Sécurité maritime en Asie : l’impossible indifférence de l’Europe

Alors que Donald Trump inaugure sa présidence, l’espace maritime en Asie est le théâtre de tensions persistantes qui menacent les principes mêmes de la liberté de circulation sur mer. L’exploitation des « zones grises » de conflits et la mobilisation de moyens multiples, diplomatiques, économiques, légaux, militaires et para-militaires, avec la mobilisation d’une véritable milice maritime, par la Chine renforcent les incertitudes.
Dans ce contexte, dominé par la crainte d’un vide stratégique préoccupant, l’Europe ne peut rester indifférente, en dépit de moyens limités, des défis auxquels elle est elle-même confrontée et de l’éloignement géographique. Porteuse de normes et de valeurs, elle doit s’impliquer dans un dialogue et contribuer par ses prises de positions au rééquilibrage des forces dans une zone asiatique dont l’importance stratégique dépasse le cadre régional.

Cette note de la FRS reprend les conclusions du séminaire « Challenges to Maritime Security in Asia and Implications for Europe », organisé à la FRS le 16 décembre 2016.

Alors que Donald Trump inaugure sa présidence, l’Asie, et plus particulièrement l’espace maritime en Asie, est le théâtre de tensions fortes et d’incertitudes majeures. Pour une puissance chinoise à la recherche de nouvelles sources de légitimité, dont toute la stratégie a pour principal objectif le maintien du système politique dans un contexte tendu, l’espace maritime, longtemps négligé, occupe désormais une place majeure, symbolisée par la redécouverte de l’Amiral Zheng He (1371-1433) qui, sous la dynastie des Ming, avait commandé plusieurs expéditions maritimes vers l’Asie du Sud-Est et l’océan Indien Expéditions qui conserveront un caractère exceptionnel et s’achèveront avec la décision du pouvoir chinois de détruire sa flotte de haute mer et ses ports et de fermer l’Empire à tout contact avec l’extérieur. .

Reprenant les principes d’Alfred Mahan, le pouvoir chinois cherche en effet à asseoir la réalisation de son rêve de renaissance sur une puissance maritime étendue, dont la première étape serait le contrôle effectif de la mer de Chine et son corollaire, l’acquisition d’une véritable capacité d’interdiction. Dans ce contexte, la capture d’un drone sous-marin d’observation civil américain par les forces chinoises le 17 décembre 2016, se voulait un signal fort de cette volonté chinoise d’imposer son contrôle dans la région, et le moyen de tester les réactions du Président nouvellement élu.

Entre zones grises et stratégie d’interdiction : une stratégie chinoise difficile à contrer

Pour réaliser ces objectifs, Pékin met en œuvre une stratégie floue, qui rend le calcul de toute riposte particulièrement complexe, entre les risques de l’inaction et ceux du dérapage vers un conflit ouvert. Stratégie d’autant plus complexe qu’elle implique de multiples acteurs régionaux et extrarégionaux.

Exploitant au maximum le champ des « zones grises », qui constitue un sujet majeur de préoccupation pour l’ensemble des pays de la région, entre risques traditionnels et non traditionnels, la Chine mobilise d’une manière coordonnée un ensemble de moyens pour tenter de renforcer ses positions sur le théâtre maritime. Les flottilles de pêche intégrées aux milices maritimes, une flotte de garde-côtes qui est aujourd’hui, en termes numériques, la première au monde avec plus de 200 bâtiments, dont deux supérieurs à 10 000 tonnes, et les forces navales de l’APL, dont le développement constitue une priorité pour Pékin, permettent à la puissance chinoise d’exercer une pression sur les États de la région et leur allié américain.

Cette pression impose un effort considérable à des pays comme le Japon, dont la politique de défense et les efforts budgétaires doivent s’adapter face à ce nouveau type de menace. En 2017, le budget consacré aux forces civiles de garde-côtes, en première ligne face à la Chine en mer de Chine orientale, devrait augmenter de 12 % Pour Tokyo, au-delà des questions budgétaires, l’un des enjeux majeurs est celui du recrutement et de la formation d’un personnel très qualifié pour les unités de garde-côtes. .

Mais au-delà de ces capacités, l’autre risque majeur, en apparence contradictoire, serait celui de la surestimation des capacités chinoises alors que pour Pékin, selon les principes classiques de la stratégie chinoise, la meilleure des victoires est celle qui se remporte « sans combattre » en dissuadant l’adversaire de riposter ou d’attaquer. Pour Tokyo, dans le cadre de l’alliance avec Washington, le risque de surestimation des capacités chinoises serait en effet celui d’un désengagement des États-Unis, pourtant seuls garants en dernier recours de la sécurité et de la stabilité régionale.

La mer de Chine première zone de test et de mise en œuvre des principes de la guerre juridique

En mer de Chine, si les capacités navales réelles de la RPC ne doivent pas être surestimées, la stratégie mise en œuvre par Pékin depuis le début des années 2010 a d’ores et déjà eu des conséquences préoccupantes sur les équilibres stratégiques régionaux. Le remblaiement d’îlots artificiels, la présence constante de bâtiments chinois au statut indéfini, la multiplication des incidents avec l’ensemble des pays riverains multiplient les risques d’incidents dans les domaines maritimes et aériens. Les menaces apparaissent désormais comme de moins en moins floues.

Mais au-delà de revendications territoriales mal étayées, la stratégie de la Chine dans la région a aussi pour objectif de mettre en cause les principes fondamentaux du système international libéral en matière de libre circulation sur mer. Dans un contexte de rivalité de puissances et de modèles, Pékin a l’ambition d’imposer ses propres normes, et son propre système de valeur, sur mer, mais également dans d’autres domaines comme le spatial et le cyberespace.

En mer de Chine, si la RPC déclare ne pas menacer une liberté de circulation, dont son économie est très dépendante, l’objectif semble à terme de conditionner ce principe universel au contrôle de Pékin, devenu maître de son application.

Dans ce contexte, la position de la Chine quant à la mise en œuvre de la Convention des États-Unis sur le droit de la mer (UNCLOS) éclaire la manière dont Pékin se positionne par rapport au système international. Si la RPC a signé et ratifié l’UNCLOS, et ne semble pas prête à s’en retirer, il semble que le respect des règles initialement acceptées dépend en réalité d’un rapport de force toujours mouvant et des intérêts définis par les autorités chinoises elles-mêmes.

Le jugement du tribunal d’arbitrage de la Haye sur la mer de Chine, fondé sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, est ainsi rejeté par les autorités chinoises comme illégitime et intrusif. Par ailleurs, l’absence de mesures d’exécution, contrairement à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), permet à la Chine de s’affranchir de tout respect des décisions.

Les atouts de la Chine

Dans la mise en œuvre de cette stratégie de remise en cause du système international, la Chine dispose d’atouts significatifs. Le développement de ses capacités militaires, démultipliées par l’image de puissance que la Chine projette, et la mesure de ses adversaires qui, des États-Unis au Japon, veulent éviter un conflit ouvert, jouent en sa faveur et ont permis la mise en œuvre d’une stratégie de coercition et du fait accompli dont les conséquences sont évidentes en mer de Chine méridionale. Ceci même si les positions obtenues ou consolidées par la Chine seraient en réalité, en cas de conflit, très difficiles à tenir.

Mais la Chine dispose aussi de la force d’attractivité de sa puissance économique, qui lui permet de mettre en œuvre une stratégie de division qui, de l’Asie du Sud-Est à l’Europe centrale et orientale en passant par l’Asie du Sud a rencontré un succès certain.

Les projets de double route de la soie, maritime et terrestre, et les outils financiers de leur mise en œuvre tels que l’AIIB, font partie intégrante de cette stratégie de séduction, fondée sur la mobilisation de capacités financières conséquentes, au service d’une stratégie d’influence plus large.

Les réactions internationales au jugement de La Haye condamnant clairement les positions chinoises en mer de Chine méridionale, inexistantes ou très modérées, reflètent cette capacité d’influence de la Chine. En Asie du Sud-Est, les États les plus faibles, très dépendants du soutien économique de la RPC, ou politiquement isolés comme la Thaïlande ou aujourd’hui les Philippines, ne peuvent qu’être sensibles aux pressions chinoises, dont l’objectif était d’interdire la publication de tout communiqué commun sur la situation en mer de Chine après le jugement du tribunal d’arbitrage de La Haye.

En Europe, si l’Union européenne a publié un communiqué, après de longues semaines de négociations, les termes en ont été fortement édulcorés à la demande de certains États particulièrement tentés par les projets chinois d’investissements dans le cadre de l’OBOR (One Belt, One Road). Le contraste entre un positionnement très ferme face à la Russie, dont la menace apparaît comme plus immédiate en Europe centrale et orientale, contraste avec une attitude moins exigeante à l’égard de la puissance chinoise. Cette dichotomie dans la perception des menaces alimente une incompréhension certaine entre une Asie de plus en plus préoccupée par les choix stratégiques de Pékin, notamment en mer de Chine, et une Europe moins consciente de la gravité des enjeux.

Mais si la Chine dispose d’atouts significatifs, elle est également confrontée à des limites importantes qui pourraient à terme nuire à sa capacité d’action extérieure.

Outre un fossé technologique persistant en matière de capacités militaires, en particulier dans le domaine naval, le ralentissement préoccupant de l’économie – le taux de croissance n’a pas dépassé 6,7 % en 2016 – pèse sur la capacité d’action et d’influence extérieure de la RPC.

Le risque pour la stratégie chinoise d’influence est donc celui d’une désillusion, entre les attentes considérables que le discours chinois peut susciter, notamment autour des projets de routes de la soie, et les moyens que Pékin est prêt à engager, alors que les mesures visant à contrôler une fuite préoccupante des capitaux ont été renforcées.

La difficile mise en œuvre de contre-stratégies coordonnées

Face aux risques de déstabilisation posés par la stratégie chinoise en Asie, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre, en dépit d’un déficit de coordination entre l’ensemble des acteurs impliqués dans la région et au-delà. En dépit aussi d’une forte asymétrie de puissance et de moyens, ces stratégies passent par l’adoption et la communication de messages clairs et le développement des capacités navales, notamment celles des garde-côtes qui permettent d’éviter les risques de l’escalade militaire face à la puissance chinoise.

Les pays d’Asie du Sud-Est sont aujourd’hui avec le Japon en première ligne face à la Chine et, depuis le début des années 2010, les menaces de plus en plus claires auxquelles l’ensemble de ces pays est confronté ont entraîné une évolution remarquable de leur positionnement face à la RPC et – par voie de conséquence face aux États-Unis.

Longtemps réticents devant toute prise de position affirmée, et attachés au principe de non-ingérence, les pays de l’ASEAN, en dépit des évolutions les plus récentes, notamment aux Philippines où les incertitudes l’emportent depuis l’élection du Président Duterte, sont de plus en plus conscients de la nécessité d’adopter une position claire et – dans la mesure du possible – unie, face aux ambitions chinoises.

Alors que Singapour a longtemps été partisan d’une certaine prudence et préféré le maintien d’un équilibre entre les différents grands acteurs régionaux, et notamment entre la Chine et les États-Unis, la Cité État, qui avait adopté une position plus ferme sur la question de la mer de Chine après le jugement de La Haye, a récemment fait l’objet de mesures de rétorsion de la part de Pékin.

En ce qui concerne le développement des capacités, que ce soit en matière de forces navales, de moyens d’observation ou de garde-côtes, on constate une véritable volonté de rattrapage et de renforcement des coopérations internationales. En dépit d’une histoire difficile, le Vietnam s’affirme prêt à développer une coopération logistique avec les États-Unis. Surtout, des mécanismes de développement des capacités se mettent en place avec le Japon et les États-Unis, mais également avec certains des États membres de l’Union européenne.

Au Japon, depuis le retour au pouvoir du Premier ministre Abe, et l’adoption de nouvelles règles en matière de transfert de technologie et d’exportation de matériel militaire, le Japon se veut particulièrement actif dans la constitution d’une communauté des États partageant les mêmes valeurs en Asie et au-delà, et dans la mise en œuvre de politique de coopération et de développement des capacités en direction des pays d’Asie du Sud-Est. Les attentes à l’égard de Tokyo dans la région sont par ailleurs très importantes, notamment dans les pays d’Asie du Sud-Est les plus vulnérables, afin d’équilibrer le poids et l’influence de la puissance chinoise. La Birmanie constitue à ce titre un exemple considéré comme positif, qui pourrait être reproduit auprès d’États dont le tropisme chinois demeure essentiellement lié aux perspectives de soutien financier.

L’autre élément essentiel est celui du partage d’informations, avec la mise en place de structures et de réseaux permettant de renforcer les capacités en matière de surveillance et d’observation du domaine maritime alors que les besoins des pays d’Asie du Sud-Est en la matière – en dehors de Singapour – sont considérables. Si la constitution d’une OTAN asiatique est difficile à envisager, le modèle de partage des informations et de renforcement de l’interopérabilité pourrait être en partie transposé.

Mais pour Tokyo, le maintien de la stabilité en Asie, dans un contexte stratégique de plus en plus difficile, ne peut passer que par le maintien et le renforcement du système d’alliances avec les États-Unis.

En dépit d’évolutions significatives en matière de défense, Tokyo ne peut en effet assumer seul, pour des raisons de politique intérieure et d’équilibres stratégiques régionaux, une capacité de dissuasion suffisante face à la puissance chinoise. Si le budget de la défense est en augmentation, il demeure limité à 1 % du PNB et un effort plus important serait difficile à mettre en œuvre. D’importants tabous demeurent en matière de défense et l’acquisition de capacités amphibies par exemple, longtemps difficiles à envisager, ne pourra se faire que très progressivement.

Enfin, si Tokyo peut souhaiter disposer de facilités logistiques en mer de Chine méridionale, le Japon, qui consacre une part importante de ses moyens à la défense de l’archipel des Senkaku face aux incursions chinoises ne semble pas encore prêt à mettre en œuvre des opérations de liberté de navigation (FONOP) en mer de Chine du Sud.

Plus éloigné du théâtre de l’Asie du Sud-Est, mais directement confronté aux ambitions chinoises dans l’océan Indien, New Delhi en revanche, pourrait être plus favorable au développement d’opérations conjointes, avec le Vietnam, le Japon et les États-Unis, qui passeraient aussi par la mise en place d’un système de consultation et d’échange d’informations opérationnelles entre les différentes Marines.

La mise en place d’exercices conjoints d’aide humanitaire avec les pays d’Asie du Sud-Est et d’autres acteurs intéressés pourrait également permettre d’adresser à Pékin des signaux clairs tout en évitant un jeu de provocation pouvant au moins potentiellement déboucher sur un risque de conflit ouvert.

Quel rôle pour l’Europe

Dans ce contexte, le rôle que l’Europe peut jouer apparaît comme particulièrement complexe ; à la mesure des ambiguïtés qui entourent l’identité de l’objet européen lui-même, entre institutions européennes et États membres dont les stratégies ne coïncident pas toujours comme l’a démontré la relative faiblesse de la réaction européenne à la suite du jugement du tribunal d’arbitrage de La Haye condamnant les positions chinoises face aux Philippines. À la mesure aussi d’un éloignement géographique qui rend plus difficile, du côté européen, la prise de conscience de l’urgence des défis stratégiques auxquels une partie de l’Asie est confrontée.

Ceci d’autant plus que si, du côté asiatique, des attentes à l’égard de l’Europe se sont exprimées, notamment en matière de prise de position ferme face aux actions chinoises en mer de Chine, l’intégration de l’Union européenne aux grandes institutions régionales telles que l’ASEAN Regional Forum (ARF), le Sommet de l’Asie orientale (EAS) ou le format ASEAN Defence Ministers’ Meeting (ADMM+) suscite toujours des réticences auprès des acteurs régionaux.

Plusieurs évolutions significatives peuvent toutefois être notées. La stratégie asiatique de l’Union européenne a longtemps été focalisée sur la Chine et les enjeux économiques, désormais, la dimension stratégique et l’importance des autres grands acteurs asiatiques sont mieux prises en compte. Les menaces qui pèsent sur la liberté de circulation sur mer, alors que les échanges avec l’Asie représentent 40 % des échanges extra européens de l’UE, ont fortement contribué à ces évolutions.

Du côté asiatique, si on n’attend pas de l’Union européenne qu’elle prenne directement position dans les conflits territoriaux en mer de Chine, les attentes sont en revanche fortes pour que l’Europe – dont la puissance normative est reconnue – s’engage sur les questions de respect des règles du droit international, en matière de liberté de circulation sur mer, mais aussi en matière de protection de l’environnement face à une Chine accusée de se comporter comme un prédateur des ressources halieutiques Le jugement du tribunal d’arbitrage international de La Haye a souligné les dommages environnementaux causés par la stratégie chinoise en mer de Chine. .

Plus concrètement, l’Europe et plus précisément certains États membres dont la France a aussi un rôle à jouer en matière de développement des capacités, au service d’un rééquilibrage des forces en Asie. Les perspectives offertes par la coopération en matière de technologie militaire, y compris avec le Japon, et les transferts d’armement – au-delà de la dimension purement commerciale – jouent un rôle important à la fois en termes de développement des capacités, mais aussi dans la construction d’un consensus positif dans la perception des menaces et l’analyse des enjeux stratégiques régionaux. Consensus qui passe aussi par le renforcement du dialogue stratégique entre l’Europe et les pays d’Asie qui partagent le même attachement à un système international fondé sur des valeurs communes.

Le renforcement de ce dialogue est le seul moyen de lever les incompréhensions qui subsistent, concernant par exemple une Russie qui en Asie peut apparaître comme un atout stratégique face à la Chine quand c’est la perception d’une menace russe très directe qui l’emporte en Europe. Dialogue enfin qui pourrait déboucher sur des déclarations mieux coordonnées entre les États européens et l’ensemble des acteurs de l’arc de démocratie en Asie, de l’Inde au Japon en passant par l’ASEAN, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Dans un contexte de moyens limités, et alors que l’Europe est elle-même confrontée à de graves défis de sécurité, une implication directe plus importante des Etats européens n’est pas attendue par les pays les plus directement affectés par les tensions en mer de Chine. En revanche, la possibilité d’une meilleure coordination des rotations de bâtiments en mer de Chine, évoquée par le ministre français de la Défense en 2016 à l’occasion du dialogue Shangri La sur la sécurité en Asie, a été accueillie très positivement.

Mais en termes d’actions concrètes, il est surtout attendu des États européens les plus actifs en matière de défense qu’ils continuent d’assurer le rôle très important qu’ils jouent au Moyen-Orient et sur le Continent africain, le but étant de libérer les États-Unis d’engagements trop nombreux qui les détourneraient d’un théâtre asiatique jugé prioritaire par les États de la région.

L’inconnue américaine

Dans ce contexte difficile, l’inconnue demeure en effet à court terme celle de la nouvelle administration américaine qui se mettra progressivement en place en 2017. L’abandon du Trans-Pacific Partnership (TPP), symboliquement fort, n’est pas considéré dans la région comme l’élément le plus déterminant, même si cet abandon semble ouvrir la voie à une nouvelle offensive chinoise dans le domaine commercial.

En revanche, la question de l’avenir de l’engagement des États-Unis dans la région aux côtés de leurs alliés, et les risques potentiels de vide stratégique sont pris très au sérieux. La question est essentielle pour le Japon qui ne peut se permettre de refuser de coopérer avec le Président des États-Unis, quel qu’il soit. En se rendant très rapidement à New York pour rencontrer le nouveau Président élu, le Premier ministre Abe a à la fois voulu donner un signal fort, celui de la nécessité du dialogue avec la nouvelle administration américaine, et lever avec Donald Trump toutes les ambiguïtés concernant l’avenir de l’alliance nippo-américaine en mettant en avant l’intérêt que représente la solidité de cette alliance pour la stabilité de l’Asie et les intérêts des États-Unis eux-mêmes.

Confronté au risque majeur d’un désengagement américain, Tokyo semble prêt à répondre aux attaques de Donald Trump pendant la campagne électorale et accroître sa participation financière au soutien des forces américaines stationnées dans l’archipel, même si cette participation s’élève déjà à plus de 75 % des coûts induits. Toutefois, Tokyo pourrait en retour tenter de négocier le redéploiement de moyens dissuasifs plus importants, tels que les missiles Tomahawk, à charge potentiellement nucléaire, retirés du théâtre asiatique en 2010.

Mais si en Europe l’inquiétude l’emporte quant aux conséquences de l’élection de Donald Trump aux États-Unis, l’apparente volonté de faire bouger les lignes dans la relation avec la Chine comme l’ont démontré l’entretien téléphonique du président nouvellement élu avec la Présidente de Taiwan, et les différentes déclarations qui l’ont suivi, comme celle de renforcer les capacités navales des États-Unis en prenant en compte le théâtre de l’Asie-Pacifique sont au contraire considérés comme des signaux positifs en Asie.

Le pire scénario pour l’ensemble des pays d’Asie aujourd’hui confrontés à la stratégie de tensions mise en œuvre par la Chine dans l’espace maritime régional serait en effet celui d’un G2, que Pékin semblait espérer avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Ce scénario semble aujourd’hui s’éloigner, la question toutefois demeure de la constance des engagements américains, et du rôle que pourront jouer auprès du président des conseillers dont les intérêts ne sont pas toujours concordants.

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