Arsenal nucléaire américain : une augmentation inévitable ?
Observatoire de la dissuasion n°123
octobre 2024
Depuis la publication de la Strategic Posture Commission (SPC) Review, en octobre 2023, la nécessité prochaine de réévaluer l’arsenal nucléaire américain à la hausse est fréquemment mentionnée par la communauté stratégique américaine. Lors de son discours à l’Arms Control Association, Pranay Vaddi y a fait référence en creuxAdapting the U.S. Approach to Arms Control and Nonproliferation to a New Era, Remarks from Pranay Vaddi, Special Assistant to the President and Senior Director for Arms Control, Disarmament, and Nonproliferation at the National Security Council, Arms Control Association, 7 juin 2024., alors que très récemment, dans une intervention au CSIS, Vipin Narang, Secrétaire adjoint à la défense par intérim pour la politique spatiale, a exprimé très clairement qu’« en l’absence de changement dans les trajectoires nucléaires de la RPC, de la Russie et de la Corée du Nord, nous pourrions arriver à un point où il serait nécessaire de modifier la taille ou le dispositif de nos forces déployées actuelles. Il n’est pas encore nécessaire d’augmenter le stock, mais des ajustements du nombre de capacités déployées pourraient s’avérer nécessaires si nos adversaires poursuivent sur leur lancée »Nuclear Threats and the Role of Allies: A Conversation with Acting Assistant Secretary Vipin Narang, CSIS, 1er août 2024.. Dans cet article publié dans Survival, Douglas Barrie et Timothy Wright prennent le contre-pied de cette analyse qui s’impose progressivement à WashingtonDouglas Barrie et Timothy Wright, « Not More, But More Assured: Optimising US Nuclear Posture », Survival, été 2024.. Ainsi, ils avertissent contre une surévaluation de la menace, qui pourrait notamment s’inspirer des rapports alarmistes de la Guerre froide dans lesquels les forces soviétiques étaient systématiquement surévaluées. En particulier, les auteurs soulignent la tendance de la SPC à comparer des systèmes américains et chinois ou russes aux capacités opérationnelles très différentes, et notent que le Pentagone fait désormais le choix de totaliser les lanceurs chinois en développement comme opérationnels, conduisant à des augmentations de volume significatives.
Dans ce contexte, les experts britanniques suggèrent d’éviter une augmentation quantitative de l’arsenal américain, qui conduirait selon eux in fine à des augmentations symétriques des arsenaux russe et chinois, mais plutôt à des ajustements qualitatifs. Ils recommandent ainsi à Washington de réfléchir à l’introduction de missiles de croisière ou de planeurs hypersoniques comme vecteurs d’armes nucléaires, un choix déjà retenu par Moscou, Beijing et Paris. Pour les auteurs, cette technologie permettrait d’accroître les options dans des environnements fortement défendus sans exclure des mesures de maîtrise des armements si la Russie ou la Chine se montraient plus ouverts à l’avenir.