Dissuasion élargie et confiance du public : des résultats contrintuitifs
Observatoire de la dissuasion n°111
septembre 2023
Matt Buehler et Arjun Banerjee (Université du Tennessee) ont récemment conduit une étude originale sur la confiance du public d’un pays non concerné par les mécanismes de dissuasion élargie dans la volonté de certains Etats dotés de les protéger en cas d’attaqueMatt Buehler et Arjun Banerjee, « Who would trust a nuclear umbrella? Results from an original survey on public confidence in future nuclear guarantees in Morocco », The Nonproliferation Review, 2023.. En effet, ils s’intéressent au cas du Maroc, qui n’est ni impliqué dans un accord de dissuasion élargie explicite comme l’OTAN, ni ne fait partie des partenaires historiques comme l’Australie ou Taiwan implicitement couverts dans le parapluie nucléaire américain, mais qui ne bénéficie que d’une proximité stratégique avec la France et les Etats-Unis. Bien que les auteurs considèrent comme théoriquement possible le fait que ces deux Etats cherchent à offrir des garanties de dissuasion élargie au Maroc pour le dissuader de se lancer dans un éventuel programme nucléaire national, de telles options n’ont jamais été officiellement sur la table.
Néanmoins, l’intérêt de cette étude est de se pencher sur les perceptions des citoyens marocains, et non pas de considérer la probabilité réelle des options envisagées. De manière intéressante, respectivement 37% et 49% des marocains interrogés estiment que Washington ou Paris pourrait protéger leur pays en ayant recours à leurs armes nucléaires. Les différentes variables étudiées par les auteurs permettent de constater que les personnes interrogées ayant un profil plus « nationaliste » sont plus confiantes dans l’existence d’une forme de parapluie nucléaire occidental, mais ne revendique pas de développer un programme nucléaire autonome marocain, ce qui s’oppose à certaines prédictions théoriques. L’intérêt de ce travail réside principalement dans le fait qu’il offre une vision plus nuancée des prévisions ou des stéréotypes associés aux préférences des opinions publiques des Etats non-nucléaires du Moyen Orient. Cependant, les auteurs reconnaissent les limites de cette première analyse dans la région, qui, en particulier, ne parvient pas à distinguer si les réponses positives sont liées à une confiance dans la dissuasion nucléaire en tant que telle ou à un attachement stratégique vis-à-vis des partenariats franco-marocain et américano-marocain.