Undersea nuclear forces: Survivability of Chinese, Russian, and US SSBNs
Observatoire de la dissuasion n°128
mars 2025
Tom Stefanick, chercheur non-résident à la Brookings Institution et spécialiste des technologies navales et sous-marines, a récemment publié une analyse sur la résilience des SNLE américains, chinois et russes au vu des innovations technologiques récentesTom A. Stefanick, « Undersea nuclear forces: Survivability of Chinse, Russian, and US SSBNs », Journal of Strategic Studies, février 2025.. Ce travail, dense, constate que les problématiques sont différentes pour les trois pays, en raison de perfectionnements technologiques différents mais également de leurs situations géographiques variées. Ainsi, les sous-marins américains peuvent facilement se diluer dans l’immensité de l’Atlantique et du Pacifique, alors que les sous-marins chinois sont plus contraints en Arctique et dans le Pacifique, en raison notamment de voisinages non amicaux pouvant favoriser la surveillance de leurs bâtiments. Les deux pays patrouillent donc plus près de leurs côtes, permettant ainsi à leurs SNA et autres navires de surface d’empêcher le déploiement par Washington de moyens de lutte anti-sous-marine à proximité des SNLE. Cette stratégie a pris le nom de bastion pendant la Guerre froide. Malgré les potentielles velléités de rendre les océans « transparents » en faisant usage de technologies avancées, l’auteur estime que la capacité de riposte en second en mer des trois États restera solide dans les deux décennies qui s’ouvrent.
Premièrement, les outils de détection physiques combinés aux algorithmes d’analyse risquent de demeurer vulnérables aux efforts de dissimulation et aux leurres des pays déployant les SNLE. De plus, leur utilisation dans un espace aussi vaste que l’océan est difficile, que ce soit pour les outils de détection acoustique, électrique, magnétique ou hydrodynamique. En effet, les trois pays modernisent constamment leurs SNLE pour assurer leur discrétion et la détection nécessite en général d’être très proche de l’objet recherché. Concernant la surveillance spatiale, notamment, les moyens à mobiliser pour repérer des sous-marins immergés existent mais seraient considérables tout en laissant subsister un grand risque d’erreur et de brouillage.
Deuxièmement, il semble que ces nouvelles technologies puissent être utilisées à moindre coût et plus efficacement par les États cherchant à protéger leurs forces de SNLE que par ceux qui souhaitent les localiser. Ainsi, selon l’auteur, les SNA cherchant à défendre un SNLE contre une poursuite adverse auront toujours l’avantage sur les SNA poursuivant dans les deux décennies qui viennent, en raison de niveaux de discrétion, d’autonomie et de vitesse comparables. Dans le cadre d’un bastion en particulier, la maîtrise des airs et des eaux environnantes semble pouvoir empêcher les manœuvres anti-sous-marines adverses. De plus, des leurres peuvent être implantés relativement simplement, comme le drone sous-marin russe Surrogate conçu à cette fin, et des capteurs déposés sur de vastes zones, une technique probablement déjà opérée en Russie ou en Chine. T. Stefanick donne également l’exemple du développement de drones sous-marins ou de mines anti-sous-marines chinois qui semblent être conçus pour détecter l’intrusion de bâtiments hostiles dans les eaux qui lui sont stratégiques, c’est-à-dire relativement prêt de ses côtes, ce qui facilite la logistique liée à leur utilisation.
À travers une simulation et l’étude des probabilités de détection, l’expert américain montre le temps important nécessaire à la détection assurée de l’ensemble des SNLE d’un pays opérant dans un bastion en temps de crise. Il en déduit que le seul moyen efficace de rendre vulnérable ces porteurs serait de les suivre en permanence en temps de paix, ce qui représente un investissement considérable, notamment en cas de défense et de leurres mis en œuvre par le camp adverse.


Undersea nuclear forces: Survivability of Chinese, Russian, and US SSBNs
Bulletin n°128, février 2025