Mise en service du deuxième SNLE indien

Le 29 août 2024, le ministre de la Défense indien Rajnath Singh a officiellement mis en service le deuxième SNLE de la Marine indienne. Baptisé INS Arighaat (अरिघाट), ce bâtiment avait été lancé le 18 octobre 2017. La mise en service s’est déroulée discrètement, sans publication d’image du sous-marin, sur le centre de construction navale de Visakhapatnam (Andhra Pradesh)« Second Arihant-Class submarine ‘INS Arighaat’ commissioned into Indian Navy in the presence of Raksha Mantri in Visakhapatnam », Ministry of Defence, PIB Delhi, 29 août 2024..

Néanmoins, quelques informations sont disponibles concernant les caractéristiques de l’Arighaat, puisqu’au niveau externe, ce dernier possède des caractéristiques similaires au premier SNLE mis en service par la Marine indienne en août 2016. Ainsi, il a une longueur de 111 mètres, un tirant d’eau de 11 mètres et un maître-bau de 15 mètres. Le navire déplace selon les informations indiennes 6 000 tonnes en surface et est propulsé par un réacteur de 83 MW« India to commission its second nuclear submarine today; here's all you need to know about INS Arighat », The Economic Times, 29 août 2024.. A titre de comparaison, les SNLE français actuellement en service mesurent 138 m et déplacent plus de 12 000 tonnes en surface.

Ce modèle est le plus petit sous-marin nucléaire en service dans le monde, et ne contient que quatre tubes de missiles. L’un des objectifs indiens est d’augmenter progressivement la taille des bâtiments. Ainsi, le 3ème et le 4ème navire de la classe, l’INS Aridhaman, lancé le 23 novembre 2021 et qui pourrait être mis en service en février 2025Rajat Pandit, « Amid China standoff, India set to boost naval power with 3rd N‑sub in 6 months », Times of India, 30 août 2024., et le S4 (dernier navire de la classe), auraient une longueur de 20 mètres supplémentaires et pourraient ainsi potentiellement accueillir le double de tubes de missiles (8)H.I. Sutton, « Indian Navy's Third Ballistic Missile Submarine Doubles Missile Armament », Covert Shores, 29 décembre 2021..

La prochaine classe de SNLE, connue à ce jour sous le code S‑5, pourrait avoir entre 12 et 16 tubes de lancements capables de lancer un nouveau missile de portée intercontinentale désigné K‑6. Beaucoup plus longs que les sous-marins actuellement en service, les S‑5 pourraient déplacer 13 500 tonnes avec un réacteur d’une puissance de 190 MWSandeep Unnithan, « From India Today magazine: A peek into India's top secret and costliest defence project, nuclear submarines », India Today, 5 novembre 2018.. Le début de la construction de cette nouvelle classe a été repoussé à 2027« Bhilai Plant Revolutionizes Steel Making for S5 Nuclear Missile Submarines », CEO Insights India Team, 29 avril 2024.. C’est du fait de ce démarrage relativement tardif par rapport aux objectifs initiaux que le gouvernement indien a finalement fait le choix de commander un quatrième sous-marin de la classe Arihant, permettant ainsi de garder un flux tendu sur les capacités de production industriellesSandeep Unnithan, op. cit..

L’Arihant est théoriquement capable d’emporter la deuxième génération de missiles balistiques lancés depuis des sous-marins (SLBM) indiens, le K‑4, lancé avec succès du sous-marin en mars 2016. Pour autant, il est généralement admis que le SNLE est ordinairement équipé de quatre K‑15 Sagarika, SLBM dont la portée est de 750 km à 1 500 km. Des sources indiennes ont indiqué que l’Arighaat pourrait emporter « plus de K‑15 »« India to commission its second nuclear submarine today; here's all you need to know about INS Arighat », op. cit. et Vijainder Thakur, « Armed With K‑15 Missiles, India’s Nuke-Powered INS Arighat Puts China’s Yunnan, Pakistan’s Islamabad Under Navy’s Crosshair », Eurasian Times, 29 août 2024., sans précision sur la manière dont cela s’opère dans les faits, le nombre de tubes étant a priori inchangé. Mais certains rapports jugent qu’il pourrait être également couplé avec le K‑4Rajat Pandit, op. cit.. Selon d’autres sources, c’est le troisième navire de la classe, l’INS Aridhaman, qui permettra en 2025 le déploiement opérationnel des K‑4, missiles d’une portée de 4 000 km« India to commission its second nuclear submarine today; here's all you need to know about INS Arighat », op. cit..

Parmi les autres améliorations concernant l’Arighaat, figurent selon des anciens responsables militaires indiens des perfectionnements techniques concernant la furtivité : l’Arighaat est réputé plus furtif et disposer de meilleures performances acoustiques et de meilleurs capteurs. Les réseaux de commandement et de contrôle et les capacités de communication auraient également été améliorés. Enfin, il a été noté que le temps de développement de ce nouveau bâtiment a également été l’occasion de former le personnel et notamment les équipes ayant auparavant été déployées sur des sous-marins dieselCommodore Anil Jai Singh (R), in Battle Cry, India Today, 30 août 2024..

Pour le ministre Singh, l’introduction de l’Arighaat « renforce la triade nucléaire indienne, accroît la dissuasion nucléaire du pays, établit un équilibre stratégique et la paix, et joue un rôle décisif dans la sécurité du pays »« Second Arihant-Class submarine ‘INS Arighaat’ commissioned into Indian Navy in the presence of Raksha Mantri in Visakhapatnam », op. cit..

De manière classique concernant les développements militaires indiens, les officiels, experts et commentateurs spécialisés ont largement insisté sur le caractère indigène et national du programme. L’utilisation de développements scientifiques et de technologies « made-in-India » est souvent mise en avant pour expliquer le temps important et les retards pris par le programme, mais est une vraie source de satisfaction et de fierté, qui « place l’Inde parmi les grandes puissances » et lui assure l’autosuffisance « Aatmanirbharta » (आत्मनिर्भरता), priorité du gouvernement ModiCommodore Anil Jai Singh (R), op. cit..

Comme anticipé depuis plusieurs annéesEmmanuelle Maitre, « Où en est la composante océanique indienne ? », Bulletin n°72, Observatoire de la Dissuasion, janvier 2020., ce nouveau développement ne permet pas encore de décrire la force nucléaire navale indienne comme une capacité de riposte en second parfaitement crédible. Tout d’abord, en restant déployé dans le bastion constitué par le Golfe du Bengale, les sous-marins nucléaires indiens équipés du K‑15 ont une portée réduite et ne peuvent envisager que peu de cibles stratégiques chez leurs principaux adversaires potentiels, en Chine ou au Pakistan. Deuxièmement, une flotte de deux sous-marins est insuffisante pour maintenir la permanence à la mer, qui ne pourra être envisagée qu’en 2025 lorsque les troisième et quatrième bâtiments seront déployésAbhijit Singh, « Arighat induction revives ‘no first use’ debate », Hindustan Times, 1er septembre 2024.. Enfin, certains notent que l’Inde doit encore se doter d’une force de sous-marins nucléaires d’attaque pour être considérée comme une marine de haute mer et être capable de faire patrouiller ses SNLE loin de ses côtesCommodore Anil Jai Singh (R), op. cit..

 

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