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« Le réarmement naval », extrait du livre - L'Indo-Pacifique. Nouveau centre du monde -

Bonnes feuilles

Valérie Niquet, maître de recherche à la FRS, et Marianne Péron-Doise, chercheuse associée à l’IRIS, ont publié un nouvel ouvrage, L’Indo-Pacifique. Nouveau centre du monde, en mai 2024, aux Editions Tallandier. Nous vous proposons ci-dessous un extrait tiré du «Chapitre 6. Face aux menaces, le réarmement naval» (pp. 163-187).

 

«Face aux menaces, le réarmement naval

Au regard de l’importance des enjeux maritimes de l’Indo-Pacifique, les États riverains considèrent la possession d’une marine puissante et technologiquement avancée comme un élément central de leur sécurité. Qu’il s’agisse d’obtenir un statut de puissance navale, de protéger ses espaces océaniques ou de participer à une gouvernance maritime plus efficace, on observe une course aux armements et l’acquisition accélérée de navires de combat, dont des sous-marins. La rivalité sino-américaine est un facteur majeur, et on observe aussi l’apparition de nouvelles puissances navales comme le Japon, l’Inde, la Corée du Sud ou l’Indonésie.

La marine des États-Unis (US Navy) est à juste titre considérée comme l’une des plus performantes au monde. Toutefois, ces dernières années, l’écart capacitaire et technologique avec la marine chinoise s’est réduit. Ceci pose un défi complexe aux responsables politiques et militaires américains. C’est un point saillant du débat en cours sur la nature des réformes à entreprendre – et les moyens qui y sont consacrés – pour concevoir et produire la future flotte américaineLire à cet effet l’article du membre du Congrès Rob Wittman, « The nation needs a real plan to grow the navy », de mars 2022, dans la revue de l’Institut naval américain Proceedings.. Dans ce contexte, l’intégration croissante des forces américaines avec les autres grands acteurs, dont l’Australie, le Royaume-Uni et le Japon, ainsi que le développement d’une plus grande interopérabilité entre ces derniers sont essentiels.

Les forces américaines en Indo-Pacifique : maintenir les capacités

Avant de quitter le service actif en août 2023, le chef des opérations navales des États-Unis, l’amiral Michael Gilday, avait insisté sur la nécessité d’améliorer l’état de préparation de l’US Navy, notamment en entretenant et en modernisant les plateformes les plus utiles. C’est aussi le discours que tiennent d’anciens responsables de l’Administration républicaine sous Donald Trump qui prônent un désengagement des forces américaines du théâtre européen et la focalisation des efforts sur les besoins navals face à la Chine dans le Pacifique.

Dans le « plan de navigation » actualisé pour 2022Chief of Naval Operations, « Navigation Plan 2022 », US Navy, 26 juillet 2022., un document stratégique qui fixe les priorités de la marine à l’horizon 2045, l’amiral Gilday a esquissé les contours d’une flotte américaine hybride, soit 350 navires avec équipage et une utilisation massive de systèmes inhabités avec 150 drones de surface et sous-marins. La voie à suivre pour atteindre cet objectif reste toutefois incertaine. Les projections suggèrent que le nombre de navires – et plus particulièrement de sous-marins, la marine des États-Unis (United States Navy, USN) en possédant cinquante, tous à propulsion nucléaire – continuera à diminuer jusqu’aux années 2030. Il faudra faire face au retrait d’unités telles que les croiseurs de la classe Ticon-deroga et les sous-marins armés de missiles guidés (SSGN) de la classe Ohio, d’une grande valeur opérationnelle, retrait que la construction de nouveaux navires pourra difficilement compenser. Toutefois, l’armement des destroyers de la classe Zumwalt et des SSGN de la classe Virginia avec des armes hypersoniques constituera une franche amélioration des capacités offensives de l’US Navy, avec une augmentation de la portée et de la létalité de ses missiles en réponse à la menace chinoise. A l’occasion de son audition devant le Sénat américain le 1er février 2024, alors qu’il s’apprêtait à prendre les fonctions de commandant en chef pour l’Indo-Pacifique, USINDOPACOM, l’amiral Samuel Paparo Jr. a dressé un tableau préoccupant de l’état du rapport de force entre marines américaine et chinoise, donnant l’avantage à cette dernière. Selon l’exemple cité, en 2023, la marine chinoise a intégré quinze nouvelles grandes unités combattantes (croiseurs, destroyers) au service actif alors que l’US Navy n’en a admis que deux. Mais derrière ces déclarations alarmistes, on doit aussi prendre en compte les logiques de concurrences budgétaires au sein des forces armées américaines.

L’extension de ses capacités de projection pour répondre aux exigences du théâtre indo-pacifique est une autre priorité de l’US Navy. L’introduction rapide d’une douzaine de drones furtifs MQ-25 Stingray à bord des porte-avions comme ravitailleurs en vol, mais aussi pour des missions de surveillance, est essentielle pour atteindre cet objectif. Ces drones de combat embarqués sont destinés à remplacer les avions de combat F/A-18. Les États-Unis explorent également une autre approche du déploiement de la puissance aérienne en mer avec le concept du « Lightning CarrierFabrice Wolf, « Le concept de porte-avions léger a été jugé concluant par l’US Navy lors des essais », Meta-Defense<, 8 décembre 2022.», ou porte avions léger, qui consiste à utiliser des avions à décollage court et à atterrissage vertical à partir des navires amphibies à grand pont d’envol de la marine. Une approche suivie par des alliés comme l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. En la matière, quand la Chine recherche encore avec ses porte-avions à renforcer son prestige, les États-Unis et leurs alliés privilégient l’efficacité. L’US Navy accentue également ses efforts pour développer des systèmes d’armes de pointe comme les missiles à grande vitesse et les lasers à haute énergie afin de contrer les attaques en essaim des drones adverses.

Autre initiative majeure, le Corps des Marines (US Marine Corps, USMC) subit une transformation radicale avec un recentrage sur le domaine naval après des années à mener des opérations de contre-insurrection en Afghanistan et en Irak. Il s’agit de créer des unités plus légères, polyvalentes et capables d’opérer dans les zones d’engagement des missiles chinois et de mettre en œuvre le concept EABO (expeditionary advanced base operations) qui consiste à passer rapidement d’un point d’appui temporaire a un autre sur les îles et les côtes de l’Indo-Pacifique.

Pour la marine américaine, le principe qui sous-tend son dispositif de lutte contre les menaces de haute intensité est celui d’« opérations maritimes distribuées ». Il décrit une situation dans laquelle des unités et des capacités offensives largement dispersées posent des défis multiples à l’adversaire. Dans le même temps, on recherche la concentration des forces de l’armée de l’air et de la marine sur des opérations maritimes de haute intensité, notamment en menant plus fréquemment des opérations impliquant deux ou trois groupes d’attaque de porte-avionsUS Navy, « Advantage at sea, prevailing with Integrated all-domain naval power », 17 décembre 2020.. La troisième flotte américaine, basée sur la côte ouest des États-Unis, joue désormais un rôle plus opérationnel en soutenant la septième flotte dans le Pacifique occidental. L’US Navy a également augmenté le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque (SSN) qu’elle déploie à Guam – cinq, contre deux il y a quelques années – et prévoit d’agrandir ses installations pour soutenir de tels déploiements.

La coopération entre les forces maritimes américaines, dont les garde-côtes, a également été significativement renforcée dans le Pacifique occidental et en Océanie. La garde côtière américaine effectue des passages réguliers dans le détroit de Taiwan depuis 2019. Elle est plus présente en mer de Chine méridionale et effectue depuis peu des missions de patrouille et de surveillance des vastes ZEE des États insulaires du Pacifique sud.

Ces mesures, prises dans leur ensemble, constituent une réponse crédible des États-Unis a la menace représentée par la Chine. Malgré des avancées considérables, des questions subsistent quant à la capacité de Pékin à traduire ses réalisations en matière d’efficacité au combat, compte tenu du manque d’expérience de l’APL. Les États-Unis possèdent des avantages uniques ; leurs capacités sous-marines, leur formation de haute qualité et la valeur de leurs alliances ne doivent pas être sous-estimées.

Le recentrage américain sur leurs alliés et partenaires

La transformation du dispositif et des pratiques maritimes des États-Unis, mais aussi de leurs alliés et partenaires, est révélatrice de la modification des équilibres navals en Indo-Pacifique. L’augmentation des opérations de liberté de navigation (FONOP) de la marine américaine et la fréquence systématisée des transits de ses unités le long des lignes de communication maritime majeures comme le détroit de Taiwan constituent des éléments clés des évolutions stratégiques observables.

Dans sa dernière stratégie publiéeIbid., l’US Navy a pris acte de l’érosion progressive de l’ordre international fondé sur des règles en mer et recommande l’adoption d’une posture plus affirmée dans ses opérations quotidiennes et l’acception de risques calculésNick Child, « New US maritime strategy-full ahead together? », IISS, 15 janvier 2021. pour ses forces. La stratégie de défense nationale des États-Unis de 2022Maison-Blanche, « National Security Strategy », octobre 2022. met l’accent sur une approche opérationnelle et une campagne d’activités persistantes afin de répondre aux situations dites de zone grise. Ces préconisations se retrouvent dans le concept de « dissuasion intégrée » mis en avant par le Pentagone dans sa compétition multidimensionnelle engagée avec la Chine. Il s’agit d’utiliser au mieux la mise en réseau des capacités technologiques et opérationnelles disponibles, dont celles des alliés, pour faire face aux menaces émergentes changeant les conditions de la guerre moderne, y compris de nouveaux domaines de lutte comme le cyber et l’espace, dont l’Indo-Pacifique serait l’épicentreJean-Louis Lozier, « La dissuasion intégrée : pertinence et limites d’un concept », Briefing de l’IFRI, 11 avril 2023.. D’où l’importance accordée par les États-Unis à la coopération opérationnelle et aux entraînements multinationaux avec les alliés et partenaires régionaux. En quelques années, ceux-ci se sont multipliés et considérablement étoffés.

La série d’exercices navals Malabar développée depuis 1992, à partir d’un arrangement bilatéral entre les États-Unis et l’IndeShashank Sharma, « Malabar joint naval exercise: A viable deterrent of Quad in the Indo-Pacific? », Vivekananda International Foundation, 15 octobre 2021., s’est ouverte à l’Australie et au Japon et est devenue l’activité navale de référence de la QUAD. Ces deux derniers pays ont pris l’habitude de déployer des Task Group incluant des unités de combat à grand pont d’envol et à capacité aéronautique dans la région, comme des porte-avions, des porte-hélicoptères japonais ou encore des navires amphibies américains. Outre la projection d’influence, ces déploiements ont renforcé la capacité des participants à s’engager dans des manœuvres multilatérales visant à former des coalitions fondées sur des intérêts communs. Il s’agit non seulement d’améliorer l’interopérabilité et l’aptitude à travailler ensemble, mais aussi d’envoyer un « signalement stratégiqueSignalement stratégique : concept issu de la dissuasion nucléaire. Il correspond à trois objectifs politiques : affirmer unstatut, dissuader ou décourager un adversaire, et enfin contraindre ou faire pression.» fort quant à la détermination à agir. En octobre 2022, l’Australie, le Canada, le Japon et les États-Unis ont effectué pour la première fois un exercice naval conjoint en mer de Chine méridionale affirmant leur volonté de participer au «bon ordre en mer » face à de potentiels « perturbateurs », au premier rang desquels la RPC. De son côté, la marine royale australienne s’est retirée de son engagement de longue date au Moyen-Orient pour concentrer davantage ses forces navales sur l’Indo-Pacifique, notamment la mer de Chine du Sud. C’est la raison pour laquelle Canberra n’a pas souhaité se joindre à l’opération Gardien de la prospérité lancée par les États-Unis en mer Rouge contre les attaques houthies en décembre 2023. Pour sa part, la marine royale canadienne, s’appuyant sur la stratégie indo-pacifique adoptée en 2022, entend augmenter ses déploiements dans la région à trois frégates par an. Depuis 2021, les navires canadiens traversent régulièrement le détroit de Taiwan en compagnie d’unités de la marine américaine.

L’exercice bisannuel majeur RIMPAC (Rim of the Pacific) dirigé par l’USPACOMRichard Javad Heydarian, « World’s largest naval exercise a message to Chine », s’est considérablement étoffé depuis son lancement en 1971. En 2022, il a regroupé vingt-six nations riveraines du Pacifique et comportait la participation de cinq navires à grand pont d’envol des marines australiennes, japonaises, sud-coréennes en sus de l’US Navy, de 170 aéronefs et de 25 000 militaires. Les navires autonomes et les drones aériens y apportent désormais des contributions importantes.

La signature d’un nombre croissant d’accords de soutien logistique et de stationnements des forces entre les principaux alliés et partenaires des États-Unis illustre cette recherche d’interopérabilité et d’intégration. C’est le cas des accords d’accès réciproque entre l’Inde et les États-Unis, le Japon et l’Australie, ainsi que le Japon et le Royaume-Uni. De la même façon, les Philippines ont accepté d’ouvrir quatre nouvelles bases aux forces américaines dans le cadre d’un renforcement de l’accord de défense les liant depuis 1951.

Toutefois, la priorité donnée par l’US Navy et ses alliés au combat de haute intensité comporte le risque d’un déficit en matière de capacités de sécurité maritime à un niveau moins élevé. Certains analystes estiment que la marine américaine devrait adopter une structure de force plus légère et accroître ses déploiements afin de répondre de manière plus complète à des situations conflictuelles de nature différente et supposant un engagement limité. Une critique récurrente souligne que la stratégie de patrouilles systématisées dans les espaces contestés de la mer de Chine (FONOP) n’a pas produit l’effet dissuasif escompté et qu’il faudrait s’appuyer davantage sur d’autres acteurs régionaux. Certains alliés et partenaires pourraient être mieux placés pour jouer un rôle de premier plan dans les régions où la compétition de puissance passe après d’autres préoccupations liées à la piraterie, la pêche illégale et à l’urgence climatique et où le renforcement des capacités en matière de police maritime ou de secours en cas de catastrophe aura plus d’impact. Le programme australien de sécurité maritime dans le Pacifique, avec la fourniture de patrouilleurs aux États insulaires d’Océanie, va dans ce sensAustralian-Government Defense. Pacific Maritime Security Program (PMSP)..

L’AUKUS, une mini-coalition entre pairs

La modernisation des partenariats politico-militaires régionaux entreprise par l’administration Biden, avec la réactivation des alliances traditionnelles et l’élargissement de la QUAD, passe aussi par la création de formats de nouvelle génération comme l’AUKUS. Pour Washington, l’accord scellé avec l’Australie et le Royaume-Uni en septembre 2021 doit permettre d’établir une coopération renforcée et la coproduction de technologies avancées, notamment dans les domaines cybernétique, de l’IA, des technologies quantiques et des drones sous-marins. L’intention est de disposer de capacités nécessaires pour lutter plus efficacement contre les menaces hybrides chinoises et plus largement de la Corée du Nord, de la Russie et de l’Iran. Il s’agit de conserver l’équilibre fragile du rapport de force régional afin de dissuader de toute crise ouverte. Le développement de capacités hypersoniques et anti-hypersoniques en constitue un élément important. Ces missiles qualifiés d’« hypervéloces » en raison de leur rapidité et présentés comme des technologies de rupture peuvent transporter des charges militaires – nucléaires ou conventionnelles – à une vitesse en moyenne cinq fois supérieure à celle du son et échapper – en théorie – aux défenses antimissiles classiques. La Russie est en avance dans ce domaine dans lequel la Chine s’est déjà investie avec le système de missile de moyenne portée Dongfeng-17 (DF17) conçu pour emporter le drone Dongfeng-2F (DF-2F). Celui-ci pourrait s’avérer dangereusement efficace dans le cadre des stratégies chinoises A2/AD (anti-accès/déni de zone)Voir chapitre 4, p. 93. pour limiter les capacités de projection américaines et alliées dans le détroit de Taiwan et l’ensemble des mers de ChineJustine Hervieu, « Les armes hypersoniques, porteuses de nouveaux paradigmes stratégiques », Dossier AUKUS, un an après, Revue de Defense nationale, été 2022..

Toutefois, l’élément le plus commenté de l’accord AUKUS concerne la construction d’au moins huit SSN au profit de l’Australie. L’administration Biden, qui veut renforcer les liens avec ses proches alliés, n’a mis aucun obstacle à l’accès de Canberra à la technologie nucléaire, tandis que la Grande-Bretagne post-Brexit, soucieuse de s’ancrer solidement en Indo-Pacifique, a appuyé la démarche. Elle a également entériné le transfert de missiles Tomahawks pour les destroyers Hobart et des missiles antinavires à longue portée au profit des avions de combat F18 et F35 australiens.

Avec l’AUKUS et la fourniture de sous-marins à propulsion nucléaire – dont la réalisation dans les temps annoncés semble fortement compromise –, l’Australie estime disposer d’un atout stratégique majeur alors que l’environnement sécuritaire régional et international lui paraît de plus en plus incertain. En 2020, prenant acte de la détérioration de sa relation bilatérale avec la Chine et de l’évolution des menaces régionales, Canberra avait publié une mise à jour de sa stratégie de défenseAustralian-Government Defense, « 2020 Defense Strategic update », 1er juillet 2020.. Le document révèle les vulnérabilités du pays face aux ingérences chinoises dans sa vie politico-économique par la corruption de parlementaires australiens et le recours global à des actions coercitives « de zones grises» en Indo-PacifiqueGraeme Dobell, « Australia’s strategic update by the numbers », The Strategist, 13 juillet 2020 ; Rory Medcalf, «Securing Australia in the 2020’s », discours du National Press Club, 9 décembre 2020.. Cette perception a incité le gouvernement de coalition conservateur conduit par Scott Morrison à réfléchir à l’acquisition de nouvelles capacitésOn citera son ouvrage de référence Contest for the Indo-Pacific: Why China Won’t Map the Future, initialement publié par la Trobe University Press en mars 2020 puis diffusé a l’international sous le titre Indo-Pacific Empire: China, America and the Contest for the World’s Pivotal Region, Manchester University Press, 2020.. Parmi les priorités identifiées figuraient la nécessité d’améliorer les moyens de frappe à longue portée, un objectif renforcé par le nouveau gouvernement travailliste élu en mai 2022, et la réévaluation stratégique entreprise en 2023 avec la publication de la National Defense Strategic ReviewAustralian-Government Defense, « National Defense Strategic Review », 24 avril 2023.. Le programme de sous-marins à propulsion conventionnelle signé avec la France en 2017 paraissait dépassé alors que le gouvernement Morrison était en quête d’unités capables d’effectuer de longs trajets discrets pour couvrir la zone d’intérêt stratégique australienne du golfe Persique au Pacifique, sans oublier l’Antarctique. Au-delà, il exprimait le besoin d’une garantie de sécurité renforcée face à la Chine, que seuls les États-Unis lui semblaient en mesure d’apporter.

Si le calcul stratégique pouvait se comprendre, la marginalisation politico-militaire de la France qui en a résulté, avec l’annulation sans préavis de l’offre de l’industriel français Naval Group, renvoie à une hiérarchie des alliances qui privilégie d’une manière exclusive le club anglo-saxon. L’AUKUS se présente comme un arrangement multilatéral d’un genre nouveau qui repose sur la conception et la production conjointe de capacités technologiques militaires avancées. Il s’agit d’une collaboration limitée à des alliés strictement alignés sur les intérêts stratégiques américains, et surtout parfaitement fiables. Les membres de l’AUKUS font déjà partie du club très restreint de partage de renseignement entre services spécialisés des Five Eyes (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande). Le Japon pourrait cependant se voir admis à participer au second pilier de l’AUKUS, c’est-à-dire celui de la coopération technologique. Depuis, en dépit d’une volonté de réconciliation et d’une relance de la relation bilatérale franco-australienne avec la signature d’une feuille de route en décembre 2023, une certaine distance demeure entre les deux pays. Outre la relation à la Chine, c’est la problématique centrale de TaïwanMathieu Duchâtel, « L’avenir du statu quo et de la paix dans le détroit de Taiwan », Dossier AUKUS, un an après, Revue de Défense nationale, été 2022. qui est questionnée, et en l’occurrence de l’investissement opérationnel des uns et des autres en cas de crise dans le détroit de Taiwan, qui reste questionnée. Mais au-delà des divergences, on retrouve la méfiance du monde anglo-saxon, derrière les États-Unis, envers une puissance européenne qui est la seule à pouvoir prétendre jouer un rôle militaire significatif dans la région, qui défend le principe d’autonomie. Ce sont aussi les enjeux économiques de l’industrie de défense qui alimentent les tensions ; la France est un concurrent direct dont Washington cherche à limiter l’implantation en Indo-Pacifique, l’un des principaux marchés dans le monde en la matière.

La signature de l’AUKUS a également mis en lumière le retour d’une présence navale britannique dans la région, ou plutôt sa volonté. Un réengagement était déjà en cours avec le pivot indo-pacifique du Royaume-Uni, suivant en cela les préconisations du rapport sur la défense et la sécurité « Global Britain in a competitive age » publié en mars 2021Rahul Roy-Chaudhury, « Understanding the UK’s “tilt” toward the Indo-Pacific », IISS Online, 15 avril 2021. et le plan du ministère de la Défense qui en a découlé« Defense in a competitive age », ministère de la Défense, 21 mars 2021.. Celui-ci insistait sur la nécessité de déploiements militaires plus longs et cohérents, une meilleure exploitation des installations et des facilités logistiques régionales existantes dans l’océan Indien (Bahreïn, Oman, Qatar, Kenya, Diego Garcia) et en Asie du Sud-Est (Brunei et Singapour), ainsi qu’un accroissement de la coopération avec les acteurs régionaux de la sécurité tels que le Five Power Defense Arrangement (FPDA)Signé en 1951 entre le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Singapour. et l’ASEAN.

Sur le plan de la défense, et plus particulièrement dans le domaine naval, ce nouvel engagement britannique devrait s’appuyer sur une combinaison de forces. Deux patrouilleurs hauturiers de classe River Batch 2 ont déjà été détachés en Asie du Sud-Est dans le cadre de la réactivation de la diplomatie de défense anglaise en direction des membres du FPDA. Le Royaume-Uni prévoit également le déploiement périodique de forces amphibies et aéronavales, comme un porte-avions et son groupe d’attaque. C’est ce qu’il a fait avec l’envoi remarqué du porte-avions HMS Queen Elizabeth et de son escorte, le Carrier Strike Group (CSG21), dans la région en 2021.

On peut s’interroger sur ce regain d’intérêt britannique et sa crédibilité, notamment à la lumière des autres engagements du Royaume-Uni en matière de défense dans l’espace euro-atlantique et, en 2024, en mer Rouge face aux Houtis. L’ambition est réelle, il s’agit de compenser la perte d’influence du Royaume-Uni après le Brexit, et l’amirauté britannique évoque régulièrement le déploiement avancé d’un de ses porte-avions dans la région. En fonction de ce qui sera décidé dans le cadre de l’AUKUS, et dans l’attente de la construction du premier sous-marin australien, une autre possibilité pourrait être le déploiement périodique dans la région d’un sous-marin nucléaire (classe Astute) de la Royal Navy. Pour l’heure, la partie sous-marin de l’AUKUS marque le pas. L’accord prévoyait que la marine australienne fasse l’acquisition de trois SSN de la classe Virginia entre 2033 et 2035, soit deux navires d’occasion et un neuf. Ceci en attendant la construction américaine de cinq sous-marins nucléaires d’attaque avec le soutien britannique, livrables à partir de 2040. Or le rythme de construction des sous-marins américains est très ralenti. Les États-Unis ne peuvent pas vendre comme prévu trois sous-marins à l’Australie tout en produisant deux SSN pour l’US Navy afin que cette dernière reste compétitive et dissuasive face à la Chine.

Une puissance navale chinoise de plus en plus visible

Le communiqué trilatéral annonçant la constitution de l’AUKUS ne mentionne pas les nouvelles capacités maritimes de la Chine comme son principal moteur, mais ce pacte de sécuritéIdem. illustre l’inquiétude suscitée par l’activisme croissant de la marine de l’APL dans la région indo-pacifique. Le ministère américain de la Défense, dans son rapport annuel au congrès sur la puissance militaire de la Chine en 2023, a qualifié la marine de cette dernière comme la plus grande du monde, avec 370 bateaux de combat, qui devraient passer à 460 d’ici 2030 Département de la Défense américain, « Military and security developments involving the people’s Republic of China », 19 octobre 2023., une augmentation qui reflète le rythme de construction très soutenu des chantiers navals chinois.

En 2022, la Chine a lancé son premier porte-avions de conception entièrement nationale, ce qui porte à trois le nombre de porte-avions chinois – les deux premiers étaient dérivés des plans du porte-avions russe Kutznetsov. Un quatrième serait en construction et la Chine se pose désormais en concurrent sérieux face aux onze porte-avions américains. En parallèle, elle a admis au service actif ses trois premiers porte-hélicoptères de type 075, des mastodontes conçus pour embarquer 800 marines et leur soixantaine de véhicules par l’intermédiaire de trois aéroglisseurs ainsi qu’une trentaine d’hélicoptères. De fait, les unités de combat chinoises récemment lancées sont plus lourdes et mieux équipées que les précédentes. Par ailleurs, la flotte logistique se développe également à un rythme soutenu avec de nouveaux pétroliers ravitailleurs, des navires-hôpitaux, des unités de renseignement et d’écoute.

Certains analystes évoquent trois marines en ajoutant le nombre élevé des unités de garde-côtes et des milices maritimes chinoises qui peuvent être assimilées à des marines de guerre. Celles-ci sont un renfort non négligeable et redouté pour les opérations « de zone grise » conduites par la Chine en Asie méridionale et orientale Voir chapitre 4, p. 93.. Face à ses homologues régionaux, la garde côtière chinoise dispose de moyens de fort tonnage et d’équipements qui en font une composante impressionnante, surclassant les forces combinées de l’ensemble des pays de l’ASEAN qui s’efforcent de protéger les ressources halieutiques, énergétiques et minières de leur ZEE des incursions chinoises. Le plus imposant bâtiment garde-côte chinois est à ce jour le CGG 2901. En effet, il se déplace 12 000 tonnes et est équipé d’un canon de 76 mmCéline Pajon et Marianne Péron-Doise, « Souveraineté et gouvernance maritime en Indo-Pacifique : les garde-côtes en première ligne », Annuaire français des relations internationales, septembre 2020, p. 101-117..

Le développement par la Chine de tout un arsenal de missiles (anti-balistiques, antinavires), et surtout A2/AD, est un élément essentiel de sa puissance navale. Cette dynamique a intensifié le débat sur l’utilité future des porte-avions dans une confrontation de haute intensité impliquant la Chine. Ceci n’empêche pas cette dernière d’investir dans le développement d’un programme de porte-avions. Cela fait un peu plus de dix ans que la première unité chinoise de ce type, le Liaoning, a été déclarée opérationnelle. Depuis, la marine chinoise a accumulé de l’expérience dans l’exploitation de telles plateformes, notamment en déployant des groupes d’escorte de navires de guerre de plus en plus performants. Elle a également étendu le rayon d’action de ses porte-avions à la mer des Philippines et à la lisière du Pacifique occidental tout en restant prudemment dans la limite de 1000 kilomètres de ses côtes.

Cependant, leur taille relativement modeste, de 65000 a 70000 tonnes de déplacement en pleine charge, et leur configuration pour un décollage court, mais à récupération arrêtéeLes avions décollent grâce à leur propulsion et utilisent un tremplin (sky jump) en bout de piste pour prendre leur envol., limitent leur capacité de frappe et leur puissance. Toutefois, le troisième porte-avions chinois, Fujian, est différent. Plus grand que ses prédécesseurs, avec ses 80 000 tonnes, il est équipé pour les opérations de décollage assisté par catapultes électromagnétiquesEn configuration dite « CATOBAR », les porte-avions disposent d’un pont d’envoi avec pistes obliques équipées de catapultes pour le décollage et de brins d’arrêt pour l’atterrissage.. Le navire peut accueillir un groupe aérien plus puissant, si toutefois la Chine résout le problème persistant de la formation de ses pilotes. Il ressemble davantage à un des porte-avions de l’US Navy Pour mémoire, l’USS Gerald Ford, qui constitue la plus grande unité américaine, mesure 333 mètres de long pour 100 000 tonnes. Il est propulsé par deux réacteurs nucléaires et peut emporter un groupe aérien de 80 avions de chasse et une dizaine de drones.. Le quatrième porte-avions chinois prévu pourrait être doté d’une propulsion nucléaire, comme les porte-avions américains, et être opérationnel d’ici la fin de la décennie. D’autres pourraient suivre. En plus de renforcer de manière significative les moyens de la Chine face aux défenses aériennes de Taiwan, un ou plusieurs porte-avions supplémentaires augmenteraient considérablement la capacité de projection de puissance en haute mer de son outil naval.

L’évaluation des capacités chinoises reste débattue. En dépit du développement et de la fréquence des activités des navires de combat chinois en mer, le fait que les opérations menées restent concentrées près de ses côtes et à l’intérieur de la première chaîne d’îles démontre un relatif manque d’assurance. Mais les missions continues de la marine de l’APL depuis 2008 dans l’océan Indien dans un rôle de lutte contre la piraterie ont servi l’objectif stratégique de renforcer l’expérience chinoise en matière de déploiement à longue distance, ce que confirme l’établissement de sa première base militaire à Djibouti. Pékin cherche à consolider d’autres options au profit de sa marine en s’appuyant sur un usage dual des infrastructures portuaires construites sur le pourtour de l’océan Indien dans le cadre de la Route de la soie maritime, que ce soit au Pakistan, au Sri Lanka et possiblement aux Maldives. Cette recherche de points d’appui et de soutiens signale également l’intention de Pékin d’élargir ses horizons, y compris en opérant des incursions navales au nord de l’Alaska en compagnie de navires de guerre russes et, de plus en plus, dans les eaux proches de l’Australie. L’accord de sécurité conclu entre la Chine et les îles Salomon en 2022 a alimenté le débat sur ses ambitions potentielles en matière de base navale dans le sud-ouest du Pacifique et les implications stratégiques qui en découlent. En Asie du Sud-Est, outre la poldérisation massive de récifs dans les Spratleys et les Paracels, la Chine bénéficierait désormais de facilités logistiques au sein de la base navale cambodgienne de Ream dans le golfe de Thaïlande. Elle y a aménagé un port en eaux profondes pour y accueillir des navires de guerre à l’image des aménagements portuaires qu’elle a réalisés à DjiboutiBrad Lenton et Simone McCarthy, « Blue water ambitions: Is China looking beyond its neighborhood now it has the world’s largest navy? », CNN, 2 septembre 2023..

Des forces navales régionales en constante expansion

Au-delà des États-Unis et de la Chine, l’ensemble des puissances riveraines de l’Indo-Pacifique consentent un effort significatif de développement de leur outil naval. L’attrait pour les porte-avions et les sous-marins est remarquable, en dépit des coûts considérables.

Inde, Japon, Corée du Sud : des flottes très performantes

Bien qu’elle ait toujours l’avantage en termes capacitaires dans un océan Indien qu’elle considère comme son pré carré et en dépit de son ambition affichée d’être un « net security provider » pour la région selon l’expression qu’elle se plaît à employer, l’Inde a progressé lentement dans l’acquisition et l’exploitation d’une force navale moderne. Les avancées de la Chine en la matière, ainsi que le développement de sphères d’influence potentielles de Pékin dans l’océan Indien, inquiètent de plus en plus New Delhi. La relation entre la Chine et le Pakistan, associée à l’établissement d’une base navale à Djibouti, a alimenté ses craintes d’encerclement. En 2022, l’Inde a mis en service son premier porte-avions de fabrication nationale, INS Vikrant. Elle possède désormais deux porte-avions opérationnels bien que leur capacité soit limitée. En 2023, elle a lancé son cinquième sous-marin de type Scorpene sur un programme de six. New Delhi craint que l’AUKUS n’encourage la Chine à accroître ses activités dans ses approches maritimes, tandis que l’Inde aspire à développer sa propre force sous-marine avec l’aide de la France et de la Russie. Elle s’efforce d’ailleurs de se doter d’une première classe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, SNLE indigènes, la classe Arihant, afin de compléter sa triade nucléaire.

Concernant le Japon, le haut niveau technologique des navires de la Force maritime d’autodéfense (Japan Maritime Self Defense Force, JMSDF) met en relief la puissance navale de l’archipel. Cette force a entamé depuis les années 1990 un processus de modernisation qui a pris une nouvelle ampleur avec la publication par Tokyo d’importants documents sur la défense et la sécurité en décembre 2022, à savoir la stratégie de sécurité nationale, la stratégie de défense nationale et un nouveau programme de défense. La nouvelle posture stratégique du pays comprend notamment l’augmentation du budget de la défense de 1 à 2% du PIB à horizon 2027 et l’introduction de capacités de contre-attaque à distance basées notamment sur l’acquisition du missile de croisière Tomahawk. Ces plans appuient la transition de la JMSDF vers une force dotée de capacités de défense en profondeur améliorées et devraient potentiellement renforcer le potentiel de soutien aux opérations intégrées menées par les États-Unis.

Avec quarante-neuf navires de combat de surface majeurs, la JMSDF constitue une force robuste. La modification de ses deux plus grandes unités à grand pont d’envol de la classe Izumo pour accueillir la version navalisée du chasseur américain F-35B se poursuit. Par ailleurs, la marine nippone dispose de huit croiseurs et destroyers équipés de la technologie Aegis capables d’assurer des missions de défense contre les missiles balistiques nord-coréens et chinois. La composante sous-marine a atteint son objectif de vingt-deux unités opérationnelles. Les unités les plus récentes sont équipées de batteries lithium-ion, ce qui leur confère une plus grande autonomie sous l’eau. Une telle évolution accroîtra la capacité du pays à défendre ses eaux proches et ses îles éloignées les plus vulnérables, et à envisager des opérations complexes aux côtés de ses alliés et partenaires. Tokyo bénéficie largement des exercices réguliers effectués avec les États-Unis, l’Australie, l’Inde et la France.

De son côté, la marine sud-coréenne a également considérablement développé ses capacités océaniques. Elle possède une flotte de surface articulée autour de vingt-six navires de combat de surface majeurs dont trois croiseurs de la classe Sejong (KDD-III) équipés du système Aegis. Une deuxième

série de navires de la classe Sejong – capables d’assurer la défense antimissile balistique – est en cours de construction. Six de ces navires devraient être mis en service d’ici la fin de la décennie ainsi qu’une nouvelle classe de frégates. Il faut y ajouter une force de dix-neuf sous-marins. Cela dit, la flotte sous-marine nord-coréenne pose des défis particuliers en obligeant Séoul à améliorer ses capacités de lutte anti-sous-marine. Enfin, la Corée du Sud manifeste l’ambition d’acquérir un porte-avions léger.

Des marines régionales dynamiques

D’autres marines régionales, dont l’Indonésie, Singapour et les Philippines, ont également fait des progrès notables concernant la modernisation et le renforcement de leurs capacités. Si certaines appartiennent à des États soucieux d’éviter d’être mêlés aux rivalités croissantes entre grandes puissances, la réalité d’un environnement régional de plus en plus tendu donne une impulsion supplémentaire à de nombreux plans d’équipements navals. L’Indonésie ambitionne d’acquérir deux sous-marins Scorpene auprès de la France. La marine philippine s’efforce de renforcer ses capacités de patrouille et de surveillance maritimes, notamment avec des navires construits en Corée du Sud dont deux nouvelles corvettes et six nouveaux patrouilleurs de haute mer. La marine vietnamienne est une force avec laquelle il faut compter, notamment en raison de la possession de six sous-marins Kilo construits en Russie et armés de missiles de croisière antinavires.

Porte-avions et sous-marins : entre quête de puissance et de statut

Si l’accent mis sur les porte-avions/porte-hélicoptères, tant par l’Inde que par le Japon et la Corée du Sud, est lié à l’intéret croissant pour des capacités de projection de puissance, il s’apparente aussi à la recherche de statut. Il concerne des puissances très engagées dans le développement d’une diplomatie de défense où le porte-avions constitue le prolongement d’une stratégie d’influence relayant la politique nationale. La stratégie d’emploi des trois marines met l’accent sur les opérations en haute mer et cherche à s’adapter à l’évolution constante de la dynamique stratégique régionale. Ceci concerne la défense de leur ZEE face à l’expansion maritime de la Chine, les préoccupations montantes au sujet d’un conflit avec Taiwan et la sécurisation des lignes de communication maritime contre la piraterie et le développement d’activités illégales en mer. Le Japon et la Corée du Sud, partenaires majeurs des États-Unis dans la région, sont incités par ces derniers à renforcer leurs relations en matière de sécurité et de défense en dépit de tensions récurrentes liées à des enjeux de politique intérieure. L’objectif américain est d’encourager le développement d’activités opérationnelles et d’exercices d’entraînement d’ampleur conjoints intégrant notamment des plateformes à large pont d’envol.

Par ailleurs, l’AUKUS, en cherchant à doter Canberra d’une force de SSN ne peut que contribuer à renforcer une compétition régionale déjà active dans ce domaine. L’Inde s’y essaye et la Corée du Sud pourrait être tentée. Pour l’heure, la dynamique sous-marine de la région indo-pacifique va croissantHugo Decis, « La prolifération des sous-marins dans l’Indo-Pacifique après l’AUKUS », Revue de Défense nationale, été 2022, p. 88-94.. 163 des 368 sous-marins d’attaque du monde – tant conventionnels que nucléaires – sont mis en œuvre par des pays asiatiques. Concernant les programmes en cours, 45 autres unités devraient être livrées dans les années à venir. Les marines de l’Inde, du Japon, de la Corée du Sud et de Singapour ont récemment admis au service actif des plate-formes très performantes. Pour les moyennes et petites puissances régionales, l’acquisition de sous-marins permet de développer des stratégies navales autonomes pour tenter de réduire le rapport de force asymétrique avec des « voisins» plus puissants. Cela dit, le paysage sous-marin reste dominé par les États-Unis et la Chine. Les premiers disposent de cinquante SSN auxquels s’ajoutent quatorze SNLE. Quant à la Chine, le développement de ses capacités sous-marines est important, avec cinquante-neuf unités opérationnelles dont douze à propulsion nucléaire. […]».