année fiscale 2024 prévoient plus de 2.745 milliards d’investissements en R&D pour le bombardier. L’Air Force ouvre également une nouvelle ligne budgétaire en R&D qui concerne la modernisation du B‑21. Certains ont pu s’étonner qu’un appareil pas encore en service requiert déjà un programme de modernisation, mais l’Air Force a laissé entendre qu’il s’agissait d’une ligne permettant en particulier l’intégration du futur missile de croisière LRSO au porteurWilliam Hennigan, « Exclusive: The Making of the U.S. Military's New Stealth Bomber », Time, 3 décembre 2022.. La certification nucléaire de l’appareil est prévue au moins deux ans après la mise en service de l’appareil.
244 millions sont également budgétés pour 2024 en matière de construction militaire, et 2.325 milliards en matière d’acquisition. Étant donné que le programme fait l’objet d’une classification particulière, il n’est pas possible de suivre dans le détail les justifications budgétaires produites par l’administration, ni de connaître les explications derrière la réduction du budget du B‑21 opérée par exemple par le Congrès pour l’année fiscale 2023Réduction de 110 millions sur le budget de R&D par rapport aux demandes du Pentagone pour l’année fiscale 2023 et de 97 millions pour l’année fiscale 2022.. L’avionneur en charge du programme a indiqué que les coûts seraient sans doute inférieurs aux prédictions de l’Air Force visant une facture d’environ 25 milliards pour l’ensemble du programme, une circonstance peu fréquente pour ce genre de programmeAnthony Capaccio, « B-21 Bomber Delivers Pentagon Surprise: It’s Under Budget So Far », Bloomberg, 17 juin 2022..
Pour rappel, le Raider, qui rend hommage par son nom à un raid aérien conduit en août 1942 par le lieutenant-colonel Jimmy Doolittle, est un projet confié à un consortium mené par Northrop GrummanMike Martin, « The B-21 has a name: Raider », Air Force Public Affairs, 19 septembre 2016.. Le Raider est notamment construit en Californie, dans le désert du Mojave, sur le site de l’Air Force 42. Mais le programme dépend de l’implication de dizaines d’autres sites, réparties dans 40 États et employant environ 8 000 personnes.
L’acquisition de 100 avions au moins est prévue, avec un coût unitaire estimé autour de 692 millions de dollarsWilliam Hennigan, op. cit.. Un rapport de l’influent Mitchell Institute for Aerospace Studies a suggéré en 2023 de doubler le volume d’avions envisagés afin de compenser la montée en puissance chinoiseAudrey Decker, « Air Force Should Double Its B-21 Purchase Plans, Think Tank Says », Defense One, 16 mars 2023.. Le 2 décembre 2022, une cérémonie officielle, ouverte par le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, a permis d’inaugurer le programme devant 3 000 invités. Le premier vol du Raider était prévu pour l’année 2023, mais il est très possible que le calendrier glisse de quelques mois« US Air Force expects delay in first flight of B-21 stealth bomber », Bloomberg, 16 mars 2023..
Le B‑21 a été conçu pour assurer sa furtivité. L’objectif est de réduire la signature acoustique et infrarouge, en particulier en volant à des vitesses subsoniques et d’utiliser des moteurs embarqués dans les ailes. Les matériaux utilisés pour le revêtement font l’objet d’une attention particulière, dans le but d’absorber les ondes radar. Grâce aux progrès technologiques effectués dans ce domaine, le B‑21 parviendrait à être plus furtif encore que le B‑2. Le programme s’appuie sur le retour d’expérience acquis du B‑2, en essayant d’éviter de reconduire les erreurs ayant fait de cet appareil un porteur très coûteux et fragile. Ainsi, le B‑2 ne pouvait être stationné que dans des hangars à température contrôlée, la maintenance était extrêmement complexe et nécessitait de retirer le revêtement extérieur, et surtout très longue avec des mois d’immobilisation après chaque vol. Le B‑21 se veut beaucoup plus résilient et opérationnel, pouvant être stationné à l’extérieur et est conçu avec des trappes d’accès pour faciliter la maintenance. Le ratio heures de vol/maintenance se veut donc considérablement réduitWilliam Hennigan, op. cit..