Europe des véhicules blindés. Les maîtres d’œuvre industriels européens face aux stratégies nationales d’acquisition : entre concurrence et partenariat

Introduction

La guerre en Ukraine jette une lumière crue sur la remontée en puissance des forces terrestres russes. Dotée de capacités de nouvelle génération, la Russie met au défi l’Ukraine et, par là même, l’ensemble de l’Occident. Chars lourds et légers, véhicules de combat d’infanterie, véhicules de transport de troupes, automoteurs d’artillerie, robots de combat, l’ensemble de ces plateformes et systèmes terrestres russes a fait l’objet au cours des dernières années de programmes de modernisation et de renouvellement d’ampleur, les hissant aux meilleurs standards internationaux. La base industrielle et technologique (BITD) russe s’est toute entière mobilisée pour assurer cette remise à niveauChassillan Marc, « Le renouvellement de l’offre russe de systèmes terrestres », Revue Défense & Industries, n°14, juin 2020. Voir également, « La Russie espère susciter la crainte d’une confrontation militaire en Europe », une conversation avec Isabelle Facon, Le Grand Continent, 11 février 2022, et Facon Isabelle, La nouvelle armée russe, Les Carnets de l'Observatoire, L'Inventaire, février 2021..

Ce contexte incite à s’interroger sur la situation européenne. Si l’heure est au renouvellement des parcs de véhicules blindés, les Etats européens agissent en ordre relativement dispersé, le domaine de l’armement terrestre étant marqué par un historique fort de non-coopération (hormis dans les secteurs hélicoptères et missiles). C’est en suivant les stratégies nationales d’acquisition et le parcours des principaux constructeurs, depuis la fin des années 1990, que nous tenterons d’appréhender les dynamiques à l’œuvre sur le marché européen des véhicules blindés (chars lourds, véhicules blindés médians et légers).

Dans le cadre d’une première partie, nous nous concentrerons sur l’Europe de l’Ouest et du Nord dans l’objectif d’analyser, sous l’angle de la stratégie d’entreprise et de l’analyse des politiques publiques, la manière dont les Etats producteurs historiques et leurs maîtres d’œuvre industriels (MOI) assurent la régénération des parcs. L’approche est-elle purement nationale ou est-elle le lieu de stratégies d’alliances et de coopérations internationales ?

La seconde partie nous portera vers l’Europe de l’Est et du Sud-Est, là où les tensions sécuritaires sont les plus fortes depuis 2014, jusqu’au point culminant de 2022. Dans ces régions, les Etats ont tous initié des programmes de modernisation des équipements de leurs forces terrestres, lesquelles opéraient jusqu’ici majoritairement des matériels de conception soviétique. Au-delà de permettre une mise à niveau des équipements et de répondre aux besoins opérationnels, ces programmes sont également censés participer à la montée en compétences de l’industrie nationale de défense. Or, la pénétration de ces marchés étant une priorité pour les constructeurs européens historiques, ils devront, pour ce faire, répondre aux exigences de contenu local et de partenariats industriels émises par les Etats acheteurs, et gagner en attractivité face à la concurrence américaine et sud-coréenne notamment. En parallèle, le lancement par la Commission européenne du Fonds européen de la défense (FED) vient insuffler une dynamique de coopération, assez inédite dans le secteur de l’armement terrestre

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