Que savons-nous de l’Orechnik ?
Observatoire de la dissuasion n°126
Emmanuelle Maitre,
janvier 2025
Le 21 novembre 2024, la Russie a visé le complexe industriel de PA Pivdenmash/Yushmash, à Dnipro, avec un nouveau missile annoncé par les autorités russes comme l’Orechnik
Au vu des informations disponibles, il apparaît que le tir a été réalisé depuis le site d’essai de Kapustin Yars, ce qui semble indiquer un système en cours de développement et non pas déjà déployé. Il aurait volé sur une distance d’environ 900 km avant de larguer six têtes indépendantes emportant chacune six sous-munitions. Il a été rapporté que le missile aurait été utilisé pour réaliser de multiples impacts en utilisant la force cinétique et sans charge explosive
D’un point de vue opérationnel, il a été noté que bien que le système soit confié aux forces des missiles stratégiques, ses modalités d’emploi semblaient davantage s’inspirer de celles du SS‑26 / Iskander‑M et ne pas nécessiter les infrastructures nécessaires pour les ICBM Yars ou Topol
Immédiatement après le tir, les États-Unis ont indiqué que le missile utilisé était un dérivé du RS‑26 Rubezh, et que la Russie avait notifié les États-Unis préalablement à son utilisation
Pour rappel, le RS‑26 Rubezh était à l’origine un programme de modernisation de l’ICBM RS‑24 Yars. Si la Russie l’avait annoncé comme un système stratégique au sens des traités de maîtrise des armements, des sources occidentales ont soupçonné que plusieurs essais avaient été réalisés à des portées inférieures à 5 500 km et que le système était davantage conçu comme un IRBM par la Russie
Bien que les autorités russes insistent sur le caractère novateur du système, beaucoup d’experts jugent très probable qu’il soit inspiré d’un programme antérieur. L’observation de débris a permis à certains d’estimer qu’il ne s’agissait sans doute pas du Rubezh, en raison d’un diamètre trop faible
Enfin, la terminologie n’est pas dénuée d’ambiguïté puisque l’agence de renseignement militaire ukrainien a laissé entendre que le nom « Orechnik » ne désignait que le prototype d’un système de moyenne portée à vocation nucléaire baptisé « Kedr » (Cèdre)
Au vu d’absence de missions spécifiques apparentes dans la frappe de Dnipro, le caractère politique de la frappe a été souligné, plus évident que son intérêt militaire. En effet, l’accroissement de la distance risquait de réduire la précision de la frappe par rapport à des SS‑26 / Iskander‑M utilisés généralement par Moscou depuis le début du conflit pour ce type de cible
La politisation de la frappe a été visible dans le discours du Kremlin : Poutine a comparé l’impact à celui d’une météorite, a menacé de l’utiliser pour réduire Kiev en cendres
Dans l’immédiat, Alexander Lukashenko a déjà fait connaître son intention d’héberger des Orechnik, indiquant se préparer à un déploiement d’ici au premier semestre 2025, information corroborée par la Russie. Le dirigeant bélarusse a indiqué qu’il serait autorisé à choisir les cibles lui-même, mais Moscou a précisé que les armes resteraient sous son contrôle et qu’une décision d’emploi serait prise de manière conjointe