La reprise des essais balistiques en Corée du Nord : analyse politique
Observatoire de la dissuasion n°70
Antoine Bondaz,
décembre 2019
2019 est incontestablement une année chargée pour le programme balistique nord-coréen. Avec 23 essais au 30 novembre, il s’agit de la seconde année avec le plus d’essais, derrière 2016 et 24 essais, et est largement supérieure à l’ensemble des essais balistiques réalisés par Kim Jong-il entre 1994 et 2011 avec 16 essais. Et ce alors même que le « moratoire sur les essais à longue portée » annoncé en avril 2018 reste présenté, sur le plan politique tant à Séoul et Washington, comme une réussite, et que le régime est censé avoir adopté une « nouvelle ligne stratégique » visant à prioriser le développement de l’économie.
Le régime met ainsi en œuvre une stratégie visant à renforcer ses capacités conventionnelles et nucléaires tout en restant en dessous du seuil de préoccupation du Président Trump, i.e. pas d’essai nucléaire et pas d’essai balistique à longue portée. Or, il existe un risque important de banaliser ces différents essais, car à courte portée, alors même que le développement par le pays de ces nouveaux systèmes d’armes a des impacts importants sur l’équilibre conventionnel dans la péninsule. En ce sens, la mobilisation de six pays européens (cinq pays membres du Conseil de sécurité en 2019 (France, Royaume-Uni, Allemagne, Pologne et Belgique) et l’Estonie qui en sera membre en 2020) mais aussi du SEAE a été indispensable pour rappeler que ces essais sont autant de violations de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette mobilisation a d’ailleurs été fortement critiquée par Pyongyang.
Notons également que ces essais arrivent à un moment difficile pour le gouvernement sud-coréen qui est non seulement fragilisé, mais qui ne parvient plus à entretenir la dynamique positive de l’année 2018 : négociation difficile avec l’allié américain pour l’accroissement du financement sud-coréen des troupes américaines basées en Corée du Sud (UFSK), annonce puis désannonce du retrait de GSOMIA, accord de partage de renseignements militaires avec le Japon et couvrant par exemple les détails de ces essais balistiques, ou encore série de scandales politiques fragilisant directement l’exécutif sud-coréen.