Durable institution under fire? The NPT confronts emerging multipolarity

Observatoire de la dissuasion n°93
janvier 2022

Alors que le TNP vient de célébrer discrètement son cinquantième anniversaire, en raison du report de la conférence d’examen prévue en 2020, Contemporary Security Policy consacre un dossier à l’avenir du traité et de son régime. Comme plusieurs autres auteurs publiés dans la revue, Rebecca Davis Gibbons et Stephen Herzog se montrent plutôt pessimistes sur son avenirRebecca Davis Gibbons et Stephen Herzog, « Durable institution under fire? The NPT confronts emerging multipolarity », Contemporary Security Policy, décembre 2021.. Selon les auteurs, le régime de non-prolifération, et notamment le TNP, s’est épanoui dans le cadre bipolaire grâce à la volonté partagée par les deux superpuissances de freiner la prolifération nucléaire. Après la Guerre froide, il s’est imposé comme un cadre de la sécurité internationale sous le leadership américain. Mais selon eux, la période multipolaire qui s’ouvre pourrait lui être défavorable. Ils notent en particulier quatre points de vulnérabilité.

Le premier concerne la quasi-universalité du régime, largement due aux efforts diplomatiques américains pendant et suite à la Guerre froide, efforts ayant également conduit à l’extension indéfinie du TNP en 1995. Cette participation importante pourrait être remise en cause, d’une part si certains États ne considèrent pas le respect des normes les plus strictes comme des conditions nécessaires aux coopérations bilatérales et si les grandes puissances ne parviennent pas à participer à certaines normes, comme dans le cadre du TICE.

Deuxièmement, les auteurs estiment que dans le cadre bipolaire et unipolaire, le régime du TNP a su faire preuve d’adaptabilité, par exemple en permettant la création du groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) ou l’adoption du protocole additionnel de l’AIEA. Cette capacité ne s’observe plus aujourd’hui, avec davantage d’États en mesure de s’opposer aux décisions prises. Ainsi, la révision de l’article X, souhaitée par certains États dont Washington depuis le retrait nord-coréen, n’a pas pu aboutir à ce jour.

Le troisième élément a trait à la mise en œuvre et au respect des obligations prises, qui selon les auteurs tendent à décliner au fur et à mesure que la capacité américaine à peser est réduite, que ce soit par pression diplomatique ou par le biais des sanctions. Ainsi, la Russie ou la Chine sont décrites comme des États qui peuvent contester les régimes de sanctions mis en œuvre, alors que l’affaiblis­sement relatif du dollar limitera de plus en plus le poids des sanctions américaines.

Enfin, et de manière plus préoccupante selon les auteurs, le sentiment d’injustice au sein du régime grandit. Pendant la Guerre froide, les objections des États non dotés étaient notamment gérées par l’adoption régulière de traités de maîtrise des armements bilatéraux. Aujourd’hui, les perspectives de réduction des arsenaux s’amenuisent et Washington n’est pas parvenu à empêcher les États les plus frustrés par le manque d’avancées dans la mise en œuvre de l’article VI de négocier le TIAN en 2017. Alors que les progrès sont peu probables dans le futur immédiat, l’opposition au sein du régime risque de se renforcer compliquant son adaptation aux nouveaux défis et sa capacité à sanctionner les violations.

Les auteurs sont donc relativement pessimistes sur l’avenir du régime, et conseillent aux grandes puissances de prendre conscience de l’importance du TNP et de ses mécanismes dérivés pour la sécurité internationale. Cela est particulièrement important pour la Russie et la Chine, qui semblent penser aujourd’hui, d’après les auteurs, que s’opposer aux efforts américains en matière de non-prolifération pourrait servir leurs intérêts respectifs, stratégiques ou commerciaux. Cela passe en particulier par des efforts pour faire progresser la mise en œuvre de l’article VI, y compris de manière modeste. Pour Beijing et Moscou, il pourrait s’agir de rejoindre l’IPNDV, qui travaille sur la question de la vérification du désarmement nucléaire. Pour l’ensemble des États dotés, participer comme observateur à la conférence d’examen du TIAN pourrait également être un signe de bonne volonté. Malgré ces mesures préconisées, au même titre que l’universalisation du protocole additionnel, les auteurs restent sceptiques sur la capacité du régime à s’adapter ou à mieux assurer le respect de ses provisions.

La revue a publié en parallèle d’autres articles sur le régime du TNP. S’attachant à cette notion d’injustice, Joelien Pretorius et Tom Sauer reprennent leur argument selon lequel les États non dotés signataires du TIAN devraient menacer d’abandonner le TNP pour obtenir davantage de progrès en matière de désarmementJoelien Pretorius et Tom Sauer, « When is it legitimate to abandon the NPT? Withdrawal as a political tool to move nuclear disarmament forward », Contemporary Security Policy, 2 décembre 2021.. Cet argument reste une voix très isolée, très contesté dans la sphère académique et non repris par des États parties au TIAN à ce jour. De son côté, Orion Noda se penche aussi sur les limites du TNP en insistant sur son incapacité à juguler la prolifération verticale et à dévaluer les armes nucléaires en tant que symbole de puissance et de statutOrion Noda, « A wolf in sheep’s clothing? The NPT and symbolic proliferation », Contemporary Security Policy, 8 octobre 2021.. Jeffrey Knopf constate également l’affaiblissement du régime global de non-prolifération, basé selon lui sur le principe de stabilité stratégique, sur le tabou nucléaire et sur la non-prolifération, et suggère de mettre l’accent sur l’éducation et la culture pour sensibiliser le grand public et ses dirigeants aux risques engendrés par les armes nucléairesJeffrey Knopf, « Not by NPT alone: The future of the global nuclear order », Contemporary Security Policy, 27 septembre 2021..

De manière plus positive, Michal Smetana et Joseph O’Mahoney estiment que l’ordre basé sur le TNP a une capacité de résistance aux crises et que ses violations occasionnelles ont eu tendance à le renforcer en créant des prises de conscience violentes de ses faiblesses et la motivation politique d’y remédierMichal Smetana et Joseph O’Mahoney, « NPT as an antifragile system: How contestation improves the nonproliferation regime », Contemporary Security Policy, 16 septembre 2021..

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Bulletin n°93, décembre 2021



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